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Jésus-la-Caille

Publié le 29/03/2013

Extrait du document

Jésus-la-Caille est le roman qui a fait la renommée de Francis Carco; l' univers marginal qu'on y retrouve était bien connu de l'auteur, qui dominait parfaitement l' argot qu' il utilise dans l' ouvrage. Avec ses personnages pittoresques, profondément humains, ce livre ravit par sa limpidité et sa véri té. li révèle, par-delà des sujets abordés, une véri table sensibilité psychologique, qui apparaît dans des portraits courts et très précis.

« ~-------- EXTRAITS La Caille mélancolique Une petite photographie jaunie,fichée dans la glace, rappelait à La Caille l'absent.

Sur cette image, Bambou souriait.

Ses cheveux plaqués sur les tempes, son port de tête, sa manière de regarder ...

Ah ! môme Bambou! tout y était, jusqu'à cet air fuyant et tendre, cette dureté sensuelle, cette équi­ voque langueur dont s'éprenaient les femmes.

La Caille, pour com­ pléter l'illusion , avait mê me re­ touché au crayon une mouche au coin de l' œil gauche .

On ne pou­ vait ainsi désirer mieux, et la peine de l'adolescent l' accoudait pen­ dant des heures devant cet émou- , vant et cruel souvenir.

~~ jil~~ "'· Le jour, qui emplissait la chambre « Etendue dans le lit défait, elle éprouvait pour La Caille une tendresse nouvelle.

Il allumait une cigarette et, voluptueusement allongé sous le drap, se taisait.» d'une lumière grise, accusait l'usure d es papiers .

L'humidité des plâtres impri­ mait au plafond de grands cercles.

Deux bottines traînaient sous une chaise, avec un vieux bouquet.

Au fond, le lit.

Une table était bloquée dans un angle .

Sur cette table, un miroir incliné combinait, avec l'autre glace, un jeu familier d 'optique permettant qu'on se vît de face et de dos .

Cette chambre d'hôtel ouvrait sur une pers­ pective de cheminées et de toitures bleuis­ santes.

Des ateliers développaient leurs larges baies.

Les façades des derniers étages conserva ient un aspect funèbre et, plus haut, s'élevant dans une lumière basse et brumeuse , c'étaient des bâtisses neuves et banales , de s constructions, des fouillis, de grands cubes de chau x éteinte que domi­ naient , sur ce ciel attristant d'hiver, les ailes immobiles du Moulin de la Galette.

Fernande, gagnée par le doute C'était une vaste chambre, et Fernande s'y trouvait bien, une fois que, la porte fermée au verrou, elle se déshabillait .

Alors Pépé la prenait contre lui et, sous les baisers qu'il lui donnait, elle disait son ennui de ne rien faire dehors , malgré le grand désir qu'elle en avait.

Il !'écoutait sérieusement.

-Y a des jours, expliquait Fernande, où que j' me sens ici comme égnollée . ..

Et qu'est-ce qu'on gagne ? Pé pé la raisonnait.

-Mais, lui expliquait-il, puisque j'en ai, du pèze , t 'inquiète pas.

- Non, non, répondait-elle .

D'où c'est que tu l'as , ton pèze ? Tu veux pas le dire .

- Fernande! reprochait Pépé de sa voix rauque.

Il n 'avait pas changé.

Son regard méfiant et dur, ses courtes moustaches noires et jusqu'à son chandail défait sur le cou qu'il gardait pour dormir lui pr êtaient une apparence dont la fille s'étonnait.

- Oui, poursuivait-elle en soi­ même ...

Son pèjJ ze ...

où qu'il va le chercher ? V' là cinq mois qu'on est ensemble et je peux pas le savoir, cause qu'un homme com­ me lui c'est plus sur les pattes qu 'un ...

Elle cher chait le mot.

L'attente impossible La fille songeait au Corse et à la date encore lointaine à laquelle il la rejoin­ drait.

On était en octobre.

Hélas! sur les dix­ huit mois qu'il avait à demeurer prisonnier, loin d 'elle, on ze à peine avaient suffi à Fernande pour la rendre à tout jamais in­ digne de lui.

Cela surtout la désespérait , car à présent qu'elle revenait au besoin qu'elles ont toute s d 'être dirigées et conseillées par un homme , celui dont elle était privée lui semblait mériter tout son amour.

« Devant lui, deux femmes se déchiraient.

» NOTES DE L'ÉDITEUR « Carco nous a quittés, mais son œuvre demeure comme une gerbe toujours odorante sur laquelle de nombreux amis n 'ont pas fini de se pencher.

Le Merc ure de Franc e, qui s'honore d'avoir publié, il y a cinq mois, ses derniers vers, est étroitement lié à ses débuts de romancier, car c'est dans notre revue et grâce à la bienveillante intervention de Rachilde qu'il fit paraître Jésus-la-Caill e en 1914 .

Ce livre où la tendresse et le cynisme se marient à merveille ne contient pas une fausse note et semble, dans son impureté même, imprégné d 'une étrange pureté.

» Philippe Chabaneix , « Adieu à Francis Carco » paru dans Le Mercure de France , juillet 1958.

« Ces descriptions des quartiers suburbains de Paris, Carco y est passé maître.

Il les réussit mieux que Zola, qui s'y acharnait, le s s urchargeait, les empâtait, mais qui ne les sentait pas profondément , car il ne les aimait pas comme les aime Carco .

Pour Zola, ce n'était qu'un" motif", un des mille thème de sa symphonie.

» André Négis, « Francis Carco ou le goût du malheur» paru dans Le Mercure de Fran ce, septembre 1952.

1 Roger-V iol let 2, 3, 4 litho graphies de Gaston Barret, Aux E ditions du Livre, Monte-Ca rlo, 1946 / B.N.

« Presque autant qu'en ses vers la poésie de Carco est présente dans ses romans, récits de voyage, essais ou mémoires.

Jésus-la­ Caille , où la tendresse et le cynisme se marient à merveille, est un livre qui, malgré son sujet si difficile à traiter décemment , ne renferme pas une fausse note, et dont par in stants il émane même une pureté étrange .

» Philippe Chabaneix, « Francis Carco » paru dans La Revue des Deux Mondes, août 1968 .

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