Le Cavalier seul
Publié le 04/04/2013
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Le Cavalier seul fut créé pour la première fois à Lyon, au théâtre du Cothurne, le 5 décembre 1963, dans une mise en scène de Marcel Maréchal. Dans la même mise en scène, la pièce fut surtout appréciée à Avignon, en 1973. Jacques Audiberti, né à Antibes en 1899, est un auteur profondément marqué par son attachement au monde méditerranéen, univers de la « mer bleue «.
...
«
MIRTUS.
-« Tu sais que
tes sourcils dessinent
d es
arcs noirs ? Je jure rai s que ta salive .a
la saveur de la cendre
et de la rose.
»
EXTRAITS
La complainte de Mirtus
Deu x royaumes chrétiens, Aragon et Lan
guedoc , tressés dans les mêmes brouillards,
dans
le même patois, vont s'entrechoquer
pour des pâturages ! Des pâturages !
Devrons-nous rabaisser notre justice
et
notre liturgie à
l'opaque subsis
tance de
la terre
herbagère
? Non,
Monsieur, non.
Faire un trou
dans un assassin
maladroit, peut
être ..
.
En combler
un dans une fille
adroite,
à coup
sûr.
..
Mais tirer
sur les cama
rades de l'autre
versant, merci.
..
Vous l'aurez, votre église ...
Et votre sacristie ...
Et votre jeunesse opé-
rante chrétienne ...
Le soleil levant vous vi-
sitera ...
Mais moi.
..
Moi, je n'enpeuxplus ...
J'embrasse ...
Je frappe ...
Nous avons des
troupeaux.
Mais
c'est moi qui suis lésé.
C'est moi qui suis tondu.
C'est moi qui suis
perdu.
Pourquoi faut-il que
je rayonne en
surabondance de tendons, que
je sois large
et dur et fort au point qu'entre
la mer verte
et
la mer bleue, et de la montagne blanche
à la montagne noire, pas un ne se sente
capable avec moi de jouter ni de me dispu
ter sa fille ou sa compagne
?
A Byzance, Mirtus et l'impératrice Zoé
parlent de la croix
MIRTUS.
-Aucune femme ne me retiendra de
me rendre au tombeau du maître éternel qui
fut, pour nous, mis sur
la croix .
ZOÉ.
-La croix ?
MIRTUS.
-La croix.
ZOÉ.
- La croix ! Mais, nigaud c'est
grand'mère qui l'inventa.
MlRTUS.
-Madame, il n'est pas convenable
defaire des plaisanteries sur
la croix.
ZOÉ.
-Des plaisanteries! Tu veux que je te
la fasse voir ?
L'arrivée des croisés à Jérusalem et la
rencontre avec Mirtus
GRAPPASSOUL.
-Hé! l'ordure! Viens tefaire
crépir!
Toi, bicot ? Toi, grigou ? Toi, Turc ?
Toi , cloueur de Christ ? ( ...
)
(Il place son épée sur la poitrine de Mirtus.)
MIRTUS.
- Ce n'est jamais par la pointe
qu'on tend une épée
à son commandant.
Un
chevalier doit avoir une épée.
Est-ce mon
devoir
? Est-ce mon destin ? Que voule z
vous que ça me fasse
?
GRAPPASSOUL.
-Il parle chrétien.
( ...
)
L'ADJUDANT.
-Moi, c'est pas difficile, je
coule.
MlRTUS.
- Donnez-moi votre épée.
(L'adjudant lui donne sa propre épée.)
L'ADJUDANT .
- C'est lui, Grappassoul , c'est
lui.
..
Quelques-uns se demandaient si vous
ne serie z pas mort.
MIRTUS.
-Je n'étais pas mort . ..
J'attendais
que l'unique décide de mon affectation.
L 'unique a décidé.
Ren-
dons-nous auprès
du
baron.
Éditions
Jean Laffitte,
Marseille,
1983
«L'HOMME .
-J'ai soif ...
J'ai soif . ..
( ..
.
)Je voudrais être hors de la
souffrance.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Il y a en lui du Claudel, car il prend pour
base de sa réflexion les grandes crises.
Croisades, découvertes du
xv1e siècle ,
invasions barbares, inva sion américaine,
etc.
Au milieu de ces crises, la fonction du
poète est de transmettre une connaissance
cac hée, celle du Père dans
Le Cavalier seul.
Une gemme particulièrement pure passe
ai nsi de main en main qui brille à travers
les doigts refermés sur
Je secret des mots.
cette pensée des mots, ce savoir enfo ui
dans la violence historique est, finalement,
l 'occitanisme profond
d' Audiberti.
»
Jean -M arie Auzias.
« Audiberti est un des grands génies du
langage de notre époque.
C'est aussi ce qui
sépare Le
Cavali er seul de tout le théâtre
contemporain, ce sens absolument étonnant
de la parole vivante, pris dans la rue ,
auprès de tout
un chacun, pris dans les
civilisations et concassé à travers la pensée
audibertiennè, le gue uloir audibertien .
Le
succè s du
Cavalier seul à Avignon fait,
à mon avis, la démonstration que plus que
jamais
Je public français a envie de textes
lumineux , de textes foisonnants , de textes
lyriques, qui parlent
à l'imagination, au
cœur, au ventre, et qu·' il en a assez des
textes gris.
» Marcel Maréchal, extrait
d 'une interview de juillet 1973.
Il nous semble que Je logos d 'où rayonne
«C'est une œuvre à situer entre Brecht
et Claudel,
un Claudel qui parlerait du
Christ avec des airs de faire le clown.
»
Gilles Sandier.
1 Rogc r -Violle l 2.
3.
4 peintur es de D elacro i x: Ent rée d es Croisés à Co11sta11ti 11op/e (dé tail).
Louv r e: Odalisque, Louvre: Le Christ.
»
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