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Pierre ou les Ambiguïtés de Melville

Publié le 27/03/2013

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melville

Le livre, publié en 1852, est dédié au mont Graylock ou mont des Titans. C'est dire si Pierre est en lutte contre les dieux et si le thème de l'inceste trouve son équivalent cosmique, les Titans étant les fils incestueux du Ciel et de la Terre. Melville s'est beaucoup identifié à son héros. Comme lui, Pierre, par sa condition d'écrivain, doit affronter l'épreuve de la page blanche et surmonter l'échec de son idéalisme.

melville

« ' ~ ~-------EXTRAITS Le divorce entre la mère et le fils Comme il [Pierr(ij montait à la chambre de sa mère, il en'téndit son pas et la rencontra surie grand palier central de l'escalier( ...

).

- Mère, retourne avec moi dans ta chambre.

Elle considéra cette apparition soudaine en dissimulant une sombre anxiété et, se redressant dans un geste de recul hautain, dit d'une lèvre tremblante: - Pierre, tu m'as refusé ta confiance et tu ne regagneras pas la mienne si aisément.

Parle ! Qu 'est -ce qui se dresse à présent entre toi et moi ? - Je suis marié, mère.

- Grand Dieu ! A qui ? - Point à Lucy Tartan , mère.

- Si tu dis seulement « point à Lucy » au lieu d'avouer à qui tu es marié, c'est qu'ils' agit d'une vile créature.

Lucy connaît-elle ton mariage ? - Je sors de chez Lucy.

Les membres crispés de Mme Glendinning s'étaient lentement détendus.

A cet instant, elle se cramponna à la rampe et demeura quelque temps ployée en deux, à trembler.

Puis elle se redressa de toute sa hauteur devant Pierre, dans son mépris et son chagrin incurieux , inapaisables.

- Mon âme sombre prophétisait de sombres événements.

Si tu n'as point encore trouvé d 'autre toit et d'autre table, va tout droit les chercher.

Sous mon toit et à ma table, celui qui fut Pierre Glendinning ne paraîtra jamais plus.

La savante alchimie des sentiments Parfois le regard secrètement attentif d'Isabelle croyait discerner qu'il [Pierre] contemplait Lucy avec une expression conforme à leurs prétendues relations de simple cousinage, mais aussi avec une autre expression , plus inexplicable encore.faite à la fois de crainte, de terreur sacrée et d'une sorte d'impatience.

( ...

) Lucy ne semblait nullement désireuse d'usurper quelque place que ce fllt aux côtés de Pierre ; elle ne trahissait aucune curio­ sité importune à son égard, aucun embarras pénible à l'égard d'Isabelle.

Néanmoins, d'heure en heure, il semblait de plus en plus qu 'elle se glissât inexplicablement entre eux sans les toucher.

Pierre sentait à présent auprès de lui une étrange influence céleste qui cherchait à le préserver de quelque malheur suprême ; Isabelle éprouvait la présence de quelque insaisissable force agissante.

Lorsqu'ils se trouvaient tous trois ensemble, la douceur et la sérénité merveilleuses, la parfaite confiance de Lucy bannissaient toute gêne, et pourtant il y avait parfois quelque gêne sous ce toit lorsque Pierre se trouvait seul avec Isabelle après qu~ Lucy les avait innocemment · quittés.

Traduit de l'anglais par Pierre Leyris.

Gallimard, 1967 « Certains cœurs hum ains recèlent un mystère sombre et Insensé qui, parfois, sous l'empire d'une humeur usurpatrice, les condu it à rejeter le lien le plus cher ...

,.

NOTES DE L'ÉDITEUR Jean-Jacques Mayoux, Melville par lui-même, Le Seuil, 1958.

déchirement entre le combat qu'il mène intérieurement contre le Monde et celui Du gest e prom éthéen à la faillite absolue «Il y a entre la première partie de Pierre, disons sa tentative, son expérience, son action, sa révolte, et la seconde partie, disons sa passion et son anéantissement, l'espace du désastre, de l'échec absolu, total, et c'est son propre échec, sans rien qui ressemble à une acceptation, que Melville mesure.

Échec littéraire( ...

).

Échec humain.

» La dissolution des ambigu ïtés « Le geste équivoque, ou plutôt la succession de gestes équivoques (dans leur intention et leurs effets) par lesquels Pierre tente de résoudre les mouvements contradictoires de ses passions, la situation dans laquelle il s'installe finalement entre Isabelle et Lucy -qui sont à présent toutes deux avec lui, proches et lointaines -, son que le Monde (la mère et le frère de Lucy) mène agressivement contre lui, entre le livre qu'il écrit et celui qu'il faudrait écrire (l 'ombre de l'infaisable livre à venir)( . ..

), ce cheminement est cheminement immobile, ou plutôt : un acheminement vers l'immobile.

» Philippe Jaworski, Melville, le désert et l'empire, Presses de l'École normale supérieure, 1986.

1 Mary Evans Picture Library (1861) I Explorer 2 grav ure de R .

H utchinson (1828), Lauros-Giraudon I B .N.

3 tab l eau de J.

Romero de T orres, Cordoue/ Giraudon MELV1LLE 04. »

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