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843 : Traité de Verdun

Publié le 22/02/2012

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Par ce traité, le partage de l'empire entre Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve est consacré. On s'accorde à y voir la base juridique de l'indépendance du royaume de France.

« conscients de la nécessité d'une entente durable pour faire face au péril commun que représente Lothaire , ils concluent, dans des conditions d'une exceptionnelle solennité, une alliance défensive sous la forme d'un échange de serments (qui passeront à la postérité sous le nom de "serments de chacun des deux frères jure publiquement -Louis en langue romane (c'est -à-dire en français) pour être compris des soldats de Charles, et Charles en langue germanique pour être compris des soldats de Louis- de soutenir sans défaillance son partenaire et de ne traiter qu'avec lui ou avec son accord .

• Ainsi , pour la première fois peut-être , les peuples sont pris officiellement à témoin d'engagements contractés par des souverains dans une langue intelligible par tous.

Les serments de Strasbourg consacrent la naissance des langues française et germanique.

LA PltPAIIATION DU TlAITt • Au lendemain des serments de Strasbourg, Lothaire (replié au palais de Sinzig, près de Coblence) repousse les offres de négociations faites par ses frères (mi-mars 841).

·Ces derniers décident alors d'en finir .

Le 18 mars, ils entrent à Coblence , franchissent la Moselle et s'ouvrent la route de Sinzig.

d'où Lothaire décampe le lendemain (19 mars) , suivi de près par ses poursuivants, d'abord en direction d 'Aix-la-Chapelle, puis vers le sud.

• Louis et Charles occupent alors Aix-la-Chapelle (d'où Lothaire s'est enfui avec , dans ses bagages , les trésors impériaux).

Les deux frères font appel à l'Église, réunissent un concile pour délibérer sur le sort de l'Empire.

L'assemblée prononce la déchéance de Lothaire et, après s'être assurée que Louis et Charles sont prêts à gouverner, les invite à recueillir la succession vacante et à se la partager .

• C'est dans ses circonstances que Lothaire (réfugié à Lyon) affirme, courant avril , sa volonté de paix en vue d'être associé au partage qui se profile .

• En juin , les trois frères se réunissent près de Macon , sur la Saône, et prennent la décision de diviser l'Empire sous la forme d 'une tripartition .

Un tel partage va nécessiter des pourparlers laborieux ainsi qu'une enquête en vue de dresser l'inventaire des biens et revenus de l'Empire.

Il s 'agit avant tout de se partager une masse d 'églises , d'abbayes, d'évêchés, de comtés, de droits et de domaines, ce qui signifie aussi , nécessairement.

des transferts de fidélités, puisque chaque vassal ne peut tenir bénéfice que d'un seul roi.

• Cet inventaire et les discussions qu'il implique s'effectuent dans un contexte éprouvant : attaques des Sarrasins en Italie et en Provence; famines; révoltes en Aquitaine et en Bretagne (où le comte de Vannes , Nominoé, défie le pouvoir carolingien en assassinant notamment son représentant légal, Renaud, duc de Nantes).

Ces événements se doublent d'un autre que ces derniers commencent à attaquer systématiquement l'Empire carolingien , en particulier ses côtes occidentales, facilement accessibles et à l'attirante richesse .

L'attaque de Nantes , le 14 juin 843, au cours de laquelle l'évêque est tué et la ville entièrement ravagée , marque particulièrement les esprits de l'époque.

• Les négociations vont de plus être ralenties par les prétentions de Lothaire, qui exige plus que ce que lui offrent ses frères .

Tant et si bien qu'il faudra plus d'un an d 'aigres discussions et de multiples conférences entre les délégués des copartageants pour transformer l'accord de principe de juin 841 en un accord définitif .

• Cet accord est scellé lors d'une Verdun , le 8 août 843.

Traité de Verdun qui, en dépit des remaniements ultérieurs, restera longtemps la charte territoriale de l'Europe .

CLAUSES ET DISPOSITIONS DU TRAITt L'ensemble des territoires composant l'Empire est réparti en trois lots réputés équivalents.

Les clauses de cet accord, qui a dû être consigné par écrit mais dont le texte original n 'a pas été conservé , sont les suivantes : • Charles reçoit tous les territoires situés à l 'ouest de la ligne Escaut­ Meuse-Saône-Rhône , qu'il possède déjà depuis 839 : à savoir la Francie occidentale , encore désignée sous le nom de Gaule dans les textes.

La part de Charles comprend notamment l'Aquitaine et la Septimanie jusqu'au comté de Barcelone .

• Louis obtient "tout ce qui est au­ delà du Rhin» , donc toute la partie orientale de l'Empire (Francie orientale ou Germanie, d'où le surnom de Louis" le Germanique») .

Cette part comporte la Bavière (dont Louis est roi depuis 814) , les provinces d 'Aiémanie et de Franconie , ainsi que la Saxe .

Il faut y ajouter un territoire situé sur la rive gauche du Rhin , avec les évêchés de Spire, Worms et Mayence , où se trouvent les résidences impériales .

• La part de Lothaire se trouve enserrée entre les parts de ses deux frères .

Cette "Fran cie moyenne », partie médiane de l'Empire, court de la Frise à la Provence .

Elle comprend ce qui sera plus tard la Lotharingie (entre Metz et Aix-la-Chapelle) ainsi que l'Italie jusqu 'à Spolète.

La particularité du lot de Lothaire est à la fois d'inclure la capitale politique de l'Empire (Aix­ la-Chapelle ) et de ceinturer les États du pape , où se trouve Rome .

Lothaire conserve le titre d'empereur, mais ce titre n 'est valable que sur ses territoires.

De fait.

le titre d 'empereur devient largement fictif en 843, d'autant que la part de Lothaire apparaît comme la plus fragile , étant donn é sa configuration : «coincée >> entre la Francie orientale et la Francie occidentale , étroite tout en étant démesurément allongée .

Tout semble laisser prévoir une future dislocation (qui aura lieu dès la génération suivante ).

SIGNIFICATION ET POITtE DU TRAITt • Le tr11it• de Verdun consacre la fin de l'Empire de Charlemagne, le triomphe du principe des partages sur le principe unitaire .

À une entité unique succèdent trois royaumes théoriquement égaux et indépendants .

Le titre impérial de Lothaire n'est plus qu'honorifique .

• Il est vrai que le système de Charlemagne ne paraissait pas viable à long terme : l'immensité de l'Empire (15 millions d'habitants , 1 100 ooo km'), l 'absence d 'unité ethnique et culturelle ne pouvaient qu'entraîner l'émergence de forces centrifuges et de particularismes régionaux .

• Pourtant, par certains aspects , le partage de Verdun semble avoir fait peu de cas des langues et des cadres historiques.

Ainsi , le domaine de Lothaire, le plus délicat à déterminer , comporte deux zones linguistiques; l'ancienne Burgondie est divisée entre Charles et Lothaire ; l'ensemble Alémanie -Aisace , entre Lothaire et Louis.

De même, le tracé des frontières tient compte des desiderata de certa ins vassaux, grands seigneurs souhaitant rester au service de tel ou tel souverain sans avoir à migrer .

• Ainsi, le partage de Verdun est avant tout un règlement de famille au sein duquel la répartit ion équitable des vassaux au service de chacun des trois frères semble bien l'emporter sur le souci d'homogénéité des peuples .

• Toutefois, par d'autres aspects , il faut remarquer que les parts taillées à Verdun le sont de manière à régler aussi raisonnablement que possible entre les trois frères la succession de l'empereur défunt.

Des considérations de convenance politique et personnelle semblent avoir été ici prises en compte : on ne pouvait pas plus séparer les uns des autres la plupart des pays germaniques réservés à Louis qu'on ne pouvait en contester sérieusement l'attribution à ce dernier .

Les serments de Strasbourg prouvent qu'on avait déjà pris conscience de leur étroite parenté linguistique , et leur soumission à Louis était un fait acquis depuis plusieurs années au moment où le traité de Verdun fut conclu.

• En ce qui concerne le royaume réservé à Charles, à l'ouest , si les frontières orientales en étaient plus que contestables et si l'Aquitaine restait rebelle, il était hors de doute qu'historiquement et linguistiquement il formait lui aussi un bloc dont les événements des années passées rendaient difficile l'attribution à tout autre que Charles .

Ainsi , par exemple, les vassaux de ce dernier parlaient -ils tous le roman (de même que ceux de Louis parlaient tous le tudesque) .

• De fait, on peut raisonnablement avancer que la France naquit en 843 au moment du traité de Verdun, que nombre d'historiens considèrent comme le premier grand traité européen , même si la complexité des problèmes à résoudre explique l'étrangeté apparente du statut territorial qui y a été élaboré : il a fallu concilier trop d 'intérêts divergents , satisfaire trop d'ambitions contradictoires, notamment celles de Lothaire , dont la sincérité reste douteuse et dont le désir trop visible est de se ménager les moyens de repartir à la conquête de l'Empire au détriment de ses deux frères .

• Pourtant, avant de se séparer , tous trois jurent solennellement la paix sur les bases territoriales qui viennent d'être fixées , et leurs fidèles confirment ce serment, dont le texte est ensuite transmis au pape.

lA PLACE DE L'ÉGLISE • Lothaire, Louis et Charles , encouragés par l'Église, réussissent dans un premier temps à surmonter leurs querelles pour faire face au fléau des invasions vikings .

Toutefois, cette entente s'avère peu efficace, et les rivalités reprennent rapidement le dessus : périodiquement, l'un des frères n'hésite pas à s 'entendre avec les Vikings contre un autre .

• Dans ce contexte , qui fait suite au désarroi où s'abîme l'Empire depuis 833, l'Église apparaît comme seule capable de sauvegarder l'unité du peuple chrétien dont.

par le traité de Verdun, les fils de Louis le Pieux viennent de se partager le gouvernement À défaut d 'un empereur ayant autorité sur toute la chrétienté , l'Église et son chef deviennent les dépositaires de l'idée que cet empereur avait jusqu 'alors incarnée.

LE PACTE DE COULAINES • En fait, c'est moins la papauté que le haut clergé , et spécialement celui du royaume de Francie occidentale, qui assume de prime abord ce rôle de défenseur de l'union à tout prix pour la sauvegarde de la civilisation chrétienne.

• En novembre 843, l'épiscopat franc , lors d'une tc assemblée des grands » (évêques et grands aristocrates laïcs) tenue à Coulaines, près du Mans, propose au jeune roi un texte que celui -ci, bon gré mal gré, accepte de promulguer aussitôt.

• À travers ce "pacte de Coulaines» , les grands du royaume réitèrent leur fidélité au souverain , mais celui-ci s'engage , en échange, à leur garantir leurs privilèges.

• Le premier point de l'accord concerne les hommes d 'Église : "Les ministres et serviteurs de Dieu obtiendront les garanties ecclésiastiques et privilèges qui leur sont dus.» La propriété des biens cléricaux se voit donc garantie contre tout empiétement qui pourrait être opéré par des laïcs , voire par le souverain lui-même .

Les grands aristocrates se voient garantir les charges qui leur ont été confiées , ainsi que les rémunérations qui les accompagnent (terres et revenus).

• Ce qui apparaît ainsi clairement, c'est que les grands du royaume de Francie occidentale lient leur reconnaissance de la légit imité monarchique au respect de leurs droits et privilèges , qu'ils jugent inaliénables .

Cela n'a plus rien à voir avec la conception de Charlemagne d'une pyramide vassalique aboutissant à ce seigneur suprême , l'empereur .

• Ainsi , l'année 843, qui marque la fin de l'unité politique de l'Occident chrétien à travers le traité de Verdun , voit également s 'accélérer les mutations sociales qui s'étaient dessinées au cours des années précédentes.

Si le christianisme demeure toujours un ciment social majeur , la dislocation politique en cours de l'Empire carolingien favorise l'ascension des aristocraties locales.

La seconde moitié du IX' siècle ne fera qu'accentuer cette tendance, comme le montrera l'avènement des principautés territoriales.

L'ère "féodale, verra alors le jour .. »

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