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L'INDIGENT PHILOSOPHE DE MARIVAUX (résumé et analyse)

Publié le 17/01/2015

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marivaux
vanité leur ont fait oublier >» comme le rappelle justement M. Gilot. Marivaux veut aussi inciter l'homme au bonheur. Bonheur 9ui consiste à une satisfaction de ses desirs, et à éliminer toutes les tentations de regrets. Il s'agit de trouver du goût dans n'importe quelle situation. Ainsi:« Je ne fais pas bonne chère, mais j'ai bon appétit; je ne bois pas de bon vin, mais comme je n'en bois guère en tout temps le mauvais me paraît du nectar ))' ainsi : «Vive les plaisirs de ceux qui n'en n'ont guère.>> Ce qui paraît plus fondamental, et plus original, c'est cette idée que ces plaisirs, arrachés à la vanité, ne reposent que sur une propension à la joie. Il faut vivre l'instant épicurien, il faut le vivre sans nostalgie et avec audace : « Et je vous dirai que parmi les hommes je n'ai encore trouvé que la joie raisonnable, parce que les gens qui aiment la joie n'ont point de vanité: tout va bien pourvu qu'ils se réjouissent à merveille.» Bien sûr, une telle proposition peut mener politiquement à l'abnégation, telle qu'elle est pratiquée par le savetier, mais elle contient un principe fondamental pour Marivaux, c'est celui d'une morale naturelle. Il s'agit de se laisser guider par la nature : « La nature est bonne mère; quand la fortune abandonne ses enfants, elle ne les abandonne pas, elle. »Et l'homme riche apprend ainsi à se satisfaire du moins qu'il a; mieux, «le peu qu'il a le satisfait mieux cent fois que le beaucoup quand il l'avait». Il s'agit de se comprendre soi-même, pour être soi et pour être joie. La vanité de l'ami buveur risque de l'emporter sur son bon sens tant le succès la favorise. Seule l'ironie le sauve : «Or, vous saurez que je fus admiré et vous vous ressouviendrez que je le serai toujours; car ma modestie ne me permettra pas d'en parler davantage, et il ne faut pas que je perde rien à cause que je suis modeste », préfigurant le portrait féroce des faux modestes de la feuille 6. En formulant tout haut ce que les autres pensent tout bas, l'ami révèle les finesses de la vanité, qui voudrait bien que l'on rende hommage à l'apparence, ici de modestie, tout comme à l'être, ici de l'amour-propre. La lucidité est d'un grand secours parfois et l'ami en voie de devenir un comédien illustre en témoigne : «J'étais très vain de ce qu'on me trouvait tant de mérite, mais je n'étais pas certain de l'avoir, je n'y croyais pas tant que les autres, et je jouissais à tout hasard de l'opinion qu'on en avait.>> Cette réflexion sur sa propre situation lui permet de sentir son bonheur, d'en jouir dans le temps imparti. C'est le bon sens qui domine sa pensée. Et d'ailleurs, Marivaux se prête à de longs développements sur le bon sens opposé à l'esprit. Il croise ici ses théories esthétiques et sa pensée de moraliste dans une même conception du bonheur «naturel». Tout est sensation, les vérités sur nous-mêmes sont enfouies dans notre inconscient, et c'est en laissant parler notre coeur plus que notre esprit, nos instincts que notre morale « spéculative >), que nous arriverons à une équation entre ce que nous sommes et ce que nous vivons : « La raison nous coule de source, quand nous voulons la suivre; je dis la véritable raison: car celle qu'il faut chercher, cette raison qui est si fine, si
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« la mauvaise idée d'être déserteur - délit pour lequel on encourait la peine de mort - ainsi que celle de ne pas sur­ vivre à son succès.

En effet, si son his­ toire est celle d'une ascension sociale, sa situation de gueux au moment de sa narration évoque une chute peu glo­ rieuse.

Ainsi l'itinéraire des deux hom­ mes se croise et se ressemble dans leur devenir miséreux et pourtant peu misé­ rable.

Etc' est là que commence la sub­ version ...

Est-il pensable qu'un homme déchu soit heureux? Car ces compères sont effectivement heureux malgré leur dénuement; les gambades qu'ils se rendent en guise de politesse, les pintes de vin qu'ils boi­ vent, moins pour être joyeux que parce qu'ils le sont, cette satisfaction que le philosophe tire d'un rien sont autant d'insultes à la conception que les lec­ teurs ont du bonheur.

L'indigent phi­ losophe ne regrette pas d'avoir dilapidé son bien et sa pauvreté ne le mène pas sur le chemin de la nostalgie:« je suis pauvre au souverain degré, et même un pauvre à peindre, car mon habit est en loques ( ...

) Dieu soit loué, cela ne m'empêche pas de rire», ni sur celui du repentir : « si j'avais à recommen­ cer, si on me remettait dans mon pre­ mier état, j'aimerais mieux faire des folies ruineuses, qui seraient du moins gaies pendant qu'elles dureraient».

De même sa pauvreté, au lieu de lui être source de souffrance parce que source de privations, lui apporte une nouvelle façon de voir le monde plus lucide, parce que plus dépouillée et débarrassée de la vanité.

« Ce n'est pas le tout d'être pauvre( ...

), il faut savoir en faire son profit : et tel que vous me voyez, je ne prise l'estime des hommes UN PRÉCURSEUR DE JACQUES LE FATALISTE que ce qu'elle vaut.» Ceci dit, le nar­ rateur rappelle que la pauvreté n'est pas obligation: «la pauvreté est une cérémonie que l'on peut retrancher ».

L'indigent philosophe, en évacuant le mythe de Diogène, s'éloigne à nouveau d'une pensée établie.

Suprême scandale, quand le narra­ teur indique qu'il doit sa vertu à l'obligation où il s'est trouvé d'être vertueux! Désargenté, ayant perdu fière allure, il ne plaît plus : il devient chaste par la force des choses, et s'il s'abstient de toutes sortes de plaisirs, c'est faute de pouvoir se les offrir.

Sa conduite vertueuse est une véritable insulte à la vertu du monde, parce qu'elle dénonce sur un mode grotes­ que ses propres mécanismes.

« Pour moi, qui n'ai pas le sou, l'inutilité de me laisser tenter m'est démontrée; je brise avec la tentation, et je me dévoue à la continence par force; de là, je tâche de m'y dévouer par vertu; et ainsi, de main en main, et pour ainsi dire par cascade, j'arrive à traiter cet article-là assez chrétiennement; on appelle cela faire son salut cahin­ caha.» À ce personnage extravagant, et à maints égards insoutenable, répond une écriture désinvolte qui affiche son insouciance et sa liberté.

Il s'agit d'écrire avant tout pour se faire rire soi-même : le lecteur est tant discrédité qu'il en devient superfétatoire.

Le texte protéiforme se désigne sous la plume même du narrateur comme une rhap­ sodie, rhapsodie dont le fil conducteur serait le thème de la vanité.

Et plus qu'une épine dorsale, la vanité consti­ tue la base de la pensée et donc du style marivaudien.

173. »

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