BLEU DU CIEL (le) de Georges Bataille

BLEU DU CIEL (le), roman de Georges Bataille (1957). L'introduction du roman avait paru, sous forme de plaquette et sous le titre Dirty, en 1935, mais c'est seulement vingt-deux ans après l'avoir écrit que Bataille acceptera qu'il paraisse dans son entier. Les événements qu'il rapporte, ayant pour cadre l'Europe de 1934, ne précèdent donc que de quelques mois sa rédaction. Étant donné la gravité des coups de théâtre qui secouaient alors le monde, c'est cette absence de recul — bien qu'elle donne au récit une intensité qui atteint parfois, dans l'efficacité, celle des flashes d'un reportage — qui se trouve sans doute à l'origine de la décision prise par Bataille, une fois le roman achevé, de ne pas le faire paraître. Les deux personnages principaux sont le narrateur, Troppmann (homonyme d'un criminel sordide du second Empire), et sa maîtresse Dirty (transcription approximative de la prononciation anglaise de Dorothea, son prénom). La partie centrale du roman se passe à Paris, où l'on voit Troppmann, viveur dépressif, fréquenter sans conviction les milieux de l'extrême gauche de l'époque (on note, parmi les figures qu'il rencontre, Lazare, jeune révolutionnaire à laquelle Simone Weil a servi de modèle), ne partageant avec eux qu'une désorientation radicale. Pour le reste, tantôt séparés, tantôt ensemble, tantôt ensemble et séparés, Troppmann et Dirty déplacent à travers l'Europe une hantise maladive : Londres, où ils écument bouges et palaces ; Barcelone, où ils titubent en pleine insurrection catalane ; Vienne, où le chancelier Dollfuss vient d'être assassiné ; Trêves et Francfort, où l'Allemagne exhibe les résultats du dressage nazi. Par la tension anxieuse qui le traverse, un côté noué mais aussi la liberté de ses mouvements, l'usage de l'alcool, les obsessions érotiques, les rêves, ce roman, à mi-chemin de Dostoïevski et du roman américain, porte peut-être la marque de son époque, mais il en est l'un des chefs-d'œuvre.