La Célestine de Rojas
Publié le 21/02/2013
Extrait du document
L'influence de La Célestine, texte en prose dialogué, qui porte le titre de tragi-comédie, sur le théâtre et le roman fut considérable. L'oeuvre servit de modèle aux dramaturges du Siècle d'or espagnol. Largement imitée, elle fut traduite dans toutes les langues européennes. Après Don Quichotte, c'est l'ouvrage espagnol le plus largement diffusé. La première édition connue remonte à 1499.
«
Jeanne Moreau a
interprété le rôle de
la Célestine au festival
d'Avignon, puis au
théâtre national de
l'Odéon en 1989 , dans
une mise
en scène
d'Antoine Vitez.
« Bonne excellente dame ! ...
Que la Vierge des Sept Douleurs bénisse ton logis ••• ,.
- --- --- - EXTRAITS
Acte 1 : Calixte divinise
la femme aimée
SEMPRONIO.
-Je me demande comment le
feu qui tourmente un vivant peut être plus
fort que celui qui brûla si grande cité et si
grande foule de gens ?
CALIXTE.
-Comment? Je vais te le dire.
La
flamme qui dure quatre-vingts ans est plus
forte que celle qui passe en un jour.
Plus
forte est celle qui brûle une âme , que celle
qui brûle cent mille
corps.
Entre l' appa
r.ence
et · l'existence,
/'objet vivant et la pein
ture, l'ombre et la réa
lité,
il y a autant de
différence qu'entre le feu
dont tu
parles et celui
qui me consume.
A coup
sûr, si tel est le
feu du
purgatoire,
je préfère
que mon esprit accom-
.
pagne celui des bêtes
brutes, plutôt que ga
gner
par ce feu le para
dis des saints.
SEMPRONIO.
-C'est bien
ce que
je disais, mais il
va encore plus loin, fou
ne suffisait pas, le voilà
hérétique .
CALIXTE.
- Ne t'ai-je pas dit de parler plus
haut quand tu parlerais ? Que marmonnes
tu
?
SEMPRONIO.
-Je dis que Dieu ne voudra pas
chose pareille, que c'est une espèce d' héré
sie ce que tu avances là.
CALIXTE.
- Et pourquoi donc ?
SEMPRONIO.
-Parce que ce que tu avances
contredit la religion chrétienne.
CALIXTE.
- Que m'importe !
SEMPRONIO.
-Tu n'es donc pas chrétien ?
CALIXTE.
- Non, je suis mélibéen.
J'adore
Mélibée,
je crois en Mélibée et j'aime
Mélibée.
Acte
V : Monologue de la Célestine
après sa visite à Mélibée
CÉLESTINE.
- Ô transes rigoureuses ! Ô sage
audace!
Ô grande patience! Comme j'étais
proche de la mort, si ma grande astuce
n'avait manœuvré à temps les voiles de ma
requête !
Ô menaces d'une vierge farouche !
Ô vierge furieuse ! Ô diable que j'ai
conjuré, comme tu as renu parole sur tout
ce
que jet' ai demandé! Je te dois beau
coup.
C'est par ton pouvoir que tu as
dompté la femelle cruelle et m'as donné, par
/'absence de sa mère, /'oc
casion de lui parler, autant
que
je l'ai voulu.
Ô vieille
Célestine, te voilà contente!
tu sais bien
que bien com
mencé
c'est moitié fait.
Ô huile de serpent ! Ô fil
blanc, comme vous êtes dis
posé en ma faveur ! Sinon
j'aurais rompu toutes les at
taches ,faites ou à faire, et
je
n'aurai plus cru ni aux
herbes ni aux pierres ni aux
mots.
Réjouis-toi donc, la vieille,
tu tireras davantage de ce
procès que de quinze puce
lages que tu remettrais à
neuf.
Ô maudites jupes,
longues à
n'en plus finir, comme vous me
gênez pour arriver là où mes nouvelles vont
trouver le repos!
Ô bonne fortune, comme
tu aides les audacieux, comme tu es
contraire aux timides !
Le lâche n'échappe
jamais à la mort par sa suite.
Oh combien
se seraient trompés là où
j'ai réussi !
«Je la sais maquerelle, ardente pécheresse ••• Ne rougis pas, ce n'est pas à toi mais à Dieu de juger son commerce.
,.
NOTES DE L'É DITE UR
Le genre célestinesque
La Célestine eut de nombreuses
« suites »
au xv1e siècle, entre 1500 et 1550, qui
constituent ce qu'on a appelé
le« genre
célestinesque
».
« Il y a donc lieu de croire que, devant une
œuvre délibérément conçue comme une
moralité, ses premiers lecteurs ont été
incités
à en privilégier la visée didactique,
et qu'ils ont été moins sensibles que nous
ne le sommes aujourd'hui à tout ce qui
manifestait en elle, à partir
des suggestions
du théâtre humaniste, une saisie proprement
dramatique du monde.
» Jean Canavaggia,
op.
cit.
manière
l'œuvre doit être lue
à haute voix
et déchiffre le secret
du " grand homme "
qui l'offre au public, l' Auteur, une dernière
fois, dit quelle est l'inspiration sérieuse
«C'est pour avoir, un siècle avant
Shakespeare, traduit
sous une forme littéraire
ce sentiment tragi-comique du monde et de
la personne que La Célestine nous apparaît
aujourd'hui comme l'œuvre qui a posé
les
fondements du théâtre moderne.
» Jean
Canavaggio, introduction
au Théâtre
espagnol
du XVP siècle, Gallimard, 1983.
« Rojas a mis le sceau final de la moralité à
une œuvre conçue comme telle.
Avant que
la dernière page soit tournée, avant que le
correcteur
de l'impression dise de quelle
1 ed.
universidad de Salamanca, 1988 2, 3, 4 lithographies de Maurice Lalau, Bibliophiles de France, Paris, 1952 / B.N.
de cette comédie.
Il demande à ne pas être
confondu avec les peu recommandables
personnages qu'il a animés en ce jeu
ambigu
où sa main mêlait à l'eau trouble
des passions et des intérêts l'eau limpide
des paroles de sagesse
...
Il avait pleine
conscience d'écrire une œuvre scabreuse
et sérieuse
à la fois.
» Marcel Bataillon,
La Célestine selon Fernando
de Rojas,
Librairie Didier, 1961.
ROJAS 02.
»
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