Le Mal court

« ~------- E TRAITS Alarica découvre la grande machination ALARICA.

- Ainsi, part out, l'on triche.

Partout, l'on fait comme si ...

C'est insup­ portable .

C'est horrible.

F ....

-Vous-même, ne trichie z-vous pas , quand vous faisiez la folle, jetant vos bras dans l'air avec vos doigts de pieds, appelant Gorgino? ALAR ICA.

- Ma tricherie était pour le bien , pour l' amow: F ....

-Tous ceux qui trichent, c'est pou r un bien, c'es t pour l'amour, pour l'amour de leur porte-monnaie, par exemple .

ALARICA.

- Ainsi, ainsi rien n'était ji·anc ? Le roi mentait.

F ....

-Là, pardon! Le roi d'Occident, petite imbécile ! c'est un cercle rond.

Un cercle rond ne peut mentù; même que dedans il y ait ce que vous voudrez, des verrues, des mouches.

ALARICA.

- Vous mentiez.

F ....

-Je travaillais.

Je travaillais de mon métier.

ALARICA.

- Votre cœur était faux.

F ....

-Mes membres, ma coco tte, avaient le poids.

ALA RICA .

- Le monde est ignoble.

Le mal court ALARICA.

- Ma gouvernante cu is in e les roues.

Ma gouvernante tri cote les ball es.

Avant tout, ce qu'il faut , c'est que coure le mal.

Le mal co urt.

Vous le voyez ? Comme il court bien ! Furet! C'est un plaisir .

L e crime ...

CÉLESTINC I C.

-Quel crime ? Quoi encore ? ALAR ICA.

-Le crime serait de prétendre l' arrête1: CÉL ESTINC IC .

- D 'arrêter qui ? ALAR ICA .

- Le mal.D 'arr êter le mal, quand il cou rt.

J e ne commettrai pas ce crime , sûr que non! L'enfant détruit le parent ALARICA .

- Messieurs , la reine de Courti­ lande vous délie du serment prêté entre les mains de ce béquillard pastilleux.

Je ne cherche pas la puissance pour la puissance mais il se trouve que je suis la fille d'un sou­ verain et que le renversement de mon âme du côté du mal qui est le bien , du mal qui est l e roi, je ne puis l'accomplir de plu s mémorable , de plu s exemp laire manière qu'en revendiquant la puissance, par l'assassinat si c'est nécessaire.

Gallimard, 1948 « Ne m'av ez vous pas dit : " Le soleil virginal de votre bouche m'éblouit.

Ce soleil virginal me donne soif, soif qu'il me donne encore plu s soif...

".

» NOTES DEL ÉDITEUR Le pro blèm e du po u voir Jacques Audiberti ( 1899-1965) a écrit Le Mal court en 1947, au sortir de la Seconde Guerre mondiale: « J'ai écrit Le Mal court d'un trait, en deux ou trois heures , sur du papier quadrillé, comme si ces trois petits actes, tracés d'av ance, m 'attendaient quelque part dans l'espace.

Ils existaient avant d'ex is ter.

» Audiberti , Entre tiens avec G.

Charb o nnier, Éditions Seghers 1964.

L 'éc rivain est sans illu sion s.

Il n e voit dan s le s révo lution s du xxe siècle que des changements dans le personnel dirigea nt : «Le mal court, constat e-t-il.

Il faut souhaiter que courte soit sa course.

Mai s l'ex périence du mond e ense igne qu 'elle ris que d'être longu e car le mal , multiforme , ten ace, n'es t pas lié à certaines structur es socia le s.

« Il est dans la chair de l'homme comme le sel dan s l'eau de la mer.

» «Le Mal court est une pièce fortement fondée ...

s ur les stru cture s théâtral es ; sa fantaisie, son effervesce nce baroqu e so nt éto nne ment alliées a ux déve lopp ement s d 'une action mythique qui nous entraîne vigoureusement.

L e Mal court est le chef­ d'œuvre d 'A udibe rti et l ' une des meilleur es pièces du ré p ertoir e réce nt.

» Gaëta n Pico n, Anthologie du Théâtre contemporain, Édition de Crémille , 1989.

Jacques Audiberti , Édition s Seghers.

1 Roge r- Vio l le! 2 C amill e Brye n.

Compo sition ( 1967).

coll.

part./ Edim éd ia 3 Ca mill e Brye n.

H épé rilc ( 1 952).

Paris.

M usée d 'art mcx:lerne / Gira udon AU DIBERTI 02. »