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Le Chant du monde

Publié le 06/04/2013

Extrait du document

Jean Giono (1895-1970) racontait qu'avant d'avoir achevé un roman, iJ avait l'esprit déjà plein des personnages du roman suivant. Le "personnage" qui a motivé le livre est le fleuve, puis apparut un personnage nageant et qui, sortant del 'eau, est devenu Antonio. Le Chant du monde, paru en 1934, à peine achevé, Giono écrivait Que ma joie demeure, publié six mois plus tard.

« Le besson est parti avec Gina, une fille du clan Maud ru.

EXTRAITS Le fleuve a donné naissance à Antonio Tous les matins Antonio se mettait nu.

D'or­ dinaire, sa journée commençait par une lente traversée du gros bras noir du fleuve.

Il se laissait porter par les courants ; il tâtait les nœuds de tous les remous ; il touchait avec le sensible de ses cuisses les longs muscles du fleuve et, tout en nageant, il sentait, avec son ventre, si l'eau portait , serrée à blo c, ou si elle avait tendance à pétiller.

(.

..

) Il sa­ vait si les brochets sortaient des rives, si les truites re­ montaient, si les capri lles descen­ daient du haut fleuve et, pa1fois, il se laissait enfoncer, il ramait doucement des jambes dans la pro­ fondeur ...

A l'affût du chant du monde Antonio et Matelot venaient de dépasser les gros bosquets d'osiers.

Dan s les vagues plates du fleuve un autre troupeau se bai­ gnait.

Les bœufs dansaient dans une pous­ sière d'eau irisée comme les plumes des faisans.

Leur bouviers' avança au clair des grav iers.

Il sonna deux coups sur la trompe.

L 'homme au manteau sonna deux coups.

Le bouvier de la colline sonna deux coups.

Alors le bouvier des graviers se mit à leur raconter une histoire à coups de trompe , po­ sément et cla irement , et les autres, à un mo­ ment donné, répondirent : "R épète un peu." Il répèta sa longue phrase bien mieux mo­ dulée, et cette fois les deux trompes loin­ taines dirent : "Ça va, ça va, ça va." Le besson aux cheveux rouges est voué au feu "Oui, toi, Bou che d'or, tu dois comprendre, vo ilà .

A la lisière de la prairie où il construi­ sait son radeau, il avait vu une femme.

- Ce jour-là, dit Gina,}' allais chercher des emplacements de lavoirs.

- Il se mit à bégayer en me parlant, dit le bossu, et je le voyais trembler là devant moi.

Il me disait comment elle était.

Il essayait de me dire sa beauté, sa bouche en était lui­ sante.

- Ce jour-là, dit Gina, c'était l'été, j'avais noué sur ma chemise une petite jupe de soie juste serrée à la taille, pas plus.

Il faisait chaud, j'étais plus libre.

- Comment ça c'est fait, dit le bossu, va cher cher?" Il resta un moment sans rien dire.

Gina s'essuya les yeux.

"Il marquait ses arbres dit-elle.

Il avait fait un feu et il y avait mis à rougir son épaisse marque de fer.

Je le regardais d'entre les saules.

Il saisit la marque avec sa grande main nue et il l'enfonça, blanche de feu, dans le tronc tout vivant.

Au mi­ lieu de la fumée, je le v oyais pousser de toutes ses forces.

La sève criait.

Il se releva." Gallimard, 1934 Le besson veut venger son père assassiné d'un coup de couteau et met le feu aux étab les de la ferme Maudru.

NOTES DE L'ÉDITEUR ''J'ai essayé de faire un roman d'avent ures dans lequel il n'y avait absolument rien d'ac ­ tuel.

Les temps présents me dégoûtent même pour les décrire.

C'est bien assez de les subir.

J'ai voulu faire un livre avec des montagnes neuve s, un fleuve neuf, un pays, des forêts et de la neige, et des hommes neuf s.

Le plus consolant est que je n'ai rien eu à inventer, même pour les hommes.

Ils existent tous.

C'est ce que je veux dire ici." -Jean Giono, Prière d'insérer, La Pléiade, Gallimard .

"De l'œuvre de Giono, quiconque possède une dose suffisante de vitalité et de sensibi­ lité reconnaît tout de suite Le Chant du monde.

Pour moi, ce chant, dont il nous donne avec chaque nouveau livre des varia­ tions sans fin, est bien plus précieux, plus émouvant, plus poétique, que le "Cantique des cantiques".

-Henry Miller, The Books in my life, 1951.

"U n point est frappant dans l'hum anité qui peuple tout le roman, et il va dan s le même sens que l'absence de religion : c'est l'ab- sence du mal.

Peut-être caractériserait-elle d'ailleurs une large part de l 'œ uvre de Giono avant la guerre( ...

).

En face de la bonté figure certes la violence, plus forte que jamais auparavant chez Giono.

Mais à travers tout le roman, elle ne prend jamais la forme de la cruauté( ...

).

Giono m 'a dit qu'il regrettait l'absence du mal dans son récit ; il lui est même arrivé de déclarer qu'il n'aimait plus Le Chant du monde, précisément en raison d'un excès de lyrisme ...

" -Pierre Citron, Notice, La Pléiade, Gallimard.

(a) Jean Giono , 1960/ © Liptnit z ki-Viollet; ( b, c, d, e) ill.

de G .

S e bire, éd.

Pierre de Tart as, 197 6 / c!ic hés B.N .

GIO N 002. »

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