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La Faim de Knut Hamsun (Résumé)

Publié le 22/02/2012

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Roman publié en 1890; traduit du norvégien par Georges Sautreau, P.U.F., coll. Biblio. Le Livre de Poche, 1961, 285 pages. L'AUTEUR La haine affichée pour les Juifs perturbe même ceux qui admirent les plus belles oeuvres de Céline, à commencer par Le Voyage au bout de la nuit. Mais les lecteurs enthousiastes de ce livre génial n'y trouvent pas trace de cette haine : les « maîtres » qui écrasent les « miteux » ne sont jamais posés comme Juifs. Le même problème peut être posé à propos de Knut Hamsun. Convaincu de sympathie pour le nazisme, il fut jugé dans son pays après la Seconde Guerre mondiale, dépouillé de ses droits et de ses biens, interné dans un asile psychiatrique où il mourut en 1952, à l'âge de quatre-vingt-douze ans. Son hitlérisme avait, de surcroît, été actif. Les Allemands avaient envahi la Norvège en 1940. Quisling, leur homme de paille, avait trouvé en Hamsun un homme prêt à user de son grand prestige (il avait reçu le Prix Nobel en 1920) pour adjurer ses compatriotes de collaborer avec les envahisseurs. En 1943, Hamsun avait accepté d'être le délégué de la Norvège pro-allemande à un Congrès de journalistes à Vienne.
hamsun

« Il vend, ou essaie de vendre ce qui lui reste : son gilet à un prêteur sur gages (il s'aperçoit ensuite qu'il a oublié soncrayon dans la poche.

Comment le récupérer?), ses boutons (qui sont refusés), son manteau (il a toujours froid). Chassé de la chambre qu'il occupait, il dort sur un banc, ou dans les bois.

Il projette d'écrire un Traité de la connaissance philosophique (en trois volumes).

Mais comment y parvenir avec une telle faim au ventre ? Il lui arrive de rester plusieurs jours sans absorber la moindre nourriture.

Sa fatigue, sa faiblesse, ses souffrances sont tellesqu'elles l'empêchent même de venir à bout d'écrits moins ambitieux qu'un journal local accepte de temps à autre.Articles sur des sujets variés : courts essais, contes philosophiques.

Le rédacteur en chef, qu'il appelle « leCommandeur », apprécie son talent, mais lui fixe des délais qu'il ne peut pas toujours tenir. Car la faim a des effets terribles : douleurs très pénibles, sentiment d'être vidé de toute force, de ne plus avoirl'énergie suffisante pour enchaîner deux idées, venir à bout d'un récit, penser de manière cohérente.

Parfois, elle faitdélirer, entraîne même de véritables hallucinations et des troubles du comportement (crises de fureur, excentricitésprovocatrices, agitation, logorrhée publique, etc.). La misère induit un sentiment de honte, de solitude, qui risque de devenir accablement désespéré, désir d'en finir,idée suicidaire.

Le manque d'argent est tel que, ne pouvant acheter une bougie, il ne reste plus au journaliste qu'àfinir un article à la lueur d'un réverbère.

Les effets de l'extrême pauvreté sont crûment décrits : saleté, pestilences,dermatoses, fièvre, plaies impossibles à soigner (un chariot lui a écrasé le pied qui, depuis, fait très mal, unechemise empesée par la transpiration a irrité la peau de l'abdomen; et la blessure semble s'envenimer), extrême maigreur, pertes de cheveux.Il n'y a pas vraiment « d'intrigue » (crise qui s'installe, éclate, parfois se dénoue).

Il y a des moments de rémission(le Commandeur a prêté un peu d'argent, une logeuse semble fermer les yeux sur un retard de paiement, un article aété accepté, etc.).

Mais ce ne sont que des trêves provisoires.

La misère et la faim reviennent au galop.

Le récit vitde ces alternances.

Paradoxe effrayant de la faim : le manque douloureux se double d'une horreur de la nourriture.Impossible de trouver des aliments, impossible ensuite de ne pas vomir le repas tant espéré.La faim, la faim, la faim : ce « battement dans mes tempes », ce « grignotement dans ma poitrine », cesélancements.

Une seule véritable interruption, très différente des rémissions provisoires qui n'empêchent jamais laritournelle inexorable de résonner à nouveau : une rencontre puis une liaison amoureuse (troisième partie).

Unefemme qui l'emmène chez elle, se laisse embrasser, caresser, et lui dit « Je vous aime quand même ».

Mais lenarrateur la retrouve quelques temps après, au bras d'un autre homme, « le Due ».

La faim a-t-elle entraîné unesorte d'insensibilité ? «Je ne me souciai plus d'elle.

» Peut-on aimer, d'ailleurs, et se sentir vraiment aimé, quand onse dégoûte soi-même, et qu'on place sa fierté ou son orgueil dans la conscience lucide de ce dégoût ?Cela pourrait se poursuivre indéfiniment.

Mais, un jour, le capitaine d'un trois-mâts battant pavillon russe accepted'embarquer le misérable comme matelot.

Et celui-ci peut quitter enfin Christiania (Oslo). L'ANALYSE Roman naturaliste? La description sans périphrase ni allusion de la misère extrême dans sa réalité physiologique fit penser aunaturalisme, de Zola par exemple.

Mais le héros de Hamsun n'attaque pas la société et ne semble pas y voir la causede ses maux (certains critiques marxistes de l'époque lui en ont fait le reproche).

Il ne révèle pas ce qui l'a amené àl'indigence.

Notons que la faim, chez les ouvriers peints par Zola, n'était pas une telle hantise.

Dans L'Assommoir,par exemple, quand l'argent manque encore plus que d'habitude, le souci est de ne pas faire ses trois repas par jour.D'ailleurs,.

Gervaise engraisse, s'empâte.

Le roman raconte trois festins mémorables : la noce, la fête de Gervaise, lacommunion de Nana.

L'éclairage jeté sur le fait brut et ses manifestations importe plus à Hamsun que l'explication.La misère est collective chez Zola.

Elle touche un groupe social déterminé.

Le héros de Hamsun est un individu pasfacilement classable : un intellectuel qui s'obstine à vouloir vivre de sa plume quand ce n'est pas vraiment possible.Un solitaire que la faim esseule encore plus.

Il n'y a pas de syndicat des poètes maudits. Roman psychologique? Est-ce à dire qu'il s'agisse d'un roman psychologique, comme on l'a prétendu parfois ? Certes, les effets de la faimsur l'esprit du narrateur sont longuement exposés.

Il perd aisément le contrôle de lui-même : associations d'idéesextraordinaires, impulsions bizarres, fantasmes multiples, facilement délirants, manifestations ou angoisses de « folie», dépression physique, perte des forces psychiques, tarissement de l'inspiration.

Mais le roman psychologiqueanalyse les ressorts, cherche les motivations profondes, cachées, et selon les psychanalystes, inconscientes.

Riende tel ici : la faim est le seul ressort.

Peut-on oser écrire qu'elle se nourrit d'elle-même? Certains critiques ont fait,ou refait, il est vrai, la psychologie du héros, cru déceler chez lui une certaine complaisance, voire une certainejouissance de son état.

De là à parler de masochisme — du moins de consentement — il n'y avait qu'un pas : ce quele narrateur appelle sa «probité », son « honnêteté », c'est sa valorisation de la solitude du créateur.

Plutôt mourirde faim que d'avoir ce que Nietzsche, si cher à Hamsun, appelait l'esprit de troupeau.

La faim isole, esseule :l'affamé peut se penser comme élu puisque maudit (il est fait sacré, sacrifié).

Cette interprétation conduit à unelecture philosophique.. »

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