Kim
Publié le 01/04/2013
Extrait du document
L'histoire de Kim (publiée à Londres en 1901) se déroule notamment à Lahore, une ville que Kipling connaissait bien, puisque son père y fut directeur de musée et qu'il y pratiqua lui-même le journalisme. L'Inde, où il a passé son enfance et où il retourne en 1865, alors qu'il a dix-sept ans, a toujours fasciné Kipling, et il s'appliquera, dans la majeure partie de ses ouvrages, à en dépeindre les différentes facettes.
«
«Vers le soir, quand la
poussière du bétail rentrant fit fumer
tous les horizons,
arrivèrent le lama
et
Mahbub Ali ...
,.
Kim et son maître sur les routes
-Et maintenant, où allons-nous ?
-
C'est à toi de le dire.
Je suis vieux, je suis
étranger,
et loin de mon pays.
N'était que la
voiture des rails
me martèle la tête comme
mille tambours
àfaire danser les diables, je
la prendrais sur l'heure pour aller à
Bénarès ...
quoique, par cette voie, nous
risquions de manquer la Rivière.
Il nous faut
trouver une autre rivière.
Tout le jour,
par les champs où
la terre
obstinément fouillée
donne trois
et quatre récoltes
par an, à travers les carrés de
canne à sucre, de tabac, de
longs radis blancs,
et de no/
kot, ils cheminèrent, avec des
crochets au moindre reflet
d'eau, des alertes données aux
chiens des villages et aux
siestes des villageois ; le lama
continuant de répondre
au feu
roulant des questions avec
son inaltérable simplicité.
Ils
cherchaient une Rivière, une
Rivière de miracle dont
l'eau
guérissait.
Personne n'avait-
il connaissance d'une rivière pareille ?
Parfois, les
gens riaient, mais le plus
souvent ils écoutaient l'histoire d'un bout à
l'autre
et offraient aux voyageurs une place
à l'ombre,
du lait à boire et un repas.
Les femmes se montraient toujours bien
veillantes,
et les petits enfants, comme tous
les petits enfants
sur la face du monde, tour
à tour farouches
et aventureux.
Le soir les
trouva au repos sous l'arbre municipal
d'un
hameau bâti de boue, faîté de boue, où ils
causaient
avec l'ancien du village, tandis
que le bétail rentrait des pâturages
et que
les femmes préparaient le dernier repas du
jour.
Ils avaient franchi la ceinture potagère
d'Umballa la gourmande, et autour d'eux
verdoyaient à présent les grandes cultures
· pendant des milles entiers.
Kim contemple le coucher du soleil
Kim regarda les derniers rayons poudreux
du soleil disparaître de la
cour et se mit à
jouer avec ·son poignard à écarter les
ombres et son rosaire.
La clameur de
Bénarès, la plus vieille de toutes les villes
de la terre,
jour et nuit éveillée devant les
Dieux,
battait autour des murs comme le
rugissement de la
mer autour d'un brise
lames.
De temps à autre, un prêtre jain tra
versait la cour, porteur de quelque petite
offrande aux images et balayait le sentier
autour de lui de peur que le hasard lui fit
prendre la vie de quelque créature vivante.
Une lampe scintilla et le bruit d'une prière
suivit.
Kim épia les étoiles
au fur et à mesure
que,
l'une après l'autre, elles se levaient
dans l'obscurité tranquille et moite,
jusqu'au moment où il tomba endormi au
pied de l'autel.
Cette nuit-là, il rêva en
hindoustani, sans le plus
petit mot d'anglais ...
Marche dans la nuit
Au lever de la lune les coo
lies
se mirent en route avec
circonspection.
Le lama, que
le
sommeil et l'eau-de-vie
avaient remis sur pied, n'eut
besoin que de l'épaule de
Kim pour le soutenir et il
s'avança, homme silencieux
au grand pas rapide.
Ils
marchèrent une heure du
rant sur le gazon semé de
schiste, contournèrent vive
ment le contrefort d'une fa
laise immortelle et grimpè-
.
rent dans un pays nouveau entièrement
caché à tout regard venant de la vallée.
Rudyard Kipling, traduit par
Louis Fabulet et Ch.
Fountaine-Walker
« Il essaya de penser au lama -, de se
demander pourquoi
il était tombé dans
la rivière •.• ,.
NOTES DE L'ÉDITEUR « Kim est, je crois, la plus grande œuvre de
Kipling; elle
n'a pas la structure d'un
roman: l'intrigue n'y est rien que le prétexte
pour brosser un incomparable tableau de
l'Inde et créer quatre ou cinq personnages
inoubliables.
Et le travail que Kipling devait
faire pour son journal a bien pu aiguiser son
pouvoir d'observation et son génie pour
traduire en mots non seulement les images
visuelles, mais les sons, les odeurs et les
valeurs tactiles de
l'Inde.» T.
S.
Eliot,
Mercure de France, 1959.
« Il y a plusieurs splendeurs dans Kim,
mais la plus remarquable est sans doute la
relation existant entre Kim et son maître,
l'adorable, demi-fou lama tibétain, qui se
comporte comme le véritable père de Kim,
et pour qui Kim devient le meilleur des fils.
C'est un triomphe de l'exacte représentation
de la profonde affection humaine, plutôt
qu'une sentimentalité d'aucune sorte, qui
nous amène aux larmes
à la fin du livre.
»
Harold Bloom, Rudyard Kipling's Kim,
Chelsea House, New York,1987.
«L'interminable
Kim, en 1901, se
développe comme une fresque où,
compartimentée dans ses religions et dans
ses castes, avec son grouillant peuple de
fakirs, de prêtres, d'aventuriers et de
soldats, l'Inde se révèle
à nous, diverse,
prestigieuse, telle que jamais on ne nous
l'avait montrée, telle peut-être qu'elle
ne sera plus jamais ...
» Louis Chaigne,
1936.
1 Rudyard Kipling, détail par Ph.
Burne-Jones , Nat.
Portrait Gallery I Mary Evans Picture Library I Explorer 2, 3 , 4, S dessin de A.
Leroux, éd.
Librairie Delagrave , Paris, 1935 / Société de Lecture, Genève KIPLING0 3.
»
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