Les Golovlev
Publié le 06/04/2013
Extrait du document
Derrière le dénouement du roman, il faut voir la conviction de Saltykov que, même dans le plus ignoble des êtres, le mal n'est jamais absolu, et qu'un fonds de conscience morale subsiste en lui comme un point de lumière au fond des ténèbres. Les Golovlev fut publié pour la première fois en feuilleton dans les Annales de la Patrie, de 1872 à 1876.
«
~------- EXTRAITS -------~
L'oisiveté amène l'ennui chez la mère
de Porphyre
Les jours se succédaient dans cette mono
tonie accablante, dont
la vie à la campagne
est si riche lorsqu'elle n'est agrémentée ni
du confort ni des travaux domestiques,
ni
d'un élément qui nourrisse l'esprit.
Indépendamment des causes extérieures,
qui lui rendaient impossible tout travail
personnel dans sa maison, Arina Petrovna
ressentait de la répulsion pour ces soucis
mesquins qui l'atteignaient
à la fin de sa vie.
Peut-être aurait-elle surmonté son dégoût si
elle avait eu devant elle un but qui justifiât
ses efforts, mais précisément elle
n'avait
pas de but.
Elle avait ennuyé, lassé tout
le monde,
et maintenant c'était elle qui
était lasse de tout et de tous.
Son activité
fiévreuse de
jadis avait cédé la place
brusquement
à une oisiveté somnolente, et
l'oisiveté peu
à peu avait corrompu sa
volonté
et amené des inclinations que,
quelques mois auparavant, Arina Petrovna
n'eût pas imaginées même en rêve.
Cette
femme forte et réservée que personne n'eût
songé même
à appeler une vieille était
désormais une ruine pour qui n'existait plus
ni le passé ni l'avenir, mais seulement la
minute présente qu'elle avait
à vivre.
Après l'enterrement de la mère
Après avoir enterré sa mère, Porphyre
Vladimirytch s'occupa immédiatement
à
mettre ses affaires en ordre.
En dépouillant
ses papiers, il trouva une dizaine de testa
ments différents (dans l'un deux elle
le nom
mait
« irrespectueux ») ; mais tous avaient
été écrits
à l'époque oùArina Petrovna était
encore une maîtresse autoritaire, et aucun
n'était en bonne et due forme, ce n'étaient
que des projets.
Judas en
fut très content,
car il n'avait pas besoin de ruser avec
sa conscience pour se déclarer héritier
légitime de tout ce que laissait sa mère.
Ce
bien consistait en un capital de quinze mille
roubles et un maigre mobilier, parmi lequel
se
trouvait
le fameux tarantass [voiture à
quatre roues] qui avait failli jouer
le rôle de
pomme de discorde entre
la mère et le fils.
( ...
) Judas sans tarder alla se déclarer
comme l'héritier légitime, scella les papiers
se rapportant
à la tutelle, distribua aux
domestiques
la méchante garde-robe de sa
mère ; il expédia
à Golovlevo le tarantass
et deux vaches qui, dans l'inventaire
d'Arina Petrovna, étaient portées sous
la
rubrique « à moi » ; puis, après avoir fait
célébrer un dernier service fanèbre ;
ils' en
retourna chez
lui.
La grisaille de la famille
Il est des familles sur lesquelles pèse une
sorte
de fatalité.
Cela se remarque surtout
dans
la petite noblesse qui, dispersée sur
toute la surface de la terre russe, sans
travail, sans lien avec
la vie publique ni les
pouvoirs dirigeants, s'abrita tout d'abord
derrière le servage,
et qui maintenant,
privée de toute dé
fense, agonise dans
ses manoirs en ruine.
Dans
la vie médiocre
de ces familles, suc
cès ou insuccès, tout
se fait aveuglément,
à l'improviste.
Jud as:« .•• sa voix,
c o mm e un serpent,
pénétrait dans l'âm e et paralysait la volonté .
,.
,
NOTES DE L'EDITEUR
« Les Golovlev offrent un exemple typique
de la décadence de la famille noble en
Russie après l'affranchissement des serfs.
Il y avait, certes, une noblesse qui avait
su s'adapter aux circonstances, soit en
réduisant son train de vie, soit en exploitant
d'une manière intensive les terres que la loi
lui avait laissées, soit en se réduisant
à
" déroger ".
Dans ce dernier cas, les nobles
poussaient leurs enfants vers
létude, en
venaient
à ambitionner pour eux des carrières
libérales; mais c'était une
minorité.
Dans sa majorité, la noblesse
terrienne dépérissait et assistait avec apathie
à sa propre désagrégation, à la disparition
de ces
" nids de gentilshommes " si
florissants encore quinze ans plus tôt.
Toute
l'histoire des Golovlev est celle
de
l'agonie
d'une race.( ...
) La Famille Golovlev
est considéré à bon endroit comme le
chef-d 'œuvre de Saltykov, ou du moins
comme
l'un de ses deux chefs-d'œuvre, Ainsi,
une seule de ces deux œuvres
appartient au genre satirique et la question
peut se poser de savoir pourquoi Saltykov
n'a pas essayé, après sa réussite, de rester
dans le domaine du roman psychologique.
La Famille Golovlev est en effet la première
et la dernière de son genre dans l'ensemble
de l'œuvre de
}'écrivain.» Kyra Sanine,
Saltykov-Chtchédrine : sa vie et ses œuvres,
Institut d'Études Slaves de l'Université de
Paris, 1955.
l' Histoire d'une ville pouvant également
prétendre
à ce titre.
1 Saltykov-Chtchédrine en 18701 éd.
Molodaja Gvardija, Moscou, 1965 2 dessin de O.
Klever 1 id.
3 dessin de Kukryniksy f id.
SALTYKOV-CHTCHÉDRINE 02.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- GOLOVLEV Porphyre de Mikhaïl Evgrafovitch
- GOLOVLEV (Les) de Saltykov-Chtchédrine (1826-1889) (résumé)
- M.E. Saltykov-Chtchédrine: Les Golovlev (Résumé & Analyse)