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DIDEROT : Lettre sur les aveugles; Entretien entre d'Alembert et Diderot

Publié le 13/10/2013

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Cependant, la figure de l'aveugle géomètre peut aussi servir de modèle négatif pour critiquer certains systèmes philosophiques : une hypertrophie du tou-cher peut conduire à un excès d'abstraction métaphy¬sique. À force de se fier à son tact, l'aveugle pourra croire que Ies objets n'existent pas hors de la sensation qu'il en a ; on peut embrasser un paysage du regard ; mais quel aveugle possédera des mains capables de palper tout ce qui l'entoure ? Autrement dit, la méta¬physique de l'aveugle n'est pas à l'abri de la tentation d'idéalisme. Surtout, Diderot renvoie dos à dos l'idéa¬lisme de Berkeley et le sensualisme de Condillac, d'une manière certes caricaturale, mais séduisante : ne croire qu'en l'existence de soi-même et de ses sensa¬tions, ou croire que nous ne sortons jamais de nous-mêmes, cela ne revient-il pas au même ?

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« 188 GRADUS PHILOSOPHIQUE tian est posée à l'amour de la sagesse : la séduction des rencontres multiples.

Le refus de s'attacher à quelque système que ce soit embarrassera naturellement autant le lecteur que le commentateur.

Mais la séduction opère ses charmes, et, bien vite, au lieu de voir en Diderot un fanatique de la contradiction, on aime en lui l'amoureux du paradoxe, au sens platonicien du terme : il s'agit de fuir toutes les opinions, y compris celles qui fondent les systèmes les plus élaborés de la philosophie.

Loin d'être un scepticisme caricatural, la pensée de Diderot se découvre dans une philosophie mouvante comme l'est le polype, modèle cher au philosophe.

D'une œuvre à l'autre, les idées se retournent sans qu'on puisse se rat­ tacher à l'idée rassurante d'évolution d'un système.

Les domaines se confondent ; on traite sans transition de « politique, d'amour, de goût ou de philosophie », pour reprendre encore Le Neveu de Rameau.

Souvent se super­ posent plusieurs étapes de rédaction, soit que Diderot ait retouché son texte avant de le publier, soit que l'œuvre n'ait jamais été éditée du vivant de son auteur.

Aussi, pour entamer ce parcours, deux choses sont-elles requises : accepter de suivre une pensée se cherchant sans cesse au fil des expériences de !'Histoire et de la vie; accepter aussi de s'en tenir à deux œuvres, dont la lecture n'est qu'un avant-goût susceptible d'aiguiser l'ap­ pétit du lecteur.

* * * Commençons par une question.

Supposons un aveugle de naissance qui sache distinguer, à l'aide du seul toucher, une sphère d'un cube ; supposons qu'une opération lui rende l'usage de la vue ; cet aveugle sera-t-il en état de discerner les deux volumes, « en les voyant sans les toucher 1 " ? Comment ima­ giner un sujet plus propice au libertinage que cette 1.

Diderot, Lcure sur les ùt'e11g/es, dans Le f';ei·e11 de Rù111eù11 er ùWres rexres, postface de J.

Proust, Paris, Le Livre de Poche, 1972, p.

205.. »

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