Calcutta
Publié le 24/12/2018
Extrait du document
UNE METROPOLE En CRISE DE DEVELOPPEMENT
Capitale prospère de l'empire des Indes britanniques jusqu'en 1911, Calcutta - officiellement rebaptisée Kolkata en 1999 - est aujourd'hui la capitale surpeuplée du Bengale-Occidental. Avec 4,76 millions d'habitants intra-muros et 14 millions pour l'agglomération, la deuxième plus grande ville d'Inde après Bombay porte le lourd héritage de la situation politique passée et concentre les difficultés des villes du monde en développement. Située au bord de l'Hoogly, un bras du delta du Gange, à quelque 120 km du golfe du Bengale, Calcutta n'a pu absorber les centaines de milliers de réfugiés indiens issus de la Partition de 1947 et de la guerre d'indépendance du Bangladesh en 1971. Elle est ainsi devenue le symbole répulsif de la misère du tiers-monde, en dépit de son dynamisme culturel. Elle tente aujourd'hui d'enrayer son déclin par une politique économique active.
UNE NAISSANCE SOUS LE SIGNE DU COLONIALISME
Au débouché de la plaine du Gange, l'une des régions les plus peuplées et les plus actives du sous-continent indien, le Bengale entretient dès la seconde moitié du Ier millénaire avant notre ère des relations diplomatiques et marchandes avec la Grèce, la Perse et la Chine, Ceylan (Sri Lanka), Sumatra et Java. Passé sous contrôle musulman au xiiie siècle, le Bengale est au XVIe siècle, sous les moghols, une région prospère. Dès le début du xvie siècle, les Portugais y installent un comptoir, le long de la rivière Hoogly vite imités par les Français
- qui s'installent à Chandernagor -, les Hollandais et les Britanniques. En 1690, Job Charnock établit une factorerie pour le compte de la Compagnie anglaise des Indes orientales, dans le village de Sutanati, proche de ceux de Govindapur et Kalikata. Ces trois villages sont réunis en 1698 en une seule cité, Calcutta, placée sous le contrôle de la Compagnie. Un fort, nommé William en hommage à Guillaume III, roi d'Angleterre, est bâti pour défendre la place.
L'essor de Calcutta ne commence véritablement qu'en 1757, après la victoire remportée par les Anglais sur le nabab du Bengale, qui avait enlevé un an plus tôt le fort William - où
périrent 113 des 146 résidents anglais. La bataille de Plassey, menée par l'amiral Watson et Robert Clive, qui dirigeait Madras, restitue Calcutta aux Anglais et leur assure une domination surtout le Bengale.
Une nouvelle étape est franchie le 12 août 1765 : après avoir battu les forces alliées du nabab du Bengale et de l'empereur moghol Shah Alam, les Anglais obtiennent de ce dernier de collecter les impôts au Bengale, mais aussi en Orissa et au Bihar.
La capitale du Rai
Point d'ancrage de la domination anglaise au Bengale et dans la plaine du Gange, Calcutta est élevée en
1773 au rang de capitale de l'Inde britannique, date à laquelle elle compte quelque 100000 habitants, puis devient celle de l'empire britannique des Indes - le Raj -proclamé en 1858. La ville - et l'agglomération qu'elle forme avec le chapelet de cités bordant l'Hoogly -grandit et prospère grâce aux productions de l'arrière-pays : indigo, coton et jute. Des manufactures sont installées, qui traitent en partie ces matières premières; l'industrie métallurgique se développe à partir du fer et du charbon exploité dans le nord-est de l'Inde; elle entraîne la création d'autres industries, dont la chimie. L'investissement dans le Raj est favorisé par l'implantation à Calcutta de sociétés de gérance ayant par ailleurs des activités bancaires.
UN TOVEl DE CONTESTATION
Capitale politique et économique, c'est aussi une capitale culturelle, où l'élite bengalie tente de concilier les héritages de l’Orient et de l'Occident Aux côtés de réformateurs religieux tels Ramakrishna Paramahansa (1836-1886) et son disciple Vivekananda (1863-1902), qui prônent l'harmonie entre les religions, s'affirment des écrivains et des poètes, dont l'illustre
Rabindranath Tagore (1861-1941). Le futur prix Nobel de littérature (1913) participe au mouvement nationaliste naissant bengali et panindien. Ce nationalisme va être stimulé par la partition du Bengale, menée en 1904, par lord Curzon, vice-roi des Indes. Confrontée à une contestation croissante, l'administration britannique annule cette partition en 1911, mais décide de transférer la capitale du Raj à Delhi. Calcutta garde toutefois son rôle de capitale
«
problèmes
à la fois sanitaires et
d'ingénierie : la percée d'un métro
souteiTtlin, entamée en 1973, s'est
révélée techniquement très difficile.
Seul
un tronçon de 17 km, reliant l'aéroport
international au centre-ville, a été mis
en service ...
en 1984.
Le port de Calcutta, éloigné de la mer
et envasé, a dû être complété par un
nouveau port en aval, Haldia, inauguré
en 1977 et plus adapté à la navigation
moderne.
lt CUMAT
Le climat est régi par l'alternance
des moussons.
La mousson d'été,
du
de juin
à septembre
des pluies
abondantes
(1 625 mm/an)
ainsi que de
fréquents
cyclones.
Les températures s'élèvent pour
atteindre en moyenne 28,9°( en juillet
(avec un maximum de 40,3 °().
Les
pluies faiblissent ensuite mais ne cessent
vraiment qu'à la mi-décembre avec
l'Inversion des vents de mousson,
apportant du nord-est (de l'Himalaya)
froid et sécheresse : les hivers sont
généralement beaux et doux (avec une
température moyenne en janvier de
19,6°( et un minimum de l0°C}.
CALCUTTA AUJOURD'HUI
VILLE n AGGLOMÉRATION
La municipalité de Calcutta s'étend sur
1 873,3 km'.
l'agglomération du Grand
Calcutta englobe la ville jumelle de
Howrah, sur la rive droite de I'Hoogly,
et les villes de Titaghar, Bhatpara.
Barrachpur et Digha, s'étirant en amont
sur une cinquantaine de kilomètres.
UNE POPULATION DENSE
Les rues bondées de Calcutta illustrent
l'accroissement démographique de toute
l'agglomération : 850000 hab.
en 1900,
14090000 en 2004 (estimation).
La
denstté moyenne, de 33 000 hab.fkm',
est à comparer aux 904 habjkm' de
, �-- ' ' -
l'ensemble
du Bengale
Occidental.
Dans les
bustees iiiSII Iubres
du grand
Calcutta, qui abrttent un tiers environ
de la population totale, la densité peut
dépasser lOO 000 hab/km'.
L'accroissement démogmphique est
essentiellement dû, dans la seconde
mottié du XX' siècle, à l'Immigration des réfugiés
et des ruraux.
Au recensement
de 1951, l'augmentation de la population
étatt due à 86% à l'Immigration.
En
revanche, depuis les années 1960, en
dépit de la seconde vague de réfugiés
venus du Bangladesh en 1971, le taux
de croissance démographique annuel
moyen a stagné autour de 2% : Calcutta
est, de toutes les métropoles indiennes,
celle qui croît le plus lentement Ce
phénomène traduit sa perte d'attraction.
Tradttionnellement cosmopoltte, Calcutta
a perdu en diversité au fil des aléas
historiques : les musulmans, autrefois
majoritaires, ont fui massivement en
1947.
La forte communauté chinoise,
principalement cantonaise, établie de
longue date, s'est considérablement
rédutte après le départ de la majorité de
ses membres en 1962, à l'apogée du
conflit frontalier entre la Chine et l'Inde :
Calcutta compte aujourd'hui environ
30000 citoyens chinois.
l'indépendance
a aussi entraîné le départ des Européens,
mais il demeure une petite communauté
d'Arméniens, dont la présence dans la
région est antérieure à la fondation de
Calcutta.
La création de l'État d'Israël a
entraîné une émigration massive des
juifs, majoritairement originaires d'Irak et
installés au Bengale au XIX" siècle : leur
nombre est actuellement estimé à deux
cents.
La population de Calcutta est donc
aujourd'hui pour la plus grande part
hindoue.
Mais les religions de l'Inde sont
toutes représentées dans la ville : parsis,
ismaéliens et jaïns y ont leurs lieux de
culte.
lt CENTilE ÉCONOMIQUE
DE L'EST DE L'INDE
Malgré son déclin, Calcutta reste le
grand centre industriel, commercial et
financier de la région.
Avec 30.4 millions
de tonnes de fret en 2004, le port de
Calcutta-Haldia se place au deuxième
rang national, derrière Madras mais
devant Bombay.
Il est relié par un réseau
dense de communications fluviales,
routières et ferroviaires au reste de
l'Inde, infrastructures auxquelles s'ajoute
l'aéroport international de Oum Oum.
l'industrie est relativement diversifiée :
aux anciennes manufactures de jute
et de coton et aux complexes
métallurgiques sont venus s'ajouter
des complexes pétrochimiques -près
du port d'Haldia -, des industries
mécaniques, pharmaceutiques et des
papeteries.
Les grandes sociétés
indiennes ont leur siège dans le centre
ville.
Depuis 2001, sous l'égide du
nouveau gouverneur du Bengale
Occidental, communiste converti au
capitalisme de marché, Calcutta tente
de redresser son image et d'attirer de
nouveaux investisseurs.
La création
d'une zone franche, le développement
d'un nouveau pôle au nord de Calcutta
(la «Nouvelle Salt Lake City») ont permis
à l'agglomération de faire valoir des
atouts indéniables : les multinationales y
trouvent non seulement une abondante
main-d'œuvre bon marché, mais aussi
des diplômés anglophones de haut
niveau formés à I'Jndian lnstttute of
Technology et dans la prestigieuse
universtté de Calcutta, établissements
d'où sont issus Satyendranath Bose
(1894-1974 ), dont les travaux sur les
photons inspirèrent Einstein dans ce
registre, C.V.
Raman (1888-1970), prix
Nobel de physique en 1930, et plus
récemment Amartya Sen, prix Nobel
d'économie en 1998.
De grands groupes tels
Mitsubishi Chemicals ou Siemens
ont ainsi récemment élu domicile à New
Salt Lake City.
Calcutta commence
également à rattraper son retard sur
Madras et Bombay en matière
d'Industries de pointe �nformatique).
Le décollage de la croissance ne suffit
pas encore à combler le fossé entre
riches et pauvres : en 2004, Calcutta
enregistrait un taux de chômage de
15%, bien supérieur à la moyenne
nationale de 9,5 %.
LE PAYSAGE URBAIN
Ici se côtoient bidonvilles, immeubles
victoriens décrépits, buildings de verre et
de béton, quartiers résidentiels et usines.
La ville a poussé autour du fort William,
entouré du vaste parc du Maidan,
poumon vert de l'agglomération.
Autour
du Maidan se trouvent les sièges de
l'administration -palais du gouverneur
(Raj Bhavan), siège du gouvememen�
palais de justice -ainsi que les banques,
sièges des sociétés commerciales et
hôtels.
À l'angle nord-est du Maidan
commence le quartier des bazars.
Si le
sud de la ville est essentiellement
résidentiel, le nord est dévolu aux
quartiers populaires, ceinturés par une
périphérie industrielle.
Les longues voies
nord-sud et est-ouest dessinées aux
origines de la ville ne permettent pas
une circulation fluide.
l'absence de voies
express et d'autoroutes desservant
pont historique d'HOWIYih, qui vott
transtter plus de 1 million de personnes
chaque jour.
La faiblesse des dessertes
routières va de pair avec l'Insuffisance
des équipements collectifs, des réseaux
de distribution d'eau potable et de
collecte d'eaux usées : à la pollution
atmosphérique (60% de la population
souffriratt de maladies respiratoires).
s'ajoute le cortège de maux liés à
l'insalubrité et a la misère.
LES PRINCIPAUX MONUMENTS
Calcutta doit à son passé d'abriter de
nombreux monuments de grand intérêt
• Fort William.
Repère principal de la
géographie urbaine, le fort actuel.
octogone irrégulier percé de sept portes,
a été érigé en 1781 sur les fondations du
fort primitif.
• Victoria Memorial Hall.
Cet
impressionnant vestige (1921 ) de la
présence brttannique s'élève dans le
Maidan.
En marbre blanc du Rajasthan,
coiffé d'un dôme de 61 m, il marie
architectures victorienne et moghole.
Sa
collection de souvenirs, d'objets et de
documents évoque l'empire britannique
des Indes et la reine Victoria, dont la
statue se dresse devant l'entrée.
•
Cathédrale Saint-Paul.
À l'angle sud
est du Maidan, la première église
épiscopale d'Orient fut inaugurée en
1847.
Le monument néogothique blanc,
a voûtes en éventail, est éclairé par des
vttraux du Britannique Bume-Jones.
La
tour, détrutte deux fois par un séisme, a
été reconstrutte en 1938 sur le modèle
de son homologue de Canterbury.
Aux murs, des fresques d'Inspiration
florentine côtoient des dalles
commémoratives à la mémoire des
Anglais tués en 1756 et pendant les
guerres coloniales.
• Rabidra Setu, ou pont d'Howrah
(1943 ).
Porte d'entrée de Calcutta, il relie
le centre-ville à la gare d'Howrah.
Ce
pont métallique, long de 450 m, portant
hu tt voies sur une seule arche, peut se
dilater de 1 m par forte chaleur.
Bus,
rickshaws, piétons et buffles
l'encombrent continuellement
• Shaheed Mlnar.
Colonne de 48 m
érigée à l'extrémité nord du Maidan qui
commémore les victoires de sir David
Ochterlony lors des guerres du Népal.
Au XIX" siécle, les nationalistes bengalis
hissèrent le drapeau français à son
sommet pour exprimer leurs aspirations
à la liberté.
La colonne a été rebaptisée
Shaheed (martyrs) Minar, en hommage
aux victimes de l'indépendance.
• Temple de Kali.
Important site de
pèlerinage hindouiste, ce temple ne date
que de 1809, mais le stte est consacré a
la déesse Kali de très longue date.
Parmi
les autres temples hindouistes les plus
fréquentés se trouvent le temple de
Daskineshwar Kali, édifié en 1855 et
entouré de 12 petits temples dédiés à
Shiva.
Ramakrishna y vécut et y reçut
l'illumination.
Inauguré en 1996, le
temple Birla, dédié a Radha, Krishna,
Shiva et Ourga, est remarquable pour
ses murs, de grès à l'extérieur, de
marbre a l'intérieur, dont les sculptures
ont mobilisé des artistes de toute l'Inde.
• Mosquée Nakhoda.
Dans le quartier
de B.B.D.
Bag.
la plus grande mosquée
de Calcutta fut batie entre 1926 et 1942,
en grès rouge, sur le modèle du
mausolée de l'empereur moghol Akbar,
près d'Agra.
Elle peut accueillir
10000 fidèles.
Parmi les autres monuments religieux
remarquables, peut citer
styles moghol, baroque, néoclassique et
bengali, ainsi que trois synagogues et
une église arménienne.
if-III!JQII!IIJM!jj
Fidèle aux init iateurs de la Renaissance
bengalie, à la fin du XIX" siècle, Calcutta
entretient une riche vie culturelle.
Les
studios de Tollygungee produisent des
films exigeants, a l'Image de ceux du
Bengali Satyajit Ray (1921-1992 ),
contrastant avec la production de
Bollywood, à Bombay.
la salle de
concert Rabindra Sadan, nommée en
hommage à Rabindranath Tagore, offre
toute l'année une programmation de
qualité.
la ville rend encore hommage à
son prix Nobel avec le musée (Rabindra
Mancha) installé dans la maison où
naquit et vécut l'écrivain, prolongé d'une
académie Tagore et d'une bibliothèque.
l'art moghol et bengali est présenté à
l'académie des Beaux-Arts, tandis que
I'Asutosh Museum, dans les bâtiments
de l'universtté, expose sculptures pa la et
thangka bouddhiques.
Un musée d'Art
indien est également établi dans les
locaux du Ramakrishna Mission lnstitute
of Culture, qui abrtte une importante
bibliothéque sur les relig ions et les
cultures ainsi qu'une école de langues
(sanskri� bengali, hindi et persan).
Près de la cathédrale, le Nehru
Children's Museum est l'un des plus
riches musées du jouet.
Plus récemment
a été inaugurée une Ctté de la science, à
la périphérie de la ville .
Calcutta abrtte également de belles
collections botaniques et zoologiques,
notamment au jardin botanique
d'Howrah, créé en 1786, où s'élève le
plus grand banian du monde (plus de
10 m de diamètre).
Quant aux joueurs
de cricket (sport national en Inde), ils se
retrouvent au complexe sportif des
jardins d'Eden, dans le nord du Maidan.
LES Fi!TES
• En janvier, la Strand Raad et les ghats
aménagés en bordure de I'Hoogly se
transforment en immense campement
pour accueillir les miliers de pèlerins
hindous qui, après une halte au temple
de Kali, convergent vers l'ile de
Sagardwip, dans le delta du Bengale,
pour célébrer le Ganga Sar Mela.
- En septembre-octobre, la fête de
Duf!}fl Puja est la principale fête
hindouiste du
Bengale:
pendant dix
on prie la
déesse mère,
honorée par
des danses et
des spectacles
musicaux; le dernier jour, des buffles
sont rttuellement sacrifiés a Ourga,
tandis que ses représentations, statues
ou images sont emmenées en
procession et immergées dans I'Hoogly.
Chaque communauté religieuse a ses
fêtes, plus ou moins spectaculaires.
La
plus importante, pour les musulmans,
est celle du
Muhan-om,
commémorant
le meurtre de
Hussein, petit
fils du
prophète Mahomet (en
septembre ou
octobre): des
milliers de
fidèles
forment alors une procession de la
mosquée Nakhoda jusqu'au Maidan..
»
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