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Les Rapaces de Norris

Publié le 05/04/2013

Extrait du document

« Je hais le " bien écrit ", la rhétorique, l' "anglais élégant" et toutes ces foutaises. Qu'avons-nous à faire du beau style? Racontez votre histoire, et au diable le style ! En écrivant Les Rapaces (1899), Norris s'est confonné à ce parti pris contre le beau style. D'où une oeuvre maladroite, démesurée, mais d'une si grande puissance qu'elle a inspiré au metteur en scène Erich von Stroheim l'un de ses meilleurs films (1925)...

« Mort prématurément, Frank Norris (1870- 1902) n'a pu achever l'importante « Trilogie du grain» qu'il voulait consacrer au blé en Amérique (La Pieuvre, 1901, où les « ranchers » producteurs de blé succombent face à la toute-puissante société ferroviaire; La Fosse, 1903, où il est question des spéculations sur le blé ; Le Loup, non pu­ blié, qui devait raconter là lutte pour le pain dans un village dévasté par les intérêts capita­ listes).

~------- EXTRAITS Le géant McTeague Dans Polk Street on l'appelait Docteur et l'on vantait la force colossale de ce jeune géant blond d'un mètre quatre-vingt-dix, aux gestes lents et puissants.

Il avait des mains énormes, rouges, velues, dures com­ me des maillets, fortes comme des étaux : des mains de jeune mineur.

Il lui arrivait souvent de se passer de davier et d'arracher une dent récalcitrante entre le pouce et l'index.

Il avait le visage carré, anguleux, et une mâchoire saillante de carnivore.

Au moral comme au physique, McTeague était extraordinairement lent et engourdi, sans pourtant avoir aucun instinct mauvais.

C'était une bête de somme, docile et fruste.

Bagarre entre le dentiste et son ami Marcus Les spectateurs poussèrent un cri.

Pendant qu'il jurait, Marcus avait tourné la tête et transpercé d'un coup de dent le lobe de l'oreille du dentiste.

Il y eut un jet de sang clair.

Alors ce fut le drame.

La brute se réveilla soudain en McTeague, monstrueuse, irrésis­ tible.

Il se releva d'un bond et poussa un cri inarticulé qui n'avait rien de commun avec ses intonations habituelles.

C'était un hur­ lement animal, un gémissement d'éléphant blessé.

On ne distinguait aucun mot dans les sons perçants qui sortirent de sa bouche béante.

Cela n'avait plus rien d'humain.

C'était plutôt un écho de la jungle.

Les délices d'une jeune avare Elle toucha son chèque et, ivre de joie, ap­ porta chez elle son argent, tout en pièces de vingt dollars, comme elle l'avait demandé.

Elle passa la moitié de la nuit à jouer avec, le comptant et le recomptant, astiquant les pièces ternes pour les faire briller.

Il y avait en tout vingt pièces d'or, vingt pièces de vingt dollars.

-Oh ! mes beautés, murmurait Trina en les caressant, tremblant presque de plaisir.

,.

Mes beautés! Qu'est-ce qu'il y a de plus beau qu'une pièce d'or de vingt dollars ? Mon argent chéri, que je t'aime! Et tu es à moi, tout à moi, rien qu'à moi ...

Fin de l'ultime duel entre l es ex -amis Brusquement, Marcus cessa de se défendre.

Puis il eut un dernier sursaut.

McTeague sentit quelque chose autour de son poignet droit, puis le corps qui se débattait retomba, inerte, dans un râle.

En se relevant, McTeague sentit son poignet tiré vers le sol.

Il baissa les yeux et s 'aper­ çut que Marcus, dans ce dernier sursaut, avait trouvé la force de l'enchaîner à lui avec les menottes.

Marcus était mort.

McTeague était prisonnier du cadavre.

Tout autour de lui, à perte de vue, s'étendait la Vallée de la Mort.

Traduit de l'américain par Françoise Fontaine Lecteur et admirateur de Zola, Norris a dépe int lAmérique du xixe siècle (ici, une vue de San Francisco, où se déroule Les Rapaces) .

-.;:f. -ï • :.~!:~!'~ ·~ ~\taiJt t~ N O TE S DE L' EDIT EUR " big game ", comme si, exaspéré par une littérature exsangue incapable de fixer d'autres défis que le" drame d'une tasse brisée, la tragédie d'une promenade à pied, l'aventure d'une visite mondaine", rien ne comptait véritablement pour lui que l'énorme, le formidable, le terrible.» Michel Le Bris, introduction aux Rapaces, Phébus, 1990.

tenté, comme Norris, par la réalisation d'une« épopée du réel», décide« de filmer le roman scène par scène, page par page, sans omettre un détail : quarante-deux bobines tournées en neuf mois dans les rues de San Francisco, puis dans le désert pour le coût, alors exorbitant, de 470 000 dollars.

Dix heures de projection que les producteurs s'acharneront à réduire pour tenter de faire entrer le film dans les normes, en vain.

» Ibidem.

La parution du livre, en 1899, fit scandale: « Scènes de fétichisme, viols, sadomasochisme, ivrognerie, tortures, meurtres, combats à mort, terreur psychologique -ce livre pue ! » écrit le critique de la revue américaine l'Argonaut.

« " Big " : le mot revient sans cesse sous la plume de Norris.

"Big things ","big man", 1 Explorer I coll.

particuli~rc 2 coll.

Viollet Le metteur en scène Erich von Stroheim, NORRIS 02. »

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