Décembre 1553: La naissance du prince de Viane, le futur Henri IV
Publié le 25/08/2013
Extrait du document
L'effet du chant béarnais ne se fait pas attendre. Aux premières heures du 14 décembre, Jeanne met au monde un bel enfant, un fils. Henri d'Albret, fou de joie, remet à sa fille le coffret qui contient son testament. « Voici qui est à vous ma fille, mais celui-ci est à moi «, dit-il, en prenant le nouveau-né. Et sans attendre que les femmes l'aient convenablement emmailloté, il emporte son petit-fils, enveloppé dans un pan de sa robe, dans sa chambre, à l'étage supérieur.
«
LE FRÈRE AÎNÉ TÔT DISPARU Jeanne était enceinte de
cinq mois quand elle a
perdu son premier enfant.
Henri, titré duc de Beaumont, un des fiefs de la
Maison de Bourbon, était né
à Coucy le 21 septembre
1551.
li était adoré de ses
parents qui l'appelaient
dans leurs lettres le « petit mignon » ou le « petit
compagnon ».
Sa mère
l'avait confié à la garde de
son ancienne gouvernante,
Aimée de La Fayette, en qui
elle avait toute confiance.
Mais, la vieille femme avait ses manies.
Obsédée par le
froid, elle tenait l'enfant
confiné dans une chambre
surchauffée, au prétexte
que « mieux vaut suer que
trembler de froid ».
Cela
fut-il
fatal au petit duc ? Les
contemporains l'ont pensé.
Informée de la faiblesse de
son fils, Jeanne s'était
précipitée à son chevet.
Elle
l ' avait ramené à La Flèche
dans l'espoir de le rendre à la vie.
En vain.
Le frère aîné
du futur Henri IV s'était
éteint le 20 août 1553 et
avait été inhumé à Vendôme, dans la collégiale
Saint-Georges, où se trouvaient les tombeaux des Bourbons.
couchement et que, en enfan
tant, la jeune femme chante
une mélodie populaire en
béarnais, afin de ne pas faire
« une pleureuse (une fille) ou
un
enfant rechigné >> !
Ail et jurançon
Jeanne ressent les premières
douleurs de l'enfantement
dans la nuit du 13 au 14
décembre .
Son père, qu'on
vient de faire prévenir, se
précipite comme elle enton
ne le Motet à Notre-Dame du
bout du pont, que chantent
toutes les parturientes de la
région pour hâter leur déli
vrance.
L'effet du chant béarnais ne
se fait pas attendre.
Aux pre
mières heures du 14 décem
bre, Jeanne met au monde un
bel enfant, un fils .
Henri d'Al
bret, fou de joie, remet à sa
fille le coffret qui contient
son testament .
« Voici qui est
à vous ma fille, mais celui-ci
est à moi », dit-il, en prenant .,li:iilb-i~
le nouveau-né .
Et sans atten- fü .c dre que les femmes l 'aient ~ convenablement emmailloté, l""• ...;,,._.::.~c "~
il emporte son petit-fils,
enveloppé dans un pan de sa
robe, dans sa chambre, à
l'étage supérieur .
Là,
rapporte la chronique, il
lui « bailla une pilule de la
thériaque des gens du village
qui est une tête d'ail, dont il
lui frotta ses petites lèvres,
lesquelles il se fripa l'une
contre l 'autre , comme pour
sucer.
Ce qu 'ayant vu le roi,
et prenant de là une bonne
conjecture qu 'il serait d'un
bon naturel, il lui présenta du
vin dans sa coupe .
A l'odeur,
ce petit prince branla la tête
comme peut faire un enfant ,
et lors ledit seigneur-roi lui
dit : "Tu seras un vrai Béar
nais".
»
Ce vin est celui des
coteaux, de l'autre côté du
gave de Pau, le vin de Juran
çon où Henri d'Albret a des
vignes.
« Ma brebis vient
d'enfanter
un lion »
Ce cérémonial a été souvent
commenté.
Démarche symbo
lique pour donner au futur roi
« un tempérament plus mâle
et vigoureux > > ? Vieille coutu
me béarnaise qu'aucun témoi
gnage antérieur toutefois ne
confirme ? Mesure d 'hygiène,
l'ail étant le remède à tous les
maux -
Montaigne y fait allu
sion - et le vin un antisep
tique? La légende du premier
des Bourbons y a vu davan
tage : une sorte de baptême
fiHillED ITIONS ~ ATLAS
ep1curien , à l'image de celui
que Rabelais a imaginé pour
Gargantua.
Comme la dynastie
des Valois s'épuise, surgit ainsi
en Béarn une
nouvelle race
royale
dont la solidité rustique
éclate aux yeux de tous .
Le
père , Antoine de Vendôme,
fait presque figure de second
rôle.
Plus qu ' un Bourbon, c 'est
un héritier de Béarn et de Na
varre qui vient de naître .
L'en
fant reçoit le titre de prince de
Viane, du nom d'une ville de
Haute-Navarre, occupée par
les Espagnols depuis 1512.
Henri d'Albret se rappelle les
sarcasmes
qui, un quart de
siècle plus tôt, ont salué la
naissance
de Jeanne .
« Mira
cle, la vache a fait une brebis »,
ont raillé les Espagnols, fai
sant allusion aux placides bo
vidés qui ornent le blason du
Béarn.
Aujourd 'hui l'humiliation de
n'avoir eu « qu'une >> fille est
effacée .
« Voyez, ma brebis
vient d'enfanter un lion ! »,
s 'exclame triomphalement le
possessif grand-père, mon
trant le nourrisson à sa petite
Cour enthousiaste ..
»
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