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Nazarin - PÉREZ GALDÔS

Publié le 05/04/2013

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Nazarin constitue la première partie d'un diptyque dont la suite (Halma), parue la même année (1895), n'a pas encore été traduite en français. Les autres romans écrits à cette époque (Misericordia, L'aïeul, 1897) traitent du même thème. Parvenu à la fin de son activité créatrice, l'auteur s'attache, dans ses oeuvres ultimes, à des personnages habités par une spiritualité authentique. Il s'est toujours montré très critique visà- vis de l'Église officielle, accusée de compromissions avec le pouvoir, et les prêtres qu'il décrit sont plus préoccupés de réussite sociale que de vivre selon l'esprit de l'Évangile.

« ~- ---- -- EXTRAITS En 1959, Luis Buiiuel a réalisé une adaptation cinématographique de Nazarin, avec Francisco Rabal dans le rôle-titre.

« -Et peut-on savoir, sauf votre respect, où vous allez habillé en pauvre? -Ami, je vais à la recherche de ce qui me manque.» Révélation Il ne sortait plus de sa sombre retraite que le matin, et, par la porte de Tolède, gagnait les champs, avide de jouir de la nature, d'entendre le chant matinal des gracieux oiseaux, de respirer l'air pur et de se récréer les yeux avec la riante verdure des arbres et des prairies qui, en avril et en mai, même à Madrid, enchante et transporte.

Il allait, allait, toujours plus avant, à la recherche d'une campagne et d'un horizon plus vastes, se jetant dans les bras de la nature, du giron de laquelle il pouvait librement voir Dieu.

Combien la nature était belle, et laide l'huma­ nité ! Tantôt marchant, tantôt se reposant dans la campagne matinale, il se confirmait dans l'idée que Dieu lui par­ lait et lui ordonnait d'abandonner tout inté­ rêt mondain, d'adopter la pauvreté et de rompre ouvertement avec tous les artifices qui constituent ce que nous appelons la civilisation.

Son désir d'une semblable vie était si irrésistible qu'il ne pouvait plus le vaincre.

Vivre en pleine nature, loin des villes opulentes et corrompues, quel enchantement! Il ne concevait plus d'autre moyen d'obéir aux commandements de Dieu dont il entendait continuellement la voix.

Ce n'était qu 'ainsi qu'il deviendrait aussi pur que peut l'être un homme, qu'il réaliserait les valeurs éternelles et qu'il pra­ tiquerait la charité telle qu'il la concevait.

Portrait d' Andara Au premier abord, on aurait pu croire qu'un de ces épouvantails qui servent à protéger les cultures avait pris vie miraculeusement, et courait et marchait, telle était la ressem- blance de la fille avec un de ces mannequins champêtres.

Le temps, qui détruit les choses les plus solides, avait arraché et dissous le plâtras de fards qui recouvrait son visage, et la peau apparaissait, rougie et tuméfiée comme par un érysipèle.

Un des yeux était devenu plus grand que l'autre, tous deux laids, pas autant cependant que la bouche dont les lèvres enflées comme des hémor­ roïdes laissaient voir des gencives rou­ geâtres et une denture inégale, incomplète et par endroits cariée.

Son corps ne présen­ tait plus ni rondeurs, ni même apparences de chair ; tout était angles, saillies.

Et que dire de ses mains noires et de ses pieds mal chaussés d'espadrilles sales.

Nazario sermonne ses disciples -Eh quoi ! mes filles, tout ne peut pas être que commodités ! Si nous ne rencontrions jamais aucune occasion de souffrir, si nous n'avions jamais de mésaventures, que nous ,.

ne soyons jamais victimes de la faim, de la ~ méchanceté humaine et de la férocité des bêtes, cette vie serait délicieuse, et bien nigauds seraient les gens ~ ~~ ~ qui ne l'adopteraient pas.

'e>' ~~ ç>- Que vous êtes-vous donc ...

"':' · imaginé ? Que nous allions ., .

pénétrer dans un monde de :~' délices et d'abondance ? ~ Tant d'acharnement à me suivre, et dès que se présente la moindre occasion de souffrir, voilà que vous voulez l'esquiver! Pour ce que vous cherchez, vous n'aviez pas besoin de venir avec moi.

Et je vous dis en vérité que si vous n'avez pas assez de souffle pour gravir les côtes hérissées de chardons, et que seuls vous sourient les chemins tout fleuris de la plaine, retournez-vous-en et laissez-moi seul.

Traduction de A.

de Montmollin « ••• après avoir été tout le jour à administrer des remèdes, à laver et à retourner des malades( ••• ), il ne pensait( ••• ) qu'à aller enterrer les douze corps qui attendaient une sépulture.

,.

NOTES DE L'ÉDITEUR La traduction française de Nazarin a été publiée pour la première fois en Suisse, et le critique Ventura Gassol n'y voit pas un hasard: « Aucune autre œuvre de Gald6s n'aurait pu mieux tenter un citoyen d'un pays de Bible et de théologie que le roman de Nazarin dans lequel Gald6s nous dévoile son esprit évangélique et évangélisant, et un christianisme directement inspiré par les Écritures.

Hallucinée et hallucinante est la figure de Nazario, dont Gald6s prétendit faire une réplique, certes bien obsédante, du Christ.

» Ventura Gassol, préface de Nazarin, Éd.

La Baconnière, Neuchâtel, 1948.

le manipuler comme une chose.

Amour et compréhension dont Nazario, cet ange, littéralement, des bas-fonds, se veut l'humble et fervent protagoniste, et qui sera, bien entendu -car féroce est le royaume de ce monde soumis à la puissance et aux ordres de la puissance -bafoué, ridiculisé, rendu à l'impuissance sur ce chemin de l'antimeurtre, à jamais ouvert par le Christ, son modèle.

» Georges Haldas, Trois écrivains de la relation fondamentale, 1 Roger-Viollet 2, 3, 4 dessins de Cyril Perrin.

Edito-Service / 0.R.

« Avec son Nazarin, Gald6s tente de montrer comment la lutte contre la misère humaine, sociale, morale, ne passe pas seulement par l'engagement politique, mais qu 'elle implique, pour avoir des bases réelles, la conscience de cette éternité vivante en chaque être qui le rend objet d'amour à l'infini, de compréhension à l'infini, et qui fait qu'au nom d'aucun diktat idéologique ou étatique on ne peut Éd.

L'Age. »

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