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SIÈCLE DE LOUIS XIV DE VOLTAIRE (analyse)

Publié le 28/05/2011

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voltaire

 

Historique. — En 1732, Voltaire était mécontent du pouvoir. Il se souvenait avec amertume de son emprisonnement, il se rappelait les tristesses de l'exil en Grande-Bretagne, et il prévoyait de nouvelles rigueurs à l'occasion des Lettres anglaises dont la publication était proche. Pour se venger d'un gouvernement si peu favorable aux littérateurs et surtout à M. Arouet de Voltaire, il entreprit de critiquer le règne actuel en faisant l'éloge du règne précédent. Il communiqua son projet à Thiériot, vers cette époque, et lui - déclara « qu'achever les Lettres anglaises, revenir quelque temps au théâtre et finir par le Siècle de Louis XIV, c'était là tout le plan de sa vie «. Une rancune d'auteur vexé qui veut froisser l'oublieux Louis XV par un panégyrique de Louis XIV protecteur des arts, telle fut l'origine de cet ouvrage considérable. Et, sous couleur de parallèle littéraire, il ne devait être qu'une spirituelle satire du présent par l'apologie du passé.

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« Anecdotes, mille racontars exacts, absolument faux ou sujets à caution, que lui rapportèrent de mauvaises langues.C'est le procès de Fouquet, auquel Voltaire témoigne une indulgence excessive; le roman du mystérieux Masque defer; le terrible drame des Poisons.

C'est le tableau des fêtes et des intrigues de la Cour; les amours du roi avec LaVallière, -Montespan et Fontanges; l'histoire de Mme de Maintenon et de sa prodigieuse bonne fortune.

Ce sontenfin, sur Louis XIV lui-même, après la relation de sa mort, nombres d'anecdotes qui permettent à Voltaire de louerce prince et de le déclarer « bon père, bon maître, toujours décent en public, laborieux dans le cabinet, exact dansles affaires, pensant juste, parlant bien et aimable avec dignité ».

Quatre chapitres suffisent à peine pour jeterpêle-mêle ces historiettes grâce auxquelles il espérait donner du piquant à cette oeuvre d'apparence un peu sévèreet s'attirer l'attention des lecteurs mondains ou frivoles (C.

XXV à XXVIII).Revenant ensuite à des sujets plus importants et plus graves, Voltaire consacre six autres chapitres à la Justice, auCommerce, à l'industrie, à l'Armée et à la Marine, aux Finances, aux Sciences, aux Belles-Lettres, aux Beaux-Arts;et ce sont assurément ces pages que nous goûtons aujourd'hui le plus dans ce gros livre d'histoire (C.

XXIX àXXXIV).

Enfin, le philosophe, montrant le bout de l'oreille, s'occupe longuement des affaires ecclésiastiques, destentatives pour constituer une Église gallicane, du Calvinisme ah temps de Louis XIV, du Jansénisme, du Quiétisme,en présentant les choses non sans perfidie ou en lançant avec adresse des épigrammes acérées ; et il termine cetteoeuvre immense, d'une façon assez bizarre et assez plate, par des considérations sur le rôle des missionnaires enExtrême-Orient et sur certaines cérémonies de la Religion chinoise (C XXXV à XXXIX).

— Et, à vol d'oiseau, tel est leSiècle de Louis XIV, le plus grand livre d'histoire moderne qu'on eût écrit, en France, jusqu'à ce jour.

Etude littéraire : la composition du livre. — S'il est une chose bien évidente, c'est qu'au xvIIIe siècle l'art de composer un ouvrage avec ordre et avec méthode semble tout à fait perdu.

Buffon, que guide l'esprit scientifique,et Rousseau, dominé par le désir de convaincre, seront presque seuls alors à rechercher dans une oeuvre l'ordrelogique et à bien en équilibrer toutes les parties.

Mais, dans les Considérations et dans l'Esprit des lois, on voudraitplus de proportion entre les différents chapitres ou plus d'habileté dans l'ensemble du livre.

Et, si Montesquieus'attire à bon droit de telles critiques, à plus forte raison Voltaire mérite-t-il qu'on lui reproche d'avoir si lâchementcomposé son Siècle de Louis XIV.« C'est un livre sans plan, un char mal attelé que les chevaux tirent en tous sens, au risque de le faire verser.

»Ainsi parlait, au xviiie siècle, l'historien anglais Gibbon.

Depuis lors, on a réédité souvent, sous des formes diverses,ce jugement d'un confrère que dans la circonstance la jalousie n'aveuglait point.

« Il n'y a point de centre, ditFerdinand Brunetière, à cette galerie de tableaux si vivants.

» Et rien n'est plus exact.

Après le récit des guerres deLouis XIV, que vient faire cet amas de « particularités et anecdotes » qui auraient dû trouver place en d'autreschapitres ou être résolument sacrifiées? L'auteur nous a montré jusqu'alors la France militaire du XVIIe siècle.

Il seprépare à nous faire admirer l'activité industrielle, commerciale, littéraire, artistique et scientifique descontemporains du grand roi.

Et que met-il au milieu de son livre? des commérages, intéressants, nous l'avouons ;mais des commérages !...

De même, est-il admissible qu'un ouvrage de cette valeur se termine par un chapitre où ilest question des « disputes sur les cérémonies Chinoises » ? Un jugement général sur le règne, un éloge du roi quiaccomplit de pareilles choses, un bilan exact de la situation du pays en 1715, voilà ce qu'on espérait.

Mais Voltaireest trop préoccupé de mille autres choses pour songer à cette conclusion ..,4écessaire, qui demanderait beaucoupde réflexions.

Le poète latin Horace nous parle d'un beau buste de femme se terminant en un poisson peu gracieux.C'est l'image parfaite du Siècle de Louis XIV, qui finit vraiment tout à fait mal, et qui perd, par cela même, beaucoupde son mérite littéraire ainsi que de sa valeur philosophique.Chose plus grave, dans chaque chapitre de l'ouvrage considéré isolément, il n'y a guère plus d'ordre que dansl'ensemble du livre.

Prenez, part exemple, le chapitre XXIX, un des plus intéressants, vous serez étonné de voir avecquelle désinvolture et quel dédain de toute liaison l'historien passe du Commerce et de l'Industrie à la Police; decelle-ci à l'Architecture ; puis, par un saut assez brusque, de l'Architecture à la Jurisprudence et à l'Armée.

Parfois ilaura la coquetterie d'essayer une transition et, après nous avoir parlé de la réforme des lois, au moment de nousénumérer toutes les améliorations apportées par le roi dans les choses militaires, il usera de cette formule : «Législateur de ses peuples, il le fut de ses armées ».

Mais c'est une concession qu'il nous fait, et, généralement, iln'essaie même pas de donner le change.

Presque au début du chapitre, il énumère en moins de vingt lignes ce quiconcerne la réduction des tailles, la fondation des hôpitaux et la réfection des grandes routes.

Quant à la fin de cechapitre XXIX où tout se heurte : histoires de conspirations, éloge de la vie de société, procès d'empoisonneuses,remarques sur le costume des différentes classes, splendeur de Paris, c'est un vrai chaos I Avec son fier dédainpour toute savante ordonnance, Voltaire termine même ici par un paragraphe qui aurait dû être la conclusion du livreentier.

Et c'est une constatation décisive qui nous dispensera d'insister plus longuement sur la composition dans leSiècle de Louis XIV. Voltaire historien.

— Un livre assez mal composé : tel nous apparaît l'ouvrage.

Un bon livre d'histoire à.

cette époque, voilà ce qu'il est réellement; et il nous permet de noter les qualités et les défauts de Voltaire historien.

Lesidées de notre philosophe sur le genre ne sont peut-être pas aussi neuves qu'elles le parurent au XVIIIe siècle; carFénelon avait émis dans la Lettre à l'Académie nombre d'idées qui furent reprises par Voltaire, Mais celui-ci eut lemérite de réaliser ce qui était pure théorie chez l'archevêque de Cambrai et, par des oeuvres évidemmentimparfaites, de tracer la voie qu'il fallait suivre aux historiens de l'avenir.Pour l'auteur du Siècle de Louis XIV, si on veut étudier l'histoire « sans dégoût », qu'on-ne se charge point lamémoire d'une foule d'incidents inutiles.

« Malheur aux détails ! écrivait-il le 30 octobre 1738 à l'abbé Dubos, c'estune vermine qui tue les grands ouvrages! » Dans cette infinité d'événements, relatifs souvent à de petits intérêtsqui ne subsistent plus aujourd'hui, il faut « se borner et choisir ».

Or ce qui mérite d'être choisi, c'est « l'esprit, lesmoeurs, les usages des nations principales, appuyés de faits qu'il n'est pas permis d'ignorer ».

Plutôt que de répéter,. »

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