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Le Feu follet

Publié le 12/04/2013

Extrait du document

C'est par Louis Aragon que Drieu avait fait la connaissance de Jacques Rigaut, jeune bourgeois d'origine modeste, dandy tapageur lié au mouvement dada, grand amateur de mariages américains. Il devait servir d'abord de modèle au personnage de Gonzague dans la longue nouvelle La Valise vide (N. R.F., 1923). Après le suicide de son ami, Drieu écrivit un déchirant Adieu à Gonzague qu 'on trouve dans toutes les rééditions du Feu f ollet.

« « li agissait, il se piquait, il se tuait.

La destruction, c'est le revers de la foi dans la vie.

» EXTRAITS ~ ~~~~~~~ Dubourg, un ancien ami d'Alain qui s'est rangé et voudrait le convaincre de suivre son exemple, rêve et tombe dans le doute N'y a-t-il pas éternelle­ ment des hommes qui refusent la vie ? Est-ce faiblesse ou force ? Peut-être y avait-il beaucoup de vie, dans ce refus d'Alain à la vie ? C'était pour lui une façon de nier et de condamner non pas la vie elle-même, mais ses aspeets qu'il haïssait.

Pourquoi n'aurait-il pas cédé aux sursauts de sa délicatesse, et rompu, sans souci des conséquences, avec tout ce qui lui déplaisait et qu'il méprisait ? La délicatesse est une passion qui en vaut bien une autre .

Pourquoi se serait-il arrangé avec les femmes, alors qu'elles ne sont ni très belles, ni très bonnes ? Pourquoi se serait-il obligé au travail, à ce travail fastidieux et aux trois quarts inutile qui remplit nos cités de son vain fracas ? Après l'ultime tentative de désintoxication, Alain recourt de nouveau à la drogue Les vagues se multipliaient et déferlaient l'une par-dessus l'autre : Alain ne retrou­ vait pas la drogue, il ne l'avait jamais quittée .

Ce n'était que ça, mais c'était ça .

Ça ne présentait absolument aucun intérêt, mais ainsi était la vie.

La drogue, ce n'était que la vie, mais c'était la vie.

L'intensité se détruisant elle-même montre qu'il n'y a que l'identité de tout dans tout.

Il n'y a pas d'intelligence puisqu'il n'y a rien à comprendre, il n'y a que la certitude.

Alain se confie à Milou, gigolo candide et vieux camarade -Tu as fait semblant d'être maladroit pour être drôle, mais tu l'as fait exprès.

- C'est ce qui te trompe : je me sentais maladroit, alors je tâchais d'en faire de la drôlerie.

Mais je n'ai jamais pu me résigner à ne réussir que dans le genre du clown.

- Mais tu n'es comme ça qu'à tes moments perdus.

-Ma vie, ce n'est que des moments perdus.

-Mais qu'est-ce que tu aurais voulu faire? - J'aurais voulu captiver les gens, les rete- nir, les attacher.

Que rien ne bouge plus autour de moi.

Mais tout a toujours foutu le camp.

-Mais quoi ? Tu aimes tant de gens que ça ? - J'aurais tant voulu être aimé qu'il me semble que j'aime .

La mort, enfin Bien calé, la nuque à la pile d'oreillers, les pieds au bois de lit, bien arc-bouté.

La poitrine en avant, nue, bien exposée .

On sait où l' on a le cœur .

Un revolver, c'est solide, c'est en acier.

C'est un objet .

Se heurter enjïn à l'objet .

Gallimard, 1972 « Bien calé, la nuque à la pile d'oreillers, les pieds au bois de lit, bien arc-bouté.

La poitrine en avant, nue, bien exposée.

On sait où l'on a le cœur.

» Le Feu follet fut adapté pour l'écran en 1963 par le réalisateur Louis Malle.

A une maladresse près (Louis Malle dénature la signification politique du roman en changeant l'époque) et deux concessions démagogique s (l'alcool est substitué à la drogue ; refus de montrer Alain entretenu par des femmes, allégation de vieilles dettes), le film est un chef-d'œuvre , magnifiquement servi par la musique d'Erik Satie et la sensibilité d ' un Maurice Ronel miraculeux dans la peau d'Alain.

NOTES DE L'ÉDITEUR autogène.

» Jacques Rigaut, Littérature, N° 17, décembre 1920.

Tu avais le corps d'un triton et l'âme d'un farfadet.

« Le suicide doit être une vocation.

Il y a un sang qui tourne et qui réclame une justification à son interminable circuit.

Il y a dans les doigts l'impatience de ne se serrer que sur le creux de la main.

Il y a le prurit d'une activité qui se retourne sur son dépositaire , si le malheureux a négligé de savoir lui choisir un but.

Désirs sans images.

Désirs d'impossible.

Ici se dresse la limite entre les souffrances qui ont un nom et un objet , et celle-là, anonyme et 1 Laski / Sipa Press 2, 3, 4 Dessins de Léo n Schubi ger, Edite-Serv i ce/ D.R.

« Et puis le soir arrivait.

Alors tu te droguais, tu te piquais, tu riais, riais, riais.

Tu avais des dents pour un ricanement inoubliable : fortes et serrées et solides dans une forte mâchoire, dans une figure au cuir large.

Tu riais , tu ricanais : et puis tu tombais mort.

Mais tu renaissais, dans ces temps-là, chaque lendemain.

Comme un feu follet ou un farfadet des marécages, tu renaissais d'une bulle d'air méphitique.

»Je l'ai vu roulé dans vos vomis d'ivrognes, hurler à la mort dans une cage d'escalier que descendait la lune, devant une porte où je n'avais pas pu entrer la clé.

» Les païens et les chrétiens croient les uns au Ciel, les autres à la terre : tous au monde.

Moi je suis de ceux-là, je suis de ces millions-là .

Pourquoi ne m'as-tu pas craché au visage ? » Pierre Drieu La Rochelle, Adieu à Gonzague, Gallimard, 1963.

DRIE U LA ROCHELL E 02. »

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