Il ne faut jurer de rien
Publié le 30/03/2013
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Publié dans la Revue des Deux Mondes en 1836, Il ne faut jurer de rien est la dernière grande oeuvre dramatique de Musset. Agé de vingt-six ans, il semble être à l'apogée de son activité littéraire poétique, dtamatique et narrative.
«
L'œuvre appartient aux
Comédies
et proverbes.
Musset
en modifia Je texte quand il s'agit de
représenter la pièce
à la
Comédie-Française en
1848.
~-------EXTRAITS
Acte 1, scène 1
VAN BUCK.
-Fi donc ! mademoiselle de
Mantes est sage et bien
élevée; c'est une
bonne petite fille.
VALENTIN.
-A Dieu ne plaise que j'en dise
du mal ! elle est sans doute
la meilleure du
monde.
Elle
est bien élevée, dites-vous ?
Quelle éducation a-t-elle reçue ?
La
conduit-on au bal, au spectacle, aux courses
de chevaux ? Sort-elle seule en fiacre, le
matin, à midi,
pour revenir à six heures ?
A-t-elle une femme de chambre adroite, un
escalier dérobé ? [A-t-elle vu
La Tour de
Nesle,
et lit-elle les romans de M.
de
Balzac ? ]
La mène-t-on, après un bon dîner,
les soirs d'été, quand le vent est au sud, voir
lutter aux Champs-Élysées dix ou douze
gaillards nus, aux épaules carrées ? A-t-elle
[pour maître] un beau valseur, grave
et
frisé, au jarret prussien, qui lui serre les
doigts quand elle a bu du punch ? Reçoit
elle des visites en tête à tête, l'après-midi,
[sur un sopha élastique], sous le demi-jour
d'un rideau rose ? A-t-elle à sa porte un
verrou doré, qu'on pousse du petit doigt en
tournant la tête,
et sur lequel retombe
mollement une tapisserie sourde et muette ?
Met-elle son gant dans son verre lorsqu'on
commence à passer le champagne ? [Fait
elle semblant d'aller au bal de /'Opéra, pour
s'éclipser un quart d'heure, courir chez
Musard
et revenir bâiller ? ] Lui a-t-on
appris, quand Rubini chante, à ne montrer
que le blanc de ses yeux, comme une
colombe amoureuse ? [Passe-t-elle l'été à
la
campagne chez une amie pleine d'expé
rience,
qui en répond à sa famille, et qui, le
soir,
la laisse au piano, pour se promener
sous les charmilles, en chuchotant avec un
hussard ? ] Va-t-elle aux eaux
? A-t-elle des
migraines?
VAN BUCK.
-Jour de Dieu! qu'est-ce que tu
dis là!
VALENTIN.
- C'est que si elle ne sait rien de
tout cela, on ne lui a
pas appris grand
chose; car, dès qu'elle sera femme, elle le
saura, et alors qui peut rien prévoir ?
Acte III, scène 4
CÉCILE.
- Vous me disiez « tu », tout à
l'heure,
et même, je crois, un peu légère
ment.
Quelle est donc cette mauvaise pensée
qui vous a frappé tout à coup ?
Vous ai-je
déplu ? Je serais bien à plaindre.
Il
me
semble pourtant que je n'ai rien dit de mal.
[Mais si vous aimez mieux marcher,
je ne
veux
pas rester assise.
(Elle se lève.)]
Donnez-moi le bras, [et promenons-nous].
Savez-vous une chose ?
Ce matin, je vous
avais fait monter dans votre chambre
un bon
bouillon qu'Henriette avait fait.
Quand
je
vous ai rencontré, je vous l'ai dit ; j'ai cru
que vous ne vouliez pas le prendre, et que
cela vous déplaisait.
J'ai repassé trois fois
dans l'allée; m'avez-vous vue ? Alors vous
êtes monté ;
je suis allée
me mettre devant le par
terre,
et je vous ai vu
par votre croisée ; vous
teniez la tasse à
deux
mains, et vous avez bu
tout d'un trait.
Est-ce
vrai ? L'avez-vous trouvé
bon?
VALENTIN.
- Oui, chère
enfant, le meilleur du
monde, [bon comme ton
cœur et comme toi].
« C'est vrai, il n'y a aucun
mal ; écoute-moi et laisse-moi
me mettre à genoux.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR une structure complète.
C'est une comédie fantaisiste, précieuse
Les structures de parenté sont la justification
des rapports entre les personnages.
Chaque
famille est en effet incomplète.
Il n'est
jamais question des parents de Valentin, pas
plus que du père de Cécile.
Valentin vit
dans un univers masculin ; le seul homme
qui paraisse dans l'entourage de Cécile dans
la pièce est l'abbé, qui est ridiculisé et en
outre berné par Cécile.
Ces deux familles
sont donc appelées
à se réunir pour former
« Comme cette phrase est nette, vive,
alerte
! Comme l'esprit pétille au choc
du dialogue
! Que de malice, et en même
temps quelle tendresse
! La bouche sourit
et l'œil brille, lustré par l'émotion.
»
Théophile Gautier.
« Il n'est guère possible de conduire
sûrement un dialogue sans avoir en
quelque degré le sens psychologique.
Musset l'a eu plus qu'aucun romantique.
( ...
)
1 Musset par Landez, musée de Versailles I Sipa-lcono 2, 3 aquarelles de M.
Monier, éd.
Nilsson, Paris, 1931 / B.N.
et naturelle, excentrique et solide,
sentimentale et gouailleuse, plus poétique
que la comédie de Marivaux, moins
profonde que la comédie de Shakespeare.
»
Gustave Lanson.
Il ne faut jurer de rien s'achève sur une
leçon de langage : Cécile impose sa volonté
en faisant progresser irrésistiblement
le dialogue vers la vérité par une dialectique
complexe.
MUSSET07.
»
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