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LE MANTEAU de Gogol

Publié le 22/02/2012

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Tout au long de la nouvelle, le narrateur affecte, à l'égard des conventions narratives, une désinvolture égale à celle manifestée par le fantôme à l'égard des hiérarchies sociales. Il motive son refus initial de nommer le ministère où travaille le héros par une digression fantaisiste. Il donne à son personnage un patronyme à la fois motivé et arbitraire : il est vrai que le héros use ses souliers dans les rues de Petersburg, mais c'est le vol de son manteau, non de ses chaussures, qui décide de son destin. Par ailleurs, les critiques russophones ont identifié la parenté entre les prénoms du personnage et un verbe russe signifiant... « conchier ». La motivation des patronymes est riche d'implications inattendues et cocasses.
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« sociales de plus en plus élevées.

Nous sommes donc conviés à une authentique vue d'ensemble de la société russede la première moitié du xixe siècle.

Il s'agit d'une société de castes, où les hiérarchies sont immuables. Le fantastique Le fantastique fonctionne en étroite relation avec le réalisme.

Dans son ouvrage de référence (Introduction à lalittérature fantastique, Le Seuil, coll.

« Points », 1970), T.

Todorov définit le fantastique comme un effet de lecture.On parlera de récit fantastique à partir du moment où un ensemble de stratégies identifiables interdit au destinatairedu récit d'opérer un choix clair entre plusieurs hypothèses contradictoires.Dans Le Manteau, le fantastique tient aux capacités qu'ont rêve et réalité, monde des vivants et monde des mortsà se mêler étroitement.

Il faut accorder toute son importance à la mention des rêveries du héros : « [...] il nevoyait partout que les lignes nettes de son écriture égale ; et ce n'est que lorsque la tête d'un cheval, surgie on nesait d'où, se posait soudain sur son épaule [...] qu'il remarquait qu'il n'était pas au milieu de la page, mais bien plutôtau milieu de la rue » (p.

33).Une telle notation signale la possibilité de ménager des rencontres entre des univers hermétiquement séparés dansune relation normale au monde environnant.

Les rêveries d'Akaky Akakiévitch colorient la rue aux couleurs de sespréoccupations, et constituent, à l'initiale de la nouvelle, l'annonce du basculement final.

Après sa mort, un fantômedont l'identité n'est jamais précisée venge les humiliations subies de son vivant par le héros.

Une multitude d'indicesplaide en faveur d'une identification du fantôme à Akaky Akakiévitch : le spectre vole les manteaux, il s'en prend àl'« homme important ».

Mais l'assimilation du spectre et d'Akaky Akakiévitch ne résout pas tous les problèmes.

Cespectre vient-il du monde des morts ou n'est-il qu'un farceur qui doit son salut à la force de l'éternuement qui lelibère de la poigne policière ? Ne faut-il pas — hypothèse moins rassurante — envisager le spectre d'AkakyAkakiévitch comme l'avant-garde d'une armée de fantômesqui continuent d'errer à la périphérie de la villeune fois la vengeance d'un des leurs assouvie ?L'espace de Petersburg se révèle lourd demenaces.

La ville, loin de constituer le symboled'une modernité triomphante, abriterait desforces obscures dont le surgissementimprévisible menacerait les puissants auxquelsleur arrogance a fait oublier leur devoird'humanité.

La nouvelle — là réside le propredu fantastique — ne permet pas de trancherentre les différentes hypothèses. La présence de ces éléments fantastiquess'inscrit dans le prolongement de la veineréaliste.

Dans le monde évoqué par Gogol, lesfaibles doivent se transformer en spectres pourfaire valoir leurs droits.

L'intrusion dufantastique signale l'impossibilité de corriger lesdysfonctionnements de la vie réelle.

Lefantôme apporte une solution imaginaire auxdifficultés des humbles : il ne s'en prend qu'auxfonctionnaires ou autres factionnaires (sansoublier « l'homme important »), représentants d'une autorité arrogante et injuste, bafouée etridiculisée dans un joyeux renversementcarnavalesque de l'ordre établi. L'humour Le fantôme qui bouscule les fonctionnairesimpériaux sans aucun respect pour leshiérarchies (« Passe encore pour le dos et les épaules des conseillers titulaires ; mais lesconseillers de cour n'étaient pas non plus épargnés et risquaient de prendre froid », p. 56) constitue aussi un élément puissammentcomique.

Chacune de ses apparitions fournitl'occasion d'une charge.

La première personnequi rencontre le spectre est incapable del'examiner, mais elle le voit distinctementexécuter un geste de menace (p.

56).

Lefantôme révèle ensuite une hypersensibilité. »

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