Épigrammes de Martial
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
Marcus Valerius Martialis, dit en français Martial, naquit en Espagne et se rendit à Rome à l'âge de vingt-cinq ans. Son oeuvre, exclusivement constituée de quinze livres d'épigrammes, parut entre 80 et 102 ap. J.-C. En Grèce, l'épigramme (littéralement « inscription «) était destinée à fixer sur un monument le souvenir d'un homme illustre ou d'un fait mémorable. C'est Martial qui donne à ces courtes pièces de vers leur sens de raillerie satirique.
«
« Tu m'invites lorsque
tu sais, Nasica, que j'ai moi-même des hôtes.
»
EXTRAITS ~~~~ ~~~ -
Retour au foyer
Si tu vois, Rufus, passer Selius le front
assombri par un nuage ; si
tu le vois arpen
ter si tard le portique ; si sa morne physio
nomie tait quelque lugubre secret ; si son
nez s'allonge vilainement presque à toucher
le sol ; si de sa main droite il
se frappe la poitrine et
s'arrache les cheveux,
ce
n'est pas qu'il ait à
déplorer la triste
fin
d'un ami ou d'un frère ;
ses deux
fils sont bien
vivants,
et je fais des
vœux
pour qu'il les
conserve ; il
n'est rien
arrivé de fâcheux à sa
femme, ni à ses meubles
ni à ses esclaves ; son
fermier pas plus que son
intendant ne lui ont fait
le moindre tort.
Quelle
est donc
la cause de son
chagrin ? Il dîne chez
lui.
Beata solitudo
Tu voudrais savoir,
Linus, ce que me rapporte ma
ferme de Nomentum ? Voici ce qu'elle me
rapporte: le plaisir, Linus, de ne pas te
voir.
Une émotion bien contrôlée
Philaenis ne pleure jamais que d'un œil.
Comment cela se peut-il ? demandez-vous.
C'est qu'elle est borgne.
D'un ami qui vous veut du bien
Qui est donc ce petit frisé que l'on voit
toujours collé aux côtés de ta femme,
Marianus ? Qui est donc ce petit frisé qui
susurre
je ne sais quoi à l'oreille délicate de
la noble dame et appuie le coude droit sur
le dossier de sa chaise ?
Un anneau léger
danse à chacun de ses doigts, et aucun poil ne
porte atteinte à la blancheur de ses
jambes.
Tu ne me réponds pas ? - « C'est,
dis-tu, l'homme d'affaires de ma femme.
» -
Oui-da, c'est bien là l'homme de confiance,
au rude aspect, dont le visage suffit à déno
ter l'agent d'affaires : Aufidius de Chios ne
sera pas plus actif.
Comme tu mériterais,
Marianus, les soufflets de Latinus: te voilà
fait,
je crois, pour succéder à Panniculus !
C'est l'homme d'affaires de ta femme ?
Ce petit frisé-là s'occuper d'affaires quel
conques ? Ce n'est pas le rôle d'un homme
d'affaires qu'il remplit auprès de
ta femme :
c'est
le tien à toi.
Femme fatale
Sur les tombeaux de ses sept maris,
cette scélérate
de Chloé a inscrit
ces mots :
« C'est mon
ouvrage.
» Où trouver
aveu plus
naïf?
Un parfait imbécile
Délateur, mauvaise lan
gue, fripon, trafiquant,
complaisant infect, maî
tre de gladiateurs, tu es
tout cela.
Je me demande avec sur
prise, Vacerra, pourquoi
tu n'as pas le sou.
Les âges de la vie
Tu étais riche autrefois :
mais alors
tu étais pédé
raste, et
pendant long
temps tu
n'as connu
aucune femme.
A présent,
tu cours les vieilles.
Ô
pouvoir irrésistible de l' in-
digence! Elle fait de toi, Charidémus,
un homme normal.
Traduit par H.
J.
Izaac,
Les Belles-Lettres, 1930, 1933
« Un spectateur te
procure plus de joie
qu'un amant, et il n'est
pour toi de joies
d'amour si elles restent
secrètes •..
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Je viens de parcourir sept livres de
Martial
et j'ai appris environ trois cent
soixante de ses meilleurs vers.
Son mérite
me paraît résider non dans l'esprit, mais
dans
la succession rapide de vivantes
images.
Je le voudrais moins nauséabond.
C'est une aussi grande brute
qu' Aristophane.
C'est assurément un
écrivain adroit
et charmant.
Parfois il serre
de près Aristophane.
Mais en dehors de ses indécences,
sa servilité
et sa tendance à
la mendicité me dégoûtent.
» Lettre
de Thomas
Macaulay, citée dans
Otto
Trevelyan, Life and Letters, Londres, 1876.
« Tel quel, sans cesse aux aguets de la
drôlerie ou du ridicule,
du croquis à enlever,
du bon
mot à laisser jaillir, de la pointe
fourrée et à aiguiser finement, de
la scène
à sertir dans un poème court, du portrait
à saisir tout vif pour le jeter dans son bain
d'eau-forte, Martial fait
à la fois songer à
La Bruyère et à Chamfort, à Jules Renard
et, par
la bourbe qu'il remue, à Jean
Lorrain.
Fatigué des grands imposteurs de
la rhétorique latine et de la propagande
héroïque qui, depuis deux mille ans, réduit
toute l'histoire romaine à un fabuleux
Panthéon, si
l'on veut savoir ce que fut la
vie romaine au temps des Césars, c'est ce
Martial qu'il faut lire.» Émile Henriot,
Les Fils de la louve, Dominique Wapler
éditeur, 1949.
1.
2, 3, 4, 5 bois gravés de Graux, éd.
du Pot cassé, Paris, 1933
MART1AL02.
»
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