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phallus

Publié le 07/04/2015

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phallus n.m. (angl. Phallus; allem. Phallus). Symbole du sexe masculin érigé.

La notion de phallus, centrale dans la théorie psychanalytique, marque que le point d'impact efficace de l'interpré­tation, dans une cure, est sexuel; elle nous pose en même temps des ques­tions d'ordre éthique sur la sexualité humaine.

HISTOIRE DU CONCEPT

Ce terme, familier aux ethnologues et aux historiens de l'Antiquité grecque, renvoie au rituel religieux des mys­tères, où il semblerait — car, sur Éleusis en particulier, il n'y a pas de documents directs — que l'un des points culmi­nants ait été le dévoilement d'un simu­lacre du sexe masculin, gage de puis­sance, de savoir et de fécondité pour la terre et les hommes. On perçoit donc l'ambiguïté de ce terme, qui, imageant la turgescence du pénis, en fait ou bien un symbole à vénérer ou bien un sym­bole pris dans la logique de l'in­conscient. On voit aussi combien ce terme peut permettre une confusion entre la sexualité et la procréation et un engluement de l'énigme de la relation entre homme et femme dans la des­cription anthropologique de la relation familiale entre le père et la mère.

Par la notion freudienne de com­plexe d'CEdipe et par son corrélat, le complexe de castration, l'interdiction de l'inceste sort de la description anthropologique et du mythe tragique tandis que le phallus devient l'objet du désir de la mère, interdite au fils. S. Freud situe alors la castration, c'est-à-dire la manière dont est réglée la jouissance de l'exercice sexuel, comme ce qui lie le sexe à la parole, parole menaçante il est vrai, mais dont l'inter­dit structure le désir, tant chez le gar­çon que chez la fille, chez laquelle il aurait pu sembler que l'absence de pénis ait pu la dispenser de payer le tribut symbolique à la sexualité pour que celle-ci devienne humaine.

LA CONCEPTION FREUDIENNE DU PHALLUS

Pour Freud, le terme phallus, qui appa­raît à de nombreuses reprises, à propos des symboles phalliques dans le rêve, à propos de l'organisation de la phase phallique, sert à affirmer le caractère intrinsèquement sexuel de la libido. En cela, il s'oppose par exemple à la théo­rie de C. Jung, où le désir est rattaché à des forces vitales métaphysiques où les mythes gardent leur accent initiatique religieux.

L'accent mis sur l'adjectif phallique correspond à une position théorique essentielle de la part de Freud : la libido est essentiellement masculine, même pour la petite fille, en dépit des affirma­tions d'élèves de Freud comme E. Jones ou K. Horney. On ne peut pas dire «à chacun sa libido ou à chacun son essence « : le phallus est une sorte d'opérateur de la dissymétrie néces­saire au désir et à la jouissance sexuels. Cette dissymétrie engendre-t-elle un discours chez Freud ? II est vrai que, si le phallus est attaché à Éros, cette force même tend à l'union tandis que Thana­tos désunit, désorganise. Pourtant, dans Au-delà du principe de plaisir (1920), Freud montre comment la reproduction sexuée implique la mort de l'individu; ce qui est phallique ne peut donc pas être un pur symbole de la vie. La complexité de cette notion, chez Freud, se joue, semble-t-il, moins sur l'irréductible différence entre les sexes que sur l'opposition entre la vie et la mort.

LA PREMIÈRE APPROCHE LACANIENNE DU PHALLUS

Ce n'est qu'avec J. Lacan que le phallus devient véritablement un concept fon­damental de la théorie psychanaly­tique. De quoi s'agit-il à propos du phallus ? De l'assomption, par l'hom­me, de son sexe. Dans l'article «la Signification du phallus« (1958), publié

dans les Écrits (1966), Lacan marque d'emblée l'enjeu symbolique du phal­lus dans l'inconscient et sa place dans l'ordre du langage : «C'est seulement sur la base des faits cliniques que la discussion peut être féconde. Ceux-ci démontrent une relation au phallus qui s'établit sans égard à la différence ana‑

tomique des sexes             Le phallus est un signifiant, un signifiant dont la fonc­tion dans l'économie intrasubjective de l'analyse soulève peut-être le voile de celle qu'il tenait dans les mystères. Car c'est le signifiant destiné à désigner dans leur ensemble les effets de signi­fié, en tant que le signifiant les condi­tionne par sa présence de signifiant.« C'est dire que Lacan met le phallus au centre de la théorie psychanalytique en en faisant l'objet du refoulement origi­naire freudien. C'est ainsi que l'on doit entendre l'affirmation lacanienne sui­vante : «Le phallus ne peut jouer son rôle que voilé . « Cela a des consé­quences techniques et cliniques. Le dévoilement du phallus est donc à l'op­posé de l'interprétation psychanaly­tique, mais renvoie à une initiation vers un signe dernier et sidérant. S'il est vrai pourtant qu'en dernier recours toute signification renvoie au phallus, ce n'est pas comme à une clé magique des songes et des discours, mais dans la prise en compte de la barre qui sépare signifiant et signifié et qui divise aussi bien le sujet désirant ($) puisque «l'inconscient est structuré comme un langage «.

Ce choix théorique éclaire après coup la diversité des conceptions du phallus de la part de Freud et de ses élèves : «Le phallus, dans la doctrine freudienne, n'est ni un fantasme (au sens d'un effet imaginaire) ni un objet partiel (interne, bon, mauvais) et non plus l'organe réel, pénis ou clitoris« (Lacan, la Signification du phallus). La distinction et l'articulation entre les trois dimensions du réel, du symbo­lique et de l'imaginaire résolvent les

contradictions de cette notion. Lacan écrit encore : «Le phallus est le signi­fiant privilégié de cette marque où la part du logos se conjoint à l'avènement du désir. On peut dire que ce signifiant est choisi comme le plus saillant de ce qu'on peut attraper dans le réel de la copulation sexuelle, comme aussi le plus symbolique au sens littéral (typo­graphique) de ce terme, puisqu'il y équivaut à la copule (logique). On peut dire aussi qu'il est par sa turgidité l'image du flux vital en tant qu'il passe dans la génération. «

DEUXIÈME APPROCHE: COMBINATOIRE ET TOPOLOGIE

En 1972-1973, le concept de phallus prend, avec Lacan, un tournant majeur où deux problématiques se trouvent conjuguées; d'une part, une combina­toire logique où le phallus devient fonction phallique, d'autre part une topologie, celle du noeud borroméen, où le terme phallus apparaît, à propos de la jouissance phallique, comme ce qui, par rapport à la consistance du noeud, ex-siste, c'est-à-dire ce qui retient dans une distinction radicale.

LA FONCTION PHALLIQUE

Dans le séminaire Encore, le phallus se trouve situé dans une algébrisation qui radicalise l'asymétrie de la différence sexuelle : «Il n'y a pas de rapport sexuel inscriptible comme tel. « On ne peut écrire x R y pour rendre compte du rap­port entre les sexes. Penser le phallus en termes de « fonction « phallique permet alors d'inscrire précisément cet hiatus entre homme et femme. (—i ma thème, Figure 4.)

Ce qui est noté en haut du tableau donné en figure 4 à l'article mathème est une combinatoire qui montre les différentes manières d'avoir rapport à (tex, à la fonction phallique; la lettre x marque la manière dont Lacan se sépare radicalement de l'idée d'une

essence, ou nature, masculine ou fémi­nine, car «qui que ce soit de l'être par­lant s'inscrit d'un côté ou de l'autre «. Ce qui permet de penser autrement certains problèmes cliniques, comme celui de l'hystérie masculine.

Lacan commente ainsi ce tableau : «À gauche, la ligne inférieure Vx Ox indique que c'est par la fonction phal­lique que l'homme comme tout prend son inscription à ceci près que cette fonction trouve sa limite dans l'exis­tence d'un x par quoi la fonction (tex est niée, 3x (tex. C'est là ce qu'on appelle la fonction du père, d'où procède, par la négation, la proposition 4x, ce qui fonde l'exercice de ce qui supplée par la castration au rapport sexuel, en tant que celui-ci n'est d'aucune façon ins­criptible. Le tout repose donc ici sur l'exception posée comme terme sur ce qui, ce (tex, le nie intégralement.« Du côté droit, le côté de l'être parlant, qui peut s'inscrire du côté femme, on peut dire ceci: «D'être dans le rapport sexuel, par rapport à ce qui peut se dire de l'inconscient, radicalement l'Autre, la femme est ce qui a rapport à cet Autre. « La femme n'est donc pas toute dans la jouissance phallique. Ce qui fait que celui qui s'inscrit du côté mâle n'at­teint «son partenaire sexuel qui est l'Autre« qu'à travers le fantasme

$         a, c'est-à-dire par le lien qu'entre‑ tient le sujet divisé par rapport à l'objet cause du désir.

Cette combinatoire de quatre for­mules propositionnelles marque l'hia­tus entre les sexes et tente d'ordonner le texte de la jouissance entre l'univer­sel et l'exception quand il s'agit d'un champ fini d'une part et, d'autre part, quand il s'agit d'un champ infini (à droite), un écartèlement de deux pro­positions dont le rapport ne peut être résolu en termes de contradiction.

Cette radicale impossibilité d'écrire le rapport sexuel comme tel, la néces­sité donc de passer par la fonction phal­lique, fait entendre le mot phallus entre

le jeu de mots faillir et falloir: entre ce qu'il faut et ce qui fait défaut. Il n'y a donc pas, chez Lacan, comme ce qu'il dénonce lui-même chez Freud dans le séminaire R.S.I., «de prosternation devant la jouissance phallique «. Et s'il « y-a-de-l'Un«, ce n'est pas le phallus, en tant que signe d'Éros, qui marque­rait la possibilité d'une communion; s'il y a de l'un, cet un entre dans le calcul logique où la fonction phallique opère; et cela marque bien combien le phallus, ce signifiant de la jouissance sexuelle, ne nous renvoie pas à quelque maîtrise, malgré son éclat imaginaire, mais au trou que représente l'impossi­bilité de marquer d'un «un« le rapport sexuel.

La fonction phallique permet égale­ment de situer le Nom-du-Père* comme l'exception fondatrice de ce qui règle, par rapport au phallus, l'être ou le n'être pas, l'avoir ou le ne pas l'avoir. On remarque que ce lien entre phallus et fonction paternelle fondatrice de la loi qui régit la jouissance, au lieu de confondre sexualité et génération, les distingue et les éclaire l'une l'autre.

Enfin, cette combinatoire permet de ne plus prendre l'objet phallique dans une confusion de ses enjeux imaginaire et symbolique. À l'affirmation de M. Klein selon laquelle la mère « contient « le phallus, Lacan répond en radicalisant la question: «Que le phal­lus soit un signifiant impose que ce soit à la place de l'Autre que le sujet y ait accès. « À l'imaginaire du contenant, du possédant qui pourrait penser le don­ner ou le transmettre comme un objet, Lacan substitue l'idée topologique du lieu de l'Autre.

LE PHALLUS DANS LE NŒUD BORROMÉEN

Le second aspect du tournant amorcé en 1972-73 dans la position théorique du phallus concerne la topologie du noeud borroméen. Ce noeud a la parti­cularité de nouer trois ronds de ficelle sans les nouer deux à deux: si un rond

est rompu, le noeud se rompt. Chaque rond est équivalent aux autres et, si chacun représente le Réel, l'Imaginaire, le Symbolique, cela veut dire que ces trois dimensions sont d'égale impor­tance pour l'abord des questions théo­riques et cliniques. Cela veut dire également, si le noeud est figuré à plat, que tout ce qui est alors distribué en différentes surfaces a des bords qui appartiennent aux trois ronds diffé­rents.

Cela contraint de penser le Réel, l'Imaginaire et le Symbolique en ter­mes de trous et non de substances. Cela empêche également de restaurer à leur occasion quelque hiérarchie ou genèse.

 

Le phallus est situé comme « ex-sis-tence « dans la dernière partie de l'oeuvre de Lacan; il s'agit là de le repé­rer dans l'écart entre le rond du Réel et celui du Symbolique, à la limite de la jouissance phallique qui, au bord de l'objet a, s'articule à la jouissance de l'Autre et au sens. Le phallus est donc une notion centrale pour la psychana­lyse, à la condition d'en articuler et d'en entendre les trois dimensions dans un abord à la fois logique et topolo­gique qui, de façon différente mais non contraire, permet de ne pas en faire une substance, magique, religieuse, méta­physique. Signifiant de la jouissance sexuelle, il est le point où s'articulent les différences dans le rapport au corps, à l'objet et au langage.

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