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La Jeune Parque de Paul Valéry

Publié le 06/04/2011

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   Un des ouvrages les plus obscurs de la langue française.    Le silence de M. Teste ne devait pas durer. Il suffit du dévouement amical d'André Gide1 et de Gaston Gallimard pour inciter Valéry à revenir sur ses poèmes de jeunesse et à en préparer une édition : c'était le chemin vers de nouvelles créations dégagées de l'emprise symboliste et enrichies par les silencieuses méditations philosophiques : A l'âge de 46 ans, déclare Paul Valéry,.., entre 1913 et 1917« la reprise de mon travail poétique a abouti à un ouvrage qui passe pour un des plus obscurs de la langue française : La Jeune Parque.    Les intentions Lamartine, dans la Préface des Méditations, ne comprend du poète. prend le poète que sous deux âges et sous deux formes : « à vingt ans sous la forme d'un beau jeune homme qui aime, qui rêve et qui pleure... à 80 ans, sous la forme d'un vieillard qui se repose de la vie «. Valéry n'était plus un jeune homme nourri d'illusions et n'avait pas encore l'âge d'un vieillard : quelles étaient donc les raisons profondes de cette œuvre de la maturité, qui par ailleurs est contemporaine d'une des périodes les plus angoissantes de la France ? Les premières ne concernent que le penseur et l'écrivain : Valéry a voulu éprouver s'il pouvait, sans sacrifier la rigueur de ses raisonnements, composer un poème, qui fût de la poésie et non de la Exercice poétique philosophie versifiée.

« il aurait été immédiatement prévenu du caractère philosophique et abstrait du sujet.

Mais son ami Pierre Louysayant déjà retenu ce titre pour un roman, Valéry y renonça de bonne grâce.

Il hésita à adopter le titre que luisuggérait Louys, Les Iles, titre qui se serait appliqué exactement, avec son double sens descriptif et symbolique, audouzième morceau du poème : Salut ! Divinités par la rose et le sel,Et les premiers jouets de la jeune lumière,Iles !... Finalement, il s'en remit au hasard, si l'on peut appeler hasard le fruit d'une maturation durant depuis plusieursannées et trouvant son terme devant les épreuves d'imprimerie fixant définitivement l'œuvre.

Ainsi le titre du poèmen'a pas précédé la création poétique, mais en a formé la conclusion. L'énigme n'est pas résolue pour autant.

Que Valéry ait choisi un mythe antique pour exposer ses conceptionsphilosophiques n'a rien de surprenant : l'école symboliste tout entière a évoqué les héros et les divinités païens; LaJeune Parque suit le sentier tracé par le Faune mallarméen.

Mais pourquoi le poète a-t-il rompu avec la tradition, enne présentant qu'une seule des trois sœurs, tandis que les Anciens, pour symboliser l'unité et la continuité de la viehumaine, les montraient toujours ensemble, Clotho présidant à la naissance, Lachésis filant et Atropos coupant le filde la vie ? Peut-être Paul Valéry, s'intéressant moins aux trois aspects de la destinée humaine qu'à la naissance dela conscience, craignait-il de disperser l'intérêt et préférait-il concentrer l'attention du lecteur sur un personnageunique, dans une sorte de monologue tragique? La Parque, personnification du destin, symboliserait, aux yeux duphilosophe moderne, le drame de la conscience en lutte avec la vie, drame qui se joue inévitablement pour tous lesêtres humains.

Le conflit éclate généralement à l'âge où les passions sont les plus vives, où l'adolescence repousseles compromissions de la vie et recherche l'absolu, au besoin dans la mort.

Aussi, contrairement à la Parque antique,la Parque de Valéry est-elle jeune, jeune comme Narcisse et, comme lui, sensuelle et éprise de lucidité.

C'est parcequ'elle est jeune que la Parque renonce finalement à un idéal inaccessible et se laisse vaincre par la Nature, courant ...

humer la haute écume Boire des yeux l'immense et riante amertume... Sœur d'Hérodiade ? Toutefois, La Parque n'est pas seulement une réplique féminine de Narcisse, le portrait de lavierge faisant pendant au portrait de l'éphèbe, elle est encore une image transformée de l'Hérodiade de Mallarmé.Comme elle, elle refuse la conquête de l'homme pour rester elle-même; comme la princesse inaccessible, elle pourraits'écrier ; « J'aime l'horreur d'être vierge et je veuxVivre parmi l'effroi que me font mes cheveuxPour, le soir, retirée en ma couche, reptileInviolé sentir en la chair inutileLe froid scintillement de ta pâle clartéToi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté,Nuit blanche de glaçons et de neige cruelle ! » Il semble que Valéry ait voulu donner une suite à Hérodiade, en montrant le désordre charnel où ce mépris del'amour entraîne; même si la filiation est moins directe, le rapprochement de plusieurs motifs s'impose : la nuitconstellée, l'inquiétude et l'orgueil de la vierge, l'image même du serpent.

Aussi n'est-il pas surprenant qu'AndréGide, relisant le poème de Valéry, lui ait reproché d'avoir trop subi l'emprise de Mallarmé. Les remarques précédentes font assez voir que La Jeune Parque est tout autre chose qu'une variation moderne surune allégorie antique.

Le sujet central est philosophique ainsi que le poète l'a indiqué lui-même; c'est le changementd'une conscience pendant une nuit, c'est-à-dire une revue des principaux problèmes qui se posent pour laconnaissance de soi-même à propos d'une personne déterminée et dans une durée limitée, conditions nécessairespour que l'expérience psychologique soit probante.

Le poème comprend donc des vues sur la perception, sur le rêve,sur les oppositions entre l'unité de la conscience et la diversité confuse de la personnalité, sur les conflits entre lapensée et les passions, etc. L'être vivant.

Mais ces observations ne sont pas exposées sous forme de développements philosophiques.

PaulValéry a insisté sur sa volonté de fuir les abstractions et de faire de la poésie avec l'être vivant.

Aussi La Parqueest-elle non seulement un symbole, mais comme Ta remarqué Mme E.

Noulet : « Une jeune femme blessée parl'amour qui s'émeut au souvenir de son innocence, lutte contre son corps, s'abandonne enfin à la vie » (Paul Valéry,éd.

Grasset).

Le sujet philosophique se trouve soumis à la loi du corps, le corps lui-même obéissant à la Nature.

Bienloin que la pensée règne seule, elle est portée et parfois emportée par une brûlante sensualité.

Ainsi que leconstatait Alain en commentant Aurore : « Ce n'est point à travers des idées que Valéry cherche les choses, maisc'est plutôt à travers les mouvements plus épais de son corps ».

On saisit donc le sens de cette définition obscureà première vue : « Qu'est-ce que La Jeune Parque ? C'est l'envers de nos pensées.

Ces touches innombrables dumonde, ces gestes commencés et retenus, ces pas qui n'avancent point, ces mouvements intérieurs par lesquels levivant se conserve et en même temps s'use ; ces marées du sang et de la lymphe, cette flamme enveloppée, nonmoins livrée aux marées du vent que la flamme d'une torche...

c'est tout cela qui porte nos pensées » (Propos deLittérature).. »

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