Le personnage de BOLKONSKY André

BOLKONSKY André. Avec Pierre Bézouk-hov, le prince André Bolkonsky est la figure principale de la Guerre et la Paix ( 1865-69), roman de Léon Tolstoï. Si Pierre Bézoukhov est une préfiguration de l’homme nouveau, le prince André Bolkonsky reste le dernier représentant d'une génération vaincue, capable d’en percevoir les manquements et d’en suivre le déclin avec une parfaite lucidité, capable aussi d’adopter les nouveaux modes de vie avec entrain, mais incapable de renoncer à son propre climat intellectuel et à la tournure de son propre esprit. C’est pourquoi il représente la figure la plus complexe du roman, la plus intelligente, et au fond, la plus sympathique. Ce qui plaît en lui, c’est sa dignite consciente, la ligne qu’il impose à son existence malheureuse, la constance avec laquelle il supporte son propre malaise, lui qui se trouve pris entre l’ancien et le nouveau, entre un monde qu’il juge mais dont il se sent le fils et un autre vers lequel se tournent ses sympathies idéologiques et pour lequel néanmoins il éprouve de la répugnance. André Bolkonsky est avant tout un aristocrate et comme tel il ne peut vivre que dans une sphère de valeurs parfaites. Dans sa

vie sociale, il soutient le bien-fondé des réfor-

mes, mais il veut maintenir une rigoureuse séparation des classes sociales; dans sa vie affective, il tente de vivre un grand amour, mais il le veut immédiatement parfait; et quand Natacha  Rostova, la jeune fille dont il est épris, lui révélera brusquement la violence de sa nature, André Bolkonsky éprouvera pour elle cette même répugnance que lui inspire dans ses manifestations le monde nouveau et il l’abandonnera avec désespoir. Néanmoins, Tolstoï tirera de cette attitude une conclusion positive ; pour lui, les individus qui représentent les générations passées peuvent malgré tout trouver leur propre vérité, même si elle n’est destinée qu’à eux, et qu’elle reste impossible a communiquer aux hommes de l’avenir. André Bolkonsky trouvera sa lumière intérieure dans la conscience toujours plus aiguë qu’il a d'être étranger au monde actuel, et dans la contemplation patiente et pleine d’amour de ce dont il sait qu’il ne pourra jamais faire