COURTEPOINTES Gaston Miron

Ce recueil est composé de sept sections. Chacune est une « courtepointe », c’est-à-dire une sorte de rhapsodie. «Ce ne sont que retailles et courtepointes», écrit Eugène Roberto en avant-propos. La poésie est fragmentaire et inachevée, car elle est un combat tourné vers l’avenir et la vie. Bien qu’il n’y ait pas de titre pour chaque courtepointe, Eugène Roberto reconnaît, dans l’ordre: l’homme, la terre, le camarade, l’amour, la «batèche» (juron québécois), l’enfant. Cette œuvre est animée par l’ardeur d’une énergie anarchique qui s’affirme et se disperse. Les verbes d’action dominent. Le sujet surgit dans son union conflictuelle avec un autre (camarade/double, femme, enfant, terre...) et s’exprime à travers des forces ou substances crispées, fracturées, hirsutes. L’importance de l’action détermine celle du temps: le mot «temps» revient, selon Eugène Roberto, vingt-six fois. Les verbes sont généralement au présent mais les textes sont tournés vers l’avenir: la dernière courtepointe (l’enfance) évoque même le futur antérieur. La langue est dynamique. Le poème interpelle sans cesse le lecteur, les fonctions expressive et conative (voir Jakobson : le sujet présente ses réactions face à ce qu’il dit, et cherche à déterminer celles du lecteur) jouant un rôle important. La phrase est faite, si l’on peut dire, d’un combat rugueux contre la substance phonétique, rythmique et syntaxique. L’avant-demière section, la «batèche», peut être décrite comme un travail destiné à investir ce juron d’une signification : elle fait parler le cri.

♦ L’œuvre de Gaston Miron (né en 1928) est caractérisée par son évolution permanente, comme le montre l’anthologie L’Homme rapaillé* (publiée aussi en France en 1981). Le recueil Courtepointes a été soigneusement composé (à partir de poèmes écrits pour la plupart à des dates relativements anciennes), mais témoigne lui aussi d’une grande diversité. La seule unité est la volonté de

combattre, inséparable de l’engagement politique en faveur de l’indépendance du Québec.