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Antiquités de Rome (les) de Joachim du Bellay (fiche de lecture)

Publié le 15/10/2018

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Antiquités de Rome (les). Recueil poétique de Joachim du Bellay (1522-1560), publié à Paris chez Fédéric Morel en 1558 ; le titre complet en était le Premier Livre des Antiquitez de Rome contenant une generale description de sa grandeur et comme une déploration de sa ruine. Plus un songe ou vision sur le mesme subject. Ce « premier livre » ne fut jamais suivi d'un second.
 
De 1553 à 1557, Du Bellay avait rempli à Rome les fonctions d'intendant de la maison de son illustre parent, le cardinal Jean du Bellay. Publiée quelques mois après le retour en France, la mince plaquette des Antiquités de Rome fut vraisemblablement composée en même temps que les Regrets. Motif d'école, le thème de la grandeur et de la décadence des empires connaît à la Renaissance d'innombrables développements et variations : avant Du Bellay, Pétrarque, l'Arioste et Castiglione s'étaient penchés avec nostalgie sur les ruines de la Rome antique. Les 32 sonnets du recueil - dont le titre rappelle les guides topographiques de l'époque - s'inscrivent peut-être dans le genre littéraire du « tombeau », très florissant en France depuis la mort du dauphin François, et appliqué ici à une ville-symbole.
La plus grande partie des sonnets des Antiquités de Rome est construite sur l’antithèse du passé antique et du présent de la gloire dominatrice et des « monceaux pierreux » : « Rome vivant fut l’ornement du monde / Et morte elle est du monde le tombeau » (29). Jadis image de plénitude et de perfection. « Rome seule pouvoit à Rome ressembler» (6), la Ville Étemelle ne témoigne plus, désormais, que de la toute-puis-sance du « temps injurieux ».
 
La matière du Songe se distribue en quinze sonnets bâtis sur un modèle identique : le poète contemple un monument (l’obélisque) ou un être animé (l’aigle, la louve) emblématiques de la grandeur romaine, avant d’être le témoin de leur destruction violente : « Je vy la tempeste descendre, / Et fouldroyer ce brave monument » (III).


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« monde et démiurgie poétique ren­ voient l 'une à l'autre, inscrivant la Ville Étern elle dans un e dialectique du sublime et du prosaïque, de l'Histoire et de la quotidienneté.

Entreprise magique d'« invocation », les Antiquités de Rome ambitionnent de remonter le cours du temps, de recons­ tituer la grandeu r passée à la seule lumière des ruines présentes : tout réa­ lisme topographique s'abolit dans une poétique incantatoire des ruines, qui à la fois proclame le néant et re.ssuscite ce qui n'est plus.

À l'instar d'un nécro­ mant (5), le poète traque la vie de rrière la « morte peinture '"· Par bonheur, les indices fragmentaires possèdent encore une puissance su ffisante pour rappeler la totalité dont ils pro viennent: la plé­ nitude antique communique à ses ves­ tiges, par-delà les siècles « injurieux,., une force qui éclipse les réalisations les plus majestueuses du temps présent.

L'idée de plénitude informe l'appré­ hens ion du passé et attise la fascina­ tion nostalgique du poète.

Rome en effet ne se réduit pas, comme Athènes ou Babylone, à une ville-phare parve­ nu e à un très haut degré de civilisa­ tion : en son extraordinaire développe­ ment , elle devint une figure de l 'universel ( « Rome fut tout le mond e,., 26) et finit par s'identifier à l 'ordre cosmique («Le plan de Rome est la carte du monde », ibid.).

Une question lancinante et para­ doxale traverse dès lors le recueil : comment la plénitude put-elle sombrer dans la corruption et la destruction ? Du Bellay, à vrai dire, élabore moins une réponse qu'il ne se laisse envoûter par le mystère de la question : il accu­ mule des facteurs explicatifs hétérogè­ nes, alléguant tantôt une causalité his­ torique (les guerres civiles, les invasions barbares), tantôt la perma­ nence d'un schème éthique dans l'Hi s­ toire (l'orgueil et la toute-puissance s'effondrent inéluctablement sous le poids de leur propre démesure), tantôt encore une fatalité désespérante inspi­ rée de l'Ecclésiaste («Tout n'est rien que vanité.,, toute vie terre stre est s ujette à la « mondaine inconstance»).

Histoire, mythologie et religion se mêlent, se superpose nt et se relaient : seul un discours fuyant et multiforme peut rendre compte d'une pert e énig­ matique qui engage le sort de l'huma­ nité entière.

Recueil plus ambigu qu'il paraît, les Antiquités de Rome échappent à la rhé­ torique convenue de la célébration et de la déploration.

Les réduire, comme on le fait trop souv ent, à l'orchestra­ tion de quelque .s topoi philosophiques et moraux en vogue à la Rena issance - J e motif de la "viciss itude », l'incerti­ tude des gloires terrestres -affaiblit considérab l ement la densité poétique du texte.

Ca r l'unité du recu eil réside moi ns dans son orga nisation théma ti­ que que dans sa perspective « magi­ que», domin ée par le motif de l'envoûtement et d e la fascination : les "Je vy,.

anaphoriques du Songe, qui exhibent de l a manière la plus nette le p rincipe des 32 sonnets précédents, font du poète un spectateur ensorcelé et peut-être dépassé par ses propres cons truction s visionnaires.

Un mouve­ ment d'enrichissement récip roque s'accomplit : si le poète rappelle et res­ suscite le passé, ce dernier vivifie c hez lui l'or gane de la vision et transcende ses capacités ordinaires.

Sous couvert de rhétorique sublime, les Antiquités de Rome explorent en définitive l'activ ité poétique au plus près de son essence : centre mythique de l'univers, la Ville Éte rnelle devient le point d'application privilégié d 'une interrogation sur l'én igmatique faculté de production des images.. »

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