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COLOMBA, de Prosper Mérimée

Publié le 23/02/2019

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COLOMBA, nouvelle de Prosper Mérimée. Écrite au retour d'une mission d'inspection archéologique (16 août-7 octobre 1839) d'où allaient sortir les Notes d'un voyage en Corse (avril 1840), la plus longue nouvelle de Mérimée fut d'abord publiée dans la Revue des Deux Mondes (juillet 1840) et ne connut la consécration du volume qu'un an plus tard. En raison de la multiplicité et de la variété des sources — relations orales, archives judiciaires, ouvrages historiques, etc. —, l'écrivain a d'abord fait œuvre d'organisateur : « J'ai tâché de faire une mosaïque avec les récits que j'ai recueillis à gauche et à droite » (lettre à E. Conti, 12 novembre 1840). D'où, afin d'éviter au récit de se diluer dans une couleur locale gratuite ou dans l'anecdotique, le centrage de l'intérêt non sur la réalisation de la vendetta (elle n'occupe que le chapitre xvii) mais sur
 
les clivages qu'elle révèle entre les personnages : détermination farouche de Colomba, refus moral et social de Miss Ne vil, incertitude d'Orso. Dès lors que le problème était intériorisé, il devenait normal que le débat d'Orso soit au cœur de la nouvelle ; mais, de ce conflit d'où pouvait naître un héros tragique (« ... il lui semblait entendre un oracle fatal, inéluctable, qui lui demandait du sang », chap. xi), Mérimée a fait un récit d'où émerge un « héros de roman » en qui viennent se fondre la veine dramatique (incarnée par Colomba) et la veine sentimentale (représentée par Miss Nevil). Reste que, si l'imité psychologique des deux héroïnes tranche avec l'ambiguïté d'Orso, c'est que les caractères comptent sans doute moins que les idées qu'ils symbolisent : Colomba est moins « l'Électre rustique » (P. Josserand) que l'attachement aux traditions et au passé, la représentante d'une société archaïque ; de même Miss Nevil est-elle moins le porte-parole du romanesque que le prosélyte de la civilisation moderne pour qui « il serait glorieux de convertir un Corse ». Ainsi, fidèle à son habitude, Mérimée élargit-il le problème du particulier au général en faisant de son récit, à travers quelques figures emblématiques, le portrait d'un pays ou d'un peuple autant que l'histoire de héros privilégiés ; et, même si le narrateur ne s'affuble ici ni du savoir de l'ethnologue ni des connaissances de l'historien, il n'en conte pas moins, au travers du drame d'Orso, « sauvage trop civilisé », le déchirement d'une île tentée par la culture continentale mais incapable de renoncer à sa propre nature.

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