Mangeclous
Publié le 28/03/2013
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Quatre romans constituent la saga des Solal : Solal ( 1930), Mangeclous (1938), Belle du Seigneur (1968) et Les Valeureux ( 1969). Belle du Seigneur (Grand Prix de l'Académie française, 1968) est généralement considéré comme l'oeuvre la plus réussie de la série, tant par son ampleur que par la peinture fine et sans indulgence de la psychologie amoureuse. Les situations des romans de Cohen (1895- 198 1) sont nées de sa propre expérience : juif né à Corfou, il étudia à Marseille puis à Genève. Sa carrière diplomatique l'amena, tout comme Sola!, à occuper un poste important, après 1945, aux Nations Unies. L' inquiétude de l'auteur quant à la montée de l'antisémitisme apparaît très souvent dans Mangeclous. En 1988, le réalisateur Moshé Mizrahi a adapté Je roman de Cohen à l'écran. Les interprètes en étaient Pierre Richard, Charles Aznavour, Jean-Luc Bideau, Bernard Blier, Jean Carmet, Jacques Dufilho et Jacques Villeret.
«
« A cet instant surgit
silencieusement
Mattathias Solal, dit
le Capitaine des Avares ...
»
EXTRAITS
Discours misogyne de Mangeclous :
les femmes veulent de la poésie
et refusent les réalités corporelles
Elles ont si peu d'imagination que, même si
on leur dit que
le plus bel amant du monde
tire une certaine chaîne dans un certain
petit lieu, elles ne le sauront
pas .
Mais
pour ce qui est de leur
mari elles le savent, parce
qu'elles l'ont entendu tirer,
le pauvre! Mensonge, men
songe,
l'amour est fait de
mensonge ! Supposez que
cette maudite Anna
[l' Anna
Karénine de Léon Tolstoï]
qui a lâché son joli petit
enfant pour fuir avec le
dévastateur de melons,
supposez que,
par un ha
sard extraordinaire, elle ait
surpris
pour la première
fois son prince Wronsky
fonctionnant en un certain
lieu que mon esprit élégant
se refus e
à désigner plus clairement ! Eh
bien, croyez-vous qu'elle aurait eu le coup
de foudre qu'elle a eu ensuite
?
Vision satirique des fonctionnaires
de la Société des Nations
Lord Calloway se promenait tout seul avec
des tics de rêveur.
Il savourait les délices de
cette détente.
Sentant que certains délégués
prenaient leur élan
pour l'approcher, il
sortit
un petit carnet et, pour les décourager,
feignit d'écrire d'un air absorbé.
En réalité,
il pensait au
golf de demain et à la bonne
promenade qu'il ferait tout
à l'heure le lon g
du lac, seul avec son mépris de
la politique
et son amour de la métaphysique.
Le
premier délégué français, que son antique
taxi venait de ramener, se précipita affec
tueusement pour faire un brin de causette.
Ces deux bons vieux, arrivés au sommet de
leur carrière , s'aimaient bien et
ne prêtaient
guère attention au collège de petits garçons
japonais, tous commandeurs de
la Légion
d'honneur, qui s'inclinaient trop poliment.
Préambule pompeux fait par le chef
des Valeureux
-Et maintenant, Altesse, dit-il, c'est à mon
tour de me dulcifier la langue
par les
phrases de bon goût et de bel ornement.
Je
commencerai en vous disant -car
je suis
homme de bonne éducation, moi -que nous
compatissons aimablement
à votre accident
d'automobile terrible, mais, grâce
à Dieu,
non mortel .
(Coup d'œil à Saltiel et petite
toux ironique.)
Après donc
vous avoir présenté nos
bienséants vœux de guéri
son et de bonne santé ainsi
que nos souhaits mondains
de non-rupture de crâne,
ce que mon contradicteur
a oublié de faire, ayant
préféré parler de marais
putrides .
(.
..
)
Oui, après vous avoir poli
ment soumis nos souhaits
protocolaires de rétablisse
ment rapide comme l'éclair
et après vous avoir réitéré
nos affectueuses recomman
dations de faire rouler votre
superbe automobile
d'une
manière prudente et plutôt languissante,
car lorsque nous avons perdu
la vie il ne
nous reste plus rien
et nous aimons trop
Votre Altesse pour ne pas trembler à l'idée
de devoir présenter nos condoléances
à
votre cadavre, j'en viens à mon exposé
juridique.
Gallimard, 1938
« Le vieux [rabbin],
retroussant ses
manches , approuvait
par politesse en
attendant son heure de
victoire dialectique.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR D' un côté, celui des Valeureux, nous
sommes au royaume du baroque et du
comique, spectateurs de frasques dont
la
verve et le style rappellent alternativement
Cervantès , Shakespeare et Rabelais.
« Cet Albert Cohen-là sera diplomate
« Pour ces pittoresques du ghetto
céphalonien, point d'itinéraire romanesque.
Ils apparaissent, disparaissent, et, d'
un bout
à l'autre des quatre livres, demeurent tels
qu
'en eux-mêmes.( ...
) Ces figures
archétypiques ne vieillissent pas et leurs
interventions, leurs tribulations , sont
comme autant de fables ou de paraboles,
petits récits indépendants les uns des autres,
qui doivent fort peu
au contexte mais en
revanche lui fournissent des arrière-plans.
1 Gamma 2, 3 , 4 peintur es de M arc Chagall / Pro Litt e ris.
De l 'autre, nous sommes plongés au
cœur d'une société bourgeoise d'Occident ,
celle de l
'entre-deux-guerres, où les
protagoniste s so nt campés avec des
raffinements dont nulles références,
même
celles qui viennent si spontanément
à l'esprit -Balzac, Flaubert,
Proust -ne
rendent
compte.
» Hubert Nyssen, Lecture
d'Albert
Cohen, Actes Sud, 1981.
et
fera belle carrière, mais
il aura un
double onirique, avec une identité de
juif
de Céphalonie, un double qui deviendra
un géant de la littérature.
Le diplomate
s'enfoncera dans le s brumes du Nord,
Londres,
Paris, Genève.
L'écrivain est
voué à la sagesse
de
la Méditerranée,
à la légende des
Valeureux.» Gérard
Valbert,
Albert Cohen ou le pouvoir de
vivre, L' Age d'Homme, 1981.
COH EN 03.
»
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