Hudibras
Publié le 10/04/2013
Extrait du document
Ce n'est qu'à l'âge de cinquante ans que Samuel Butler (1612-1680) émergea de l'anonymat en publiant son poème héroïcomique Hudibras, en trois parties (1663, 1664, 1678). Il n'écrivit d'ailleurs plus d'autre ouvrage. Le poème eut la chance de plaire à Charles II - qui en fit même son livre de chevet- ainsi qu 'à toute la cour. Malgré ce succès et la pension que lui accorda le souverain, Butler mourut dans l'indigence.
«
Hudibras s'en va sur les routes
Quand les hommes en désarroi
Se brouillaient sans savoir pourquoi ;
Quand gros mots, craintes, jalousies
Causaient partout des batteries,
Et les gens en dissensions
Pour
la Dame Religion
Se chamaillaient dans la dispute
Comme gens ivres font pour pute,
Dont chacun disait tant de bien,
Sans que personne y connût rien ;
Quand
la trompette d' Évangile
Sonnait la charge
par la Ville ;
Et pour tambour la Chaire au loin
Retentissait à coups de poings ;
Lors
le chevalier prit le large,
Et de Colonel fit la charge.
Son aspect était trait
pour trait
NOTES DE L'ÉDITEUR
« En tant que première grande satire
s'attachant
à reconsidérer l'histoire
d'Angleterre depuis la formation de l'État,
Hudibras transforme le cauchemar en une
farce qui retrace une ère de fanatisme
à travers les aventures d'un chevalier
presbytérien et de son écuyer indépendant,
ou protestant radical.
En présentant leurs
aventures comme un parodie de l'errance
chevaleresque, Butler rend bien la
présomptueuse autosatisfaction de deux
nigauds dont le peu de connaissances et de
EXTRAITS
D'un preux Chevalier le portrait,
Dont le fier genoux de sa vie,
Ne plia
qu'à Chevalerie;
Qui jamais
qu'un coup n'endura
Qui son épaule décora.
A bon droit la fleur de
la clique
Soit errante, soit domestique ;
Grand sur les bancs, grand à cheval ;
Sur tous deux d'un mérite égal
Brillaient son cœur et sa cervelle
A juger, ou vider querelle ;
Et
fut renommé pour les faits
Pendant la Guerre comme en
Paix;
De ses qualités intellectuelles
Il était savant en Logique,
Et profond dans l' Analytique
Un cheveu savait diviser,
Et sur les parts subtiliser,
En pédant retors qui dispute,
Change
la thèse, et puis réfute.
Il eut démontré bien ou mal
Qu'un homme
n'est pas un cheval,
Que celui qui prend une Buse
Pour un oiseau souvent s'abuse,
Qu'un Lord peut bien être un Hibou,
Et maint Échevin un Coucou,
Un Juge une Oie, et la Corneille
Passer
pour tutrice à merveille.
Par la dispute
ils' entendait,
Et
par raisonnement payait
En dialectique très pure,
Sans manger à mode ou figure.
De son savoir
Grand philosophe en toute chose,
Il avait
lu tout texte ou glose ;
«A insi parfois Dame Justice/ Livre un innocent au supplice, / Quand le coupable garnement /
est renvoyé sans châtiment.
»
capacités leur permet tout juste d'éviter le
bon sens le plus élémentaire.
A eux deux, ils
représentent plusieurs tendances de l'échec
empirique : la logique tranchante de la
scolastique ; le caractère pseudo-divinatoire
du langage des sectaires ; la vaticination
enthousiaste ; et, surtout, l'hypocrite
prétentipn
à la rectitude morale.
Alors
qu 'Hudibras est plutôt aristotélicien, Ralph,
l'écuyer, est sans doute néo-platonicien et
théologien ; chacun porte
jusqu'à ses
dernières conséquences l'absolutisme de sa
propre personnalité : un mélange de
superstition primaire et de zèle arrogant et
l Roger-Vio llet 2, 3, 4, S gravures de Schellenberg , Riga, 1787 /Bibl.
Nat.
Suisse
« Et, pour se venger d'Hudibras, /
Déjà plusieurs levaient le bras, / Et grêle de coups était prête /
A lui retomber sur la tête.»
Par implicite Foi savait
Ce qu' auteur obscur
entendait ;
Rendait raison, et sans réplique,
De tous les doutes du sceptique ;
Comme quarante, il en savait,
Aussi loin que parole allait ;
Cotant tout cela
par routine,
Tout comme, ou mieux, qu'une machine ;
Et son jargon était noté,
Pour être dit, ou bien
chanté ·.
Si bien les choses aux idées
Dans la tête étaient adaptées,
Que l'un pour l'autre bien souvent
Il prenait, comme maint savant.
Version française de 1757, Paris
agressif.
» The Oxford Anthology of English
Litterature,
Oxford Press, London, 1973,
trad.
M.
Moreno.
« Hudibras s'inscrit parmi les plus
importantes des satires politiques anglaises
- peut-être grâce à l'intensité d'une verve
comique extrêmement spirituelle, peut-être
aussi grâce à la technique poétique si
extraordinaire de l'auteur, qui élève
le burlesque au niveau de l'art.
»
A M.
Witherson et F.
J.
Wamke, Seveteenth
century prose and poetry,
Éd.
HBJ,
New York, 1963, trad.
M.
Moreno.
BUTLER02.
»
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