Devoir de Philosophie

LETTRES A MALESHERBES de ROUSSEAU

Publié le 10/11/2018

Extrait du document

malesherbes

Dans cette sorte d’autoportrait se manifeste le besoin anxieux de s'expliquer et de se justifier qui ne cessera plus de hanter Rousseau. Il y évoque son expérience de la vie chimérique, le dérèglement de son imagination et les causes profondes de sa mélancolie (Première Lettre); l’ \"illumination de Vincennes\", d'où sont nés \"les trois principaux de (ses) écrits\" - le Discours sur les Sciences et les Arts, le Discours sur l'origine de l'inégalité et l'Émile -, et qui l'a entraîné à réformer son mode de vie (Deuxième Lettre);

malesherbes

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Quelques mois avant de rédiger son autoportrait dans les Lettres à Malesherbes, Rousseau écrit à Dom Deschamps, bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur : « Je suis persuadé qu'on est toujours très bien peint quand on s'est peint soi-même, quand même leportrait ne ressemblerait point.

» Dans quelle mesure cette formule peut-elle s'appliquer aux quatre premiers livres des Confessions ? Tout lecteur attend d'une autobiographie qu'elle lui fasse connaître fidèlement son auteur.

Rousseau écrit pourtant : «On est toujourstrès bien peint lorsqu'on s'est peint soi-même, quand même le portrait ne ressemblerait point.

» Cette formule paradoxale conduit às'interroger sur l'exactitude du portrait tracé par Rousseau dans les quatre premiers livres des Confessions, à se demander si l'écrivain n'a pas choisi de se montrer sous son jour le plus favorable et si, enfin, l'autobiographie ne permet pas de connaître son auteur àtravers le regard qu'il porte sur son existence. I - UNE PEINTURE FIDÈLE Une position privilégiée L'autobiographe bénéficie d'une connaissance de soi plus intime (« Moi seul, je sens mon coeur » p.43) que celle d'un biographeextérieur.

Seul Rousseau adulte est capable de se rappeler les « marques d'inquiétude et de peine » (p.52) visibles sur le visage deMademoiselle Lambercier ou d'expliquer, par l'innocence naïve de l'enfant qu'il était, son bouleversement devant l'attitude deMademoiselle Lambercier après la seconde « punition ».

Il découvre alors que la transparence lui est interdite : «La marque d'amour qu'ilavait réussi à obtenir par le châtiment lui est finalement refusée » (Philippe Lejeune).

L'autobiographe peut seul discerner que sonincapacité d'éprouver à la fois désir et amour pour la même personne a été suscitée par l'éveil de sa sexualité au cours de cetteexpérience involontaire. Une sincérité absolue Cet aveu illustre la proclamation du Préambule : « J'ai dit le Bien et le Mal avec la même franchise » (p.43).

On comprend donc quel'écrivain ait emprunté au poète latin Perse l'épigraphe des Confessions : « Intus et in cute » (Intérieurement et sous la peau) et qu'il prenne Dieu comme témoin de sa sincérité. Le « pacte autobiographique » scellé avec le lecteur suppose en effet une sincérité absolue (« dans l'entreprise que j'ai faite de memontrer tout entier au public, il faut que rien de moi ne lui reste obscur ou caché » pp.96-9 .7).

L'éducation genevoise qui pousse Rousseau à se justifier publiquement et la volonté de démasquer le « complot » tramé contre lui se rejoignent pour expliquer le parti de «tout dire ».

Enfin, la nécessité de communiquer la certitude de sa transparence conduit Rousseau à privilégier une narration émiettée etdétaillée de son existence.

L'étalement dans le temps de multitudes instants vécus successivement lui apparaît de nature à capterl'attention des lecteurs et à les forcer de se forger une image véridique de Jean-Jacques. II - UN PLAIDOYER L'ambiguïté du projet En confessant bien au-delà de ce que le lecteur pourrait connaître, en présentant ses fautes d'enfant comme de véritables crimes,Rousseau désarme la critique.

Il sait mettre le lecteur de son côté en avouant « avoir une fois pissé dans la marmite d'une de [ses]voisines » (p.48).

En revanche, l'abandon de Monsieur Le Maître à Lyon, présenté comme le « troisième aveu pénible » (p.166) justifiant larédaction des Confessions, est raconté en une dizaine de lignes.

A cette brève énonciation succède un peu plus loin l'explication : amoureux de Madame de Warens, Jean-Jacques était pressé de la rejoindre.

Réalité ou moyen de se disculper ? Au Livre IV Rousseaurevient sur l'abandon et souligne que sa présence aurait constitué une charge supplémentaire pour Monsieur Le Maître.

Il ne reste plus aulecteur, unique dépositaire de cette confession, qu'à absoudre Jean-Jacques. La mauvaise foi ou la vérité à l'envers Lorsque l'autobiographe entreprend un bilan complet de sa vie sexuelle, il montre que la « dépravation » le poussant à souhaiter quetoutes les femmes le traitent comme Mademoiselle Lambercier l'a mis à l'abri de la débauche.

Rousseau cesse pourtant de faire allusionà son masochisme érogène après l'épisode exhibitionniste de Turin : il n'en parle plus dès qu'il raconte ses aventures amoureusesd'adulte.

N'est-ce pas la preuve d'un déplacement dans le texte, qui empêche les pièces du puzzle de se réunir à leur place, celle de lavérité ? En s'efforçant d'être sincère, l'autobiographe propose un discours codé. III - L'AUTHENTICITÉ RETROUVÉE Des ornements indifférents ? Pour Rousseau, erreur n'est pas mensonge : « S'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pourremplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire » (p.44).

Jamais il n'a pensé comme Proust que l'événement omis dissimule unevérité fondamentale. Le témoignage du style La conformité avec le modèle représenté par Les Confessions naît de la présence d'un style original à l'intérieur de l'oeuvre.

L'acte de peindre sert de révélateur à Rousseau.

Il l'annonce dans le Préambule de Neufchâtel : « Mon style inégal et naturel [...] fera lui-mêmepartie de mon histoire.

» La façon de se raconter compte autant pour lui que le récit.

Le style engage l'artiste et l'homme, révèle etexprime l'image que Rousseau veut proposer de soi à un lecteur séduit. La spontanéité et la variété de ce style répondent à la diversité des aventures de Jean-Jacques.

L'authenticité avec laquellel'autobiographe produit sa vérité fait des quatre premiers livres des Confessions un poème du souvenir.

Le récit d'une vie structurée comme un roman où chaque livre se clôt par une fuite, d'une vie faite d'anecdotes et de liberté, de fragilité et de désirs refoulés nepermet-il pas aussi à Rousseau de réinventer son existence à travers un imaginaire idyllique ? Conclusion : Le portrait que Rousseau trace de lui-même n'est pas une copie plus ou moins fidèle, mais la « trace vivante » de la recherche de soi.

La loi de l'authenticité admet « que l'écrivain, renonçant à chercher son vrai moi dans un passé figé, le constitue enécrivant » (Jean Starobinski).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles