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Le Cid de Corneille

Publié le 10/04/2013

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corneille

 

 

L’amour ou l’honneur ?

Si le succès du Cid en 1637 fut considérable, la pièce n’en suscita pas moins une querelle célèbre. Scudéry accusa Corneille de rompre avec le genre de la tragédie et de ne point respecter les trois règles de l’unité, arguant qu’un tel nombre d’événements en un seul jour et un seul lieu était invraisemblable.

Le Cid Campeador était un héros très populaire en Espagne ; au XIe siècle, Rodrigue de Bivâr, vassal des rois de Castille, guerrier puissant, avait été écarté du pouvoir. Se mettant alors au service du roi de Saragosse, il fit preuve d’une extraordinaire bravoure. Guillén de Castro, avant Corneille, reprit son histoire en la transformant dans Les Enfances du Cid.

Des héros libres

Toute l’originalité de Corneille repose sur le choix de faire de l’action dramatique une véritable crise morale. Rodrigue, s’il avait refusé de venger son père, perdait du même coup l’estime de Chimène. Tout son héroïsme tient en ce qu’il contrôle ses passions sans les étouffer, tout comme son double, Chimène. L’un et l’autre

rivalisent par leur sens de l'honneur et leur sens du devoir. Les autres personnages sont à leur image : tous usent de leur libre arbitre pour choisir leur devoir, sans perdre pour autant leur vérité humaine. 

corneille

« EXTRAITS Dans les stances, Rodrigue pose tous les termes de son dilemme et les raisons de son choix de venger son père Père, maîtresse, honneur, amour, Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.

L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.

Cher et cruel espoir d'une âme généreuse, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Fer qui causes ma peine, M'es-tu donné pour venger mon honneur ? M'es-tu donné pour perdre ma Chimène ? Il vaut mieux courir au trépas.

Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père : J'attire en me vengeant sa haine et sa colère ; J'attire ses mépris en ne me vengeant pas.

A mon plus doux espoir l'un me rend infidèle, Et l'autre indigne d'elle.

Mon mal augmente à le vouloir guérir; Tout redouble ma peine.

Allons , mon âme ; et puisqu'il faut mourir, Mourons du moins sans offenser Chimène.

Acte I, scène 6 «Sois désormais le Cid: qu'à ce grand nom tout cède;/ Qu'il comble d'épouvante et Grenade et Tolède.» « Puisque vous refusez la justice à mes larmes, / Sire, permettez-moi de recourir aµx armes.

» Chimène, à qui Rodrigue tend son épée pour se faire tuer, le prie de la remettre dans son fourreau ; elle choisit de se montrer à la hauteur de la générosité de Rodrigue Hélas! ton intérêt ici me désespère: Si quelque autre malheur m'avait ravi mon père, Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir; Et contre ma douleur j'aurais senti des charmes, Quand une main si chère eût essuyé mes larmes.

Mais il me faut te perdre après l'avoir perdu ; Cet effort sur ma flamme à mon honneur est dû ; Et cet affreux devoir, dont l'ordre m'assassine, Me force à travailler moi-même à ta ruine.

· Car enfin n'attends pas de mon affection De lâches sentiments pour ta punition.

De quoi qu'en ta faveur notre amour m'entretienne, Ma générosité doit répondre à la tienne : Tu t'es, en m'offensant, montré digne de moi; Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.

Acte III, scène 4 NOTES DE L'ÉDITEUR La gloire est le mobile permanent de l'action.

C'est une forme renforcée et passionnée de l'honneur.

Pour le héros cornélien, il s'agit d'être fier de soi-même et, pour cela, de toujours lutter contre soi.

L'amour obéit lui aussi à cette dialectique; il doit se fonder sur l'estime pour l'être aimé.

Cette estime agit comme un aiguillon de l'amour, et l'amour exalte la gloire.

Aussi cet amour héroïque et romanesque est-il le prolongement de la conception médiévale de l'amour courtois.

L'amour, sous la plume de Corneille, est une passion noble qui fait des êtres des héros.

«Corneille donne dans Le Cid( ...

) une note juste de l' amour; il ne le ramène pas entièrement à des idées ; lui laisse ses mouvements naturels, son ardeur, ses incohérences, sa cruauté, sa fatalité ; ne lui retire pas ses fondations gracieuses et naïves, les formes de l'instinct et du bonheur.

» Octave Nadal, Le Sentiment de l'amour dans l'œuvre de Pierre Corneille, 1948.

1 Ro ger-Viollet 2, 3, 4, 5 grav de Barr ias et Foulq uier I Edimed ia « Nous atteignons ici au secret même, au point de secret de la poétique et du génie de Corneille: l'honneur est aimé d'amour, l'amour est honoré d'honneur.( ...

) L'idée de Rodrigue, c'est: 1° que nous n'avons qu'un honneur ; 2° que nous n'avons qu'une maîtresse; 3° que c'est la même unicité.

» Charles Péguy , Victor-Marie , comte Hugo, 1910.

CORNE ILLE 03. »

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