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Alcuin

Publié le 27/02/2008

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alcuin
vers 730-804 Traduisant un sentiment très répandu, nombreux sont les historiens qui, s'essayant à caractériser le rôle joué par Alcuin auprès de Charlemagne, ont vu en lui, outre un "conseiller très écouté", un "directeur de conscience" et un "maître à penser", un "homme d'État" en général et, plus hardiment, un "ministre des Cultes", un "ministre intellectuel", voire un "ministre des Affaires culturelles". Sans insister sur les illusions que ce vocabulaire moderne appliqué aux institutions carolingiennes n'a pas manqué d'entraîner, on peut tenter, derrière les mots, d'atteindre les réalités. Mieux qu'une biographie ancienne trop hagiographique, l'oeuvre écrite d'Alcuin, et surtout sa correspondance, le recueil des capitulaires de Charlemagne et les renseignements épars dans l'historiographie du temps justifient, à tout le moins, une tentative pour déterminer selon qu'elle acception et dans quelles limites Alcuin mérite d'être considéré comme un homme d'État.
alcuin

« d'Aix-la-Chapelle.

En 796, renonçant à l'Angleterre où sévit la guerre civile après l'assassinat du roi de NorthumbrieEthelred (avril) et la mort d'Offa, roi de Mercie (juillet), Alcuin reçoit l'abbaye de Saint-Martin de Tours, lieu depèlerinage prestigieux, au centre d'un patrimoine foncier sans égal.

Alcuin pourra y donner libre cours à son appétitde réforme, sans grand succès à la vérité.

Les moines obéissent mal à celui qu'ils considèrent comme un étranger.Ses exigences morales, liturgiques et intellectuelles leur paraissent excessives.

Alcuin trouve sa consolation dansune activité littéraire soutenue — jamais il n'a autant écrit — dans la correspondance étendue qu'il entretient avecle plus varié des publics, dans les visites enfin qu'il reçoit de ses nombreux amis d'Angleterre, de la cour et del'étranger.

Charlemagne, en tournée d'inspection, se rendra en mai-juin 800 à Tours et le ramènera avec lui à Aix-la-Chapelle pour siéger à un concile où l'adoptianisme, en la personne de Félix d'Urgel, devait être une fois encoreévoqué.

Il est bien évident que dans leurs entretiens le voyage qu'allait entreprendre Charlemagne à Rome et quidevait aboutir, le 25 décembre 800, à la restauration du titre impérial au profit du roi des Francs, a dû tenir autant,sinon plus de place que la vieille querelle adoptianiste.

Là encore, les lettres, en un temps où l'essentiel était confiéà leurs porteurs, sont muettes, et l'on peut seulement penser que, rentré à Tours, Alcuin dut suivre de loin avecattention les cérémonies qui se déroulaient sous les yeux de ses amis Arn de Salzburg, Riculf de Mayence etThéodulf d'Orléans.

Une lettre de la sœur de l'empereur, Gisèle, et un rapport verbal de son ami Wizzo le mettront aucourant des événements.

Alcuin trouva une dernière occasion d'exprimer sa conception de l'empire chrétien dans lesdédicaces à Charlemagne de deux traités sur La Trinité et le Saint-Esprit (802).

Son temps était passé : à la cour,les Irlandais avaient supplanté les Anglo-Saxons, et, dans un conflit avec l'évêque d'Orléans, Théodulf, en 802,Charlemagne, au vu d'une enquête menée sans égard, lui avait sèchement donné tort (Epist.

247).

Alcuin s'éteignitle jour de la Pentecôte, 19 mai 804. Dans cette longue existence, on ne saurait parler de carrière ecclésiastique et encore moins de carrière civile :Alcuin n'a occupé aucun office de cour et, s'il a bénéficié de quelques prébendes — Saint-Loup de Troyes etFerrières-en-Gâtinais à son arrivée, Saint-Martin de Tours à la fin de sa vie — celles-ci ne lui ont donné aucunmoyen d'action.

Son existence a été celle d'un maître qui a eu la chance de rencontrer un élève exceptionnel, avecles aléas que comporte, pour un théoricien, l'obligation de passer par un intermédiaire du domaine des idées à celuide la pratique.

Il y a eu certes convergence de vues, mais Alcuin n'a jamais dépassé le rôle de conseiller que, dèsl'origine, lui a assigné Charlemagne.

Ses suggestions ont été souvent entendues : une partie seulement en a étéretenue.

Un exemple est à cet égard significatif.

Alcuin avait été choqué par les méthodes expéditives employéespour convertir les Saxons, plongés, dès la fin des combats, dans l'eau du baptême : Alcuin rappela qu'il étaitindispensable de les instruire d'abord des vérités chrétiennes et de ne les baptiser qu'ensuite (Epist.

110).

Comptefut tenu de ces observations dans les capitulaires de 797 et 802, en progrès sur celui de 782, mais Alcuin exigeaitune triple immersion : une seule parut suffisante...

On a relevé des parallélismes entre le style d'Alcuin et celui descapitulaires ou des mandements officiels : la pensée d'Alcuin est néanmoins passée par le moule du formulaire de lachancellerie où elle a perdu une partie de sa substance pour acquérir une fermeté, une dureté quelquefois, qui luiétait étrangère.

Quand Charlemagne a accueilli Alcuin, son choix essentiel était fait entre la culture latine et legermanisme, restait à en tirer toutes les conséquences : c'est alors qu'intervinrent les experts, comme nous dirionsaujourd'hui, choisis avec éclectisme dans tous les pays où avaient survécu les arts libéraux.

Alcuin fut l'un d'eux, leplus instruit.

Il mit à la disposition du souverain les conclusions qu'il avait tirées de l'étude des classiques, de la Bibleet des Pères de l'Église.

Un programme d'humanisme chrétien, car la rectitude de la pensée présuppose la correctionde l'expression, s'ensuivit, à une date malheureusement incertaine (entre 784 et 800), dans le fameux rescrit delitteris colendis auquel font écho quelques articles de l'admonitio generalis de 789.

L'esprit autoritaire qui animaitCharlemagne dans la remise en ordre des structures administratives de l'État se mua tout naturellement en unesorte de dirigisme intellectuel quand il entreprit la réorganisation liturgique de l'Église selon l'ordo romanus danslequel avait été élevé Alcuin.

Charlemagne avait demandé à Paul Diacre de compiler un homiliaire type qu'ilimposerait dans le royaume : il pria Alcuin de refondre le sacramentaire grégorien, de réviser le lectionnaire et depurger le texte de la Vulgate des impuretés qui s'y étaient glissées.

Les controverses sur le culte des images avaientfourni l'occasion au roi de donner au pape des leçons discutables dans ce qu'on appelle les libri carolini (vers 791),dont paraît finalement être responsable Théodulf, et non Alcuin.

Par contre, dans trois opuscules contre Félix d'Urgelet une réfutation des thèses d'Elipand de Tolède fondés sur un solide dossier patristique et sur de bons argumentsthéologiques, Alcuin soutint l'autorité de Charlemagne défiée par les adoptianistes. Au fur et à mesure de l'extension du royaume par ces guerres toujours recommencées dont souffrait cependant soncœur habité de l'idéal de paix chrétienne : quid populo profitiat christiano ?, au spectacle de la renaissance dusavoir et des arts, de la réussite sur le plan matériel comme sur le plan moral de la réforme ecclésiastique, enconstatant cette "compénétration du temporel et du spirituel", a-t-on dit, qui s'opérait visiblement, Alcuin,retrouvant dans ses souvenirs bibliques l'image du roi David et dans sa mémoire le portrait augustinien de l'empereurchrétien, se convainquit de jour en jour qu'il était temps d'accorder la théorie à la réalité en rétablissant en droitl'Empire qui s'était reconstitué de fait.

Un pape déconsidéré dans la chaire de saint Pierre et, au même instant, unefemme sur le trône de Byzance : autant de facteurs favorables et de signes providentiels.

Jusqu'au dernier moment,Charlemagne paraît avoir hésité et les flottements qu'on a constatés dans l'ordonnance de la cérémonie du 25décembre 800 témoignent de ses incertitudes.

La correspondance d'Alcuin, son traité des vices et des vertus àWido, sa rhétorique, véritable miroir des princes, attestent au contraire qu'Alcuin n'a cessé de développer etd'affermir sa conviction qu'en Charlemagne revivait l'empire de Constantin.

Les lendemains du couronnementdevaient lui donner raison et c'est en souverain sûr de lui que Charlemagne rappela en 802 qu'il entendait être obéi,même par son vieux maître : si amer qu'il parût, c'était un triomphe pour l'éducateur. On a coutume de dire que ce fut une chance pour Charlemagne d'avoir su retenir à sa cour un homme tel qu'Alcuin.On soutiendrait tout aussi bien que la chance d'Alcuin fut de trouver en Charlemagne un tel interprète.

Alcuin avait. »

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