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L'EPREUVE DE MARIVAUX (résumé et analyse)

Publié le 17/01/2015

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marivaux
l'air trop seigneur?» Fanfaron, Frontin prête à sourire et le spectateur aristocrate se gausse de telles prétentions. Toutefois, le valet saura tenir son rôle, certainement avec plus d'aisance et d'habileté que l' Arlequin du Jeu de l'Amour et du Hasard. Bien sûr, comme lui, il commettra les erreurs nécessaires pour faire rire le public et il lui arrive de ne plus maîtriser l'élégance d'une langue qui lui est quelque peu étrangère : « Si la charmante Angélique daignait seulement jeter un regard sur moi, je crois que je ne lui ferais point de peur et peut-être y reviendrait-elle : on s'accoutume aisément à me voir, j'en ai l'expérience; essayez-en. » La bonne humeur du personnage persiste jusqu'au dénouement où Frontin en dévoilant discrètement sa véritable identité de valet - «Je suis de si bonne composition que ce sera moi qui vous verserai à boire à table » - espère reconquérir le coeur de Lisette. De même, la bêtise ainsi que la cupidité de Maître Blaise vont maintenir le rire dans la pièce. Dès la scène 2, ses traits comiques sont mis en avant; le personnage flatte par des procédés grossiers, caricaturaux et risibles lapersonne de Lucidor. Le paysan se trouve capable d'énoncer très sérieusement des antithèses qui choquent la raison, telle celle-ci : «Faut convenir que voute maladie vous a bian fait du proufit »ou de trahir l'intérêt qu'il cachait derrière sa pitié et sa compassion pour la maladie du jeune homme : « Moi qui avais tant de peur que vous mouriez; c'était bian la peine de venir vingt fois demander : Comment va-t-il, comment ne va-t-il pas?)) C'est qu'il est cupide ce fermier, et qu'il n'y entend pas finesse ... La façon si souple qu'il prend pour s'accommoder des directives de Lucidor caricature son goût pour l'argent et le rend plus ridicule et risible. Quant à sa maladresse à cacher le subterfuge dont il est convenu avec Lucidor, elle permet quelques incohérences et pantomimes « agréables >>. Car, en fait, l'essentiel du comique repose sur la figure de la duplicité. Trois personnages dans la pièce jouent deux rôles distincts et le rire naît des conséquences du hiatus entre le vrai et le faux. Maître Blaise est le premier à nous faire rire de cet écart entre ce qu'il est et ce qu'il veut paraître : il apprécie Lisette, mais va feindre un discours amoureux pour Angélique sur ordre de Lucidor, qui veut éprouver les sentiments de celle qu'il aime. Mais, dans la mesure où il a tout intérêt à être refusé par cette dernière (il y gagnera douze mille livres et la main de Lisette), il va forcer sa niaiserie, et surtout jouer de paradoxes que Lisette aura soin de souligner pour le public: «Oh! vous m'impatientez avec vos tant mieux si tristes, vos tant pis si gaillards et le tout en m'appelant "ma grande fille" et "mon poulet".)) Le public rit d'autant plus que l'attitude de Blaise n'est incohérente que pour Lisette qui n'est pas au fait du pacte qui lie le fermier à Lucidor. Si la servante finira au terme de cette scène 13 par se douter d'une ruse, elle se révèle un peu moins efficace pour débusquer Frontin derrière le soi-disant prétendant. Dans les scènes 10 et 11, Frontin joue le double de Lucidor. Comprenons le
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« qui a la repartie osée quand il s'agit d'argent.

Quand Angélique, par dépit amoureux, annonce qu'elle jetterait les bijoux offerts par Lucidor, Lisette a ce mot comique et d'un réalisme cruel: « Et moi je les ramasserais.

" Si elle po~sse Angéliqu_e à refuser Blaise_, c'est moins par conscience que ce serait une mésalliance ou pour amour pour sa maîtresse que par intérêt personnel : elle désire elle-même épouser un Blaise qui apparaît comme un parti raisonna­ ble pour une domestique.

On peut noter à cet égard combien la situation Comél1> de Vos, La Passion du jeu (détail).

de rivale de Lisette est symbolique.

Comme dans Le jeu de l'Amour et du Hasard, la servante est la rivale de sa propre maîtresse, mais à chaque fois cette fonction qui aurait pu éléver la suivante au rang de sa maîtresse est illusoire.

Or, si la maîtresse n'est pas « rattrapée )) par sa suivante, en revan­ che, cette dernière cherche à corrom­ pre sa vertu.

Lisette prétend par exemple pousser Angélique dans les bras de cet ami riche, en lui faisant valoir les satisfactions de vanité qu'elle pourrait en tirer, « vous êtes trop heu­ reuse : il faut que vous soyez née coif­ fée.» pour avoir la chance de vous voir proposer un si riche parti, et « en THÉATRE DE LA CRUAUTÉ vérité, Mademoiselle, on ne saurait vous excuser (de le refuser).

Attendez­ vous qu'il vienne un prince?" (se.

15 et 16).

Et si Lisette pousse sa maîtresse dans les bras de Lucidor, on peut craindre que ce soit moins par conni­ vence que poussée par ce même inté­ rêt qui caractérise Blaise.

La situation de ce dernier ou de Mme Argante est moins .pénible, et leur avidité de biens en paraît d'autant plus condamnable.

D'ailleurs, leurs agissements dans la pièce sont plus nui­ sibles que ceux de Lisette.

Ils compro­ mettent le bonheur d'Angélique.

Mme Argante préfère mal marier sa fille que de perdre la possibilité de s'enrichir, voyant dans l'argent et l'aisance qu'il donne les seules sources possibles du bonheur.

La hiérarchie qu'elle établit dans cette phrase : « Il procure à ma fille un mari tel qu'elle ne pouvait pas l'espérer, ni pour le bien, ni pour le rang, ni pour le mérite )) en dit long sur la vertu de ses sentiments comme sur l'amour qu'elle porte à son enfant.

Le comportement de Blaise, qui ne s'explique que par sa cupidité et sa bêtise, ne fait que blesser et importu­ ner Angélique.

En osant demander sa main, il refuse d'évaluer le fossé qui les sépare.

À la bassesse de ce fermier répond la noblesse d'Angélique, à sa sottise s'opposent l'intelligence et la pudeur de la jeune fille.

Sa demande n'est plus qu'une insulte quand l'incompréhension de sa mère n'est plus que le signe d'une absence d'amour.

Poussés par leur vénalité, ces person­ nages finissent par méconnaître leur cœur et contribuent à l'appauvrisse­ ment des relations humaines, les rame- 163. »

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