Devoir de Philosophie

VERLAINE: Poèmes saturniens (Fiche de lecture)

Publié le 22/11/2010

Extrait du document

verlaine

«À nous qui ciselons les mots comme des coupes

Et qui faisons des vers émus très froidement,

À nous qu'on ne voit point les soirs aller par groupes

Harmonieux au bord des «lacs« et nous pâmant [...]«

 

verlaine

« Mais ces emprunts et ces impertinences (le «coup de griffe» à Lamartine et à son «Lac» en conclusion du recueil)ne sont que le cadre, un peu tapageur, d'une série de poèmes où Verlaine, d'emblée, affirme son irréductibleoriginalité. 2.

LA VERSIFICATION MINÉE DE L'INTÉRIEUR FORMES BRÈVES À côté des grands tableaux où se déploient réminiscences exotiques à la Heredia (cf.

le début de «Nocturneparisien») et espagnolades baroquisantes dans le goût de Théophile Gautier («La Mort de Philippe II»), surgissent desubtils chefs-d'oeuvre qui n'ont rien à voir avec eux, dans «Melancholia» et dans «Paysages tristes». Saturniens, ces poèmes le sont, par la mélancolie qu'éveillent le souvenir du passé («Nevermore», «Après troisans»), la nostalgie d'un rêve («Mon rêve familier»), l'atmosphère d'une heure («Soleils couchants») ou d'une saison(«Chanson d'automne»).

Ils contiennent la plupart des thèmes sur lesquels le poète ne cessera plus de composerdes variations : la prédilection pour l'automne, le désir d'être enfin «compris» par autrui, la recherche «de la musiqueavant toute chose».

Dans ces quelques poèmes, enchâssés parmi les feux plutôt factices des oeuvresparnassiennes, on peut entendre la «petite musique» de Verlaine comme un discret défi aux règles traditionnelles dela versification. LICENCES POÉTIQUES Verlaine, le premier, tire tous les effets possibles d'un certain nombre de procédés, jusqu'alors irréguliers ou mineurs.Ainsi, l'emploi étendu de la rime féminine (en «e» muet) comme dans le premier quatrain de «Nevermore», quicontribue à assourdir les sonorités et qui imite un soupir étouffé. Verlaine allège la syntaxe et la limite parfois à une succession de conjonctions de coordination (cf.

dans «Mon rêvefamilier», les répétitions de «et»).

Il écrit par retouches comme s'il voulait nuancer indéfiniment sa pensée (dans soncélèbre «Art poétique» il prônera «la Nuance, rien que la nuance»).

Ce procédé s'accompagne d'un usagesystématique de la répétition (de sons, de mots, d'images).

Tout le poème «Soleils couchants» est bâti sur le retourdu titre à l'intérieur des vers, créant ainsi un refrain qui semble ne devoir jamais cesser. Enfin, dès ses Poèmes saturniens il ose le vers impair: «Soleils couchants» est entièrement composé de vers de cinq syllabes et chacune des strophes de «Chanson d'automne» s'achève par un vers de trois syllabes.

L'impair donneaux poèmes une allure légèrement «boiteuse» dont le charme persiste longtemps dans la mémoire. Tous ces effets tendent à donner au vers une souplesse et une musicalité plus grandes.

Si Baudelaire était restéencore très «classique» dans la facture de ses Fleurs du mal, Verlaine, pour sa part, n'hésite pas à miner la versification de l'intérieur en quelque sorte.

Ses tentatives préludent à la complète dissolution du carcan métrique età l'invention de ce que l'on appellera «le vers libre».

Il faut noter que le premier poème en vers libres de notrelittérature sera composé quelques années plus tard par Rimbaud («Marine», dans Les Illuminations), dont on sait les liens qui l'unirent à Verlaine. 3.

UN LYRISME IMPERSONNEL Ces chefs-d'oeuvre isolés ne sont pas complètement dépourvus de rapports avec les poèmes plus traditionnels quiles entourent.

La mélancolie est le prétexte affiché pour réunir ces textes disparates.

Mais, au-delà du climat danslequel ils baignent, ces poèmes entretiennent des relations plus secrètes.

Au nom de l'esthétique du Parnasse,Verlaine se moquait des émules de Lamartine «se pâmant» au bord des lacs.

La sensibilité romantique était rejetéeau profit d'une sorte de stoïcisme intellectuel qui faisait profession d'impassibilité.

L'attrait de l'ancienne école pourles paysages paraissait d'un pittoresque douteux.

Malgré ses déclarations fracassantes, Verlaine ne renie ni lanature, ni la confidence.

«Nevermore», «Après trois ans», sont des poèmes du souvenir, «Mon rêve familier» nouslivre l'ardent désir d'être compris et aimé, «Chanson d'automne» est l'effusion d'un cœur solitaire et «Soleilscouchants», un paysage. Le lyrisme n'est donc nullement étranger à Verlaine.

Mais, sous l'influence du Parnasse, il l'a complètementtransformé.

Il lui applique le même traitement que celui qu'il inflige à la versification traditionnelle : il le désagrègepar l'imprécision.

Nul détail ne vient concrétiser le souvenir évoqué dans «Nevermore», qui flotte dans le vague,comme «les cheveux et la pensée au vent» ; la femme de «Mon rêve familier» reste inconnue ; et la seule pièce quiabonde en éléments décoratifs, «Après trois ans», trace en creux l'absence de l'essentiel : le bonheur passé surlequel rien n'est dit. Ce parti pris d'imprécision va de pair avec une généralisation impersonnelle où chacun peut retrouver ses impressionsparticulières.

L'emploi du pluriel, si fréquent chez Verlaine, concourt à créer cet effet (cf.

dans «Soleils couchants»où toute référence à un paysage précis s'abolit et où se rassemblent tous les couchants possibles ; dans «Mon rêvefamilier», «l'inflexion des voix chères qui se sont tues»). Dans le «lyrisme impersonnel» de Verlaine s'unissent une influence certaine de la poésie de son temps et unerecherche musicale nouvelle dont la profonde originalité ne s'est jamais démentie.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles