Lettres choisies de Balzac
Publié le 10/04/2013
Extrait du document

Guez de Balzac (1597-1654) est né dans une famille de petite noblesse languedocienne. Après des études à Paris, puis à Leyde (où il s'intéresse surtout à l' art oratoire), il rentre en France pour essayer de jouer un rôle politique. Toutefois, la maladie ainsi que la méfiance de Richelieu envers ses écrits polémiques le forcent à une retraite semi-volontaire sur sa terre de Balzac. Il atteindra une certaine gloire dans le rôle d'épistolier, faisant autorité parmi ses contemporains dans l'art du bien écrire.

«
Le prodigieux succès
du genre épistolaire,
du temps de Balzac,
indique à quelle
« épreuve imposée »
devait se consacrer
quiconque prétendait
au titre d'écrivain
mondain.
C'est le
moyen qu'emploient
pour forcer la célébrité
les jeunes ambitieux
de l'époque.
NO T
EX TRAIT
A Monsieur de Voiture
Monsieur,
Bien que
la moitié de la France nous sépare
l'un de l'autre, vous êtes aussi présent à
mon esprit que les objets qui touchent mes
yeux, et vous avez part à toutes mes pensées
et à tous mes songes.
Les rivières, les cam
pagnes
et les villes ont beau s'opposer à
mon contentement, elles ne sauraient m 'em
pêcher de m'entretenir de vous avec ma mé
moire, et de regoûter les bonnes choses que
vous m'avez dites, jusqu'à ce qu'il me soit
permis de vous aller encore écouter.
En dus
siez-vous faire
le vain, il faut que je vous
avoue que
je ne conçois plus rien de grand
ni de relevé que des semences que vous avez
jetées en mon âme, et que votre compagnie,
qui me fut d'abord très agréable,
m'est de
venue entièrement nécessaire.
Vous pouvez
donc croire que ce
n'est pas volontairement
que
je vous laisse si longtemps entre les
mains de votre maîtresse, et que
je souffre
qu'elle jouisse de mon bien sans m'en
rendre compte.
Tous les moments qu'elle
vous oblige de lui donner,
sont autant
d'usurpations
qu'elle/ait sur moi; tout ce
que vous lui dites à l'oreille, sont des secrets
que vous me cachez, et avoir votre conver
sation en mon absence, c'est s'enrichir de
mes pertes.
A Monsieur de Racan
Monsieur,
Vous ne vous contentez pas d'être savant
sans étudier, vous voulez encore être élo
quent sans méditation et me persuader que
ce que
je tirerai du fond de l'estomac et du
derrière de
la tête ne vous coûte rien que la
peine de l'écrire.
Après avoir remontré
à Monsieur
G.
que le latin et le grec sont
inutiles en France, c'est faire voir à
la na
ture même qui demande
du temps pour
achever le moindre de ses ouvrages, que
vous n'en avez pas besoin.
Si cela est je ne
veux à l'avenir vous appeler que
le faiseur de
miracles,
et quoi que dise Monsieur
Malherbe,
je m'assure que j'aurai toutes les
femmes de mon côté.
Je pense bien que vos
vers
sont plus dangereux que vous, et
qu'étant capables de faire autant de cocus
que
le feu le Roi , vous ne pouvez pas sans
présomption promettre cela de vous-même.
Mais aussi
n'êtes
vous point réduit
à ce point-là
qu'il
faut parler de votre
braguette, comme
d'une affaire déplo
rée, et qu'il ne vous
reste encore assez
de jeunesse
pour
donner de la jalou
sie à quelque mari.
C'est moi vérita
blement qui devrait
vous
prier de faire
mon épitaphe, et sur
les chausses de qui
on pourrait mettre,
Ci-gît, aussi juste
ment que sur un
tombeau.
LETTRES ,
CH 01 SIE S
A Monsieur
de Vaugelas
Monsieur,
A 1? A R I Sa ''4 Chci A v G v T IN C o v B.
â .i', d(nc ~ pctire Sale du Palais~ à la PaJme.
M.
ù C.
X LV l I.
La bonne opinion
que vous avez de
moi
fait plus de la
Vf Y .E C P Jl.
l Y I L E G ~ D i • B.
0 n
moitié de mon mérite, et vous ressemblez
aux poètes épiques, qui sur
un peu de vérité
jettent les fondements de tout ce qu'ils di
sent d'incroyable.
Quoi que
c'en soit, si
vous ne m'aimiez que selon la rigueur du
droit et de
la raison, je craindrais fort de
vous être indifférent,
et il vaut beaucoup
mieux pour moi que l'affection que vous me
portez soit une passion qu'une vertu.
Lettres choisies de Guez
de Balzac, frontispice,
Paris , 1647
« Il y a surtout, chez Balzac, un ami de
l'ordre et de l'harmonie secrète du langage,
un admirable professeur de style, qui a
compris, mieux que personne
en son temps,
l'art de composer un tout, de construire un
développement,
d'y faire dominer une idée,
une couleur, de donner
à l'ensemble une
cohésion parfaite.
Sans doute, pourra-t-on
dire, son souffle était court, et il
n'a jamais
su complètement composer
" un livre ".
Mais chaque morceau pris à part constitue
un modèle de composition, de
développement où
l'on sent nettement la
progression de
l'idée et les phases
successives de la pensée en marche vers sa
conclusion.
( ...
)A Balzac revient
l'incomparable mérite
d'avoir ramené
l'esprit français et la langue qui
en reflète
l'évolution, dans la voie de la réalité,
en
tempérant par le bon sens, qui est de chez
nous, les excès du style figuré qui sont
d'importation ultramontaine.
On ne sait pas assez par quels efforts
persévérants ce patient écrivain, du fond de
sa province, a contribué à opérer la fusion
nécessaire du style précieux avec le goût
français.
( ...
)Maintes fois il donna le ton du
beau langage,
en dirigea les audaces et
qu'une foule d'expressions, qui firent
fortune, sont venues des bords de la
Charente, de
l' Hermitage.
» Gaston
Guillaumie,
1.-L.
Guez de Balzac et la
prose française, Éd.
Slatkine, Genève,
1977.
J N D-V io llet 2, 3 A.
Co urb é, P aris, 164 7 I B.N.
G UEZ DE BALZAC 02.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Jean-Louis GUEZ DE BALZAC: Lettres choisies
- Lettres choisies de Jean-Louis Guez de BALZAC (Résumé & Analyse)
- LETTRES de Guez de Balzac (résumé)
- LETTRES CHOISIES Gottfried Benn (résumé)
- LETTRES, de Guez de Balzac