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Jacques Coeur

Publié le 28/02/2010

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jacques coeur

Jacques Coeur, "homme d'État" ? Une telle qualification ne suscite aucun doute à qui considère de loin les mérites du marchand berrichon parvenu conseiller du roi Charles VII : une monnaie saine, le "gros de Jacques Coeur" (1447), le financement de la libération du territoire (1450-1453), des missions à Gênes, à Rome, à Barcelone, l'intelligence des affaires, tout cela résumé par le titre d'Argentier du Roi, anachroniquement interprété en celui de ministre des Finances. Les contemporains de Jacques Coeur ont fondé sa réputation d'homme d'État : des prélats, Jean Jouvenel des Ursins, Thomas Basin, le chroniqueur bourguignon Jean Chastellain. Sa disgrâce, partagée avec un Semblançay et un Fouquet, a pris dans l'histoire les dimensions d'une chute depuis le faîte du pouvoir jusqu'à la détresse, auréolée, dans le cas de Jacques Coeur, par une évasion romanesque et une disparition héroïque dans le mystère de l'Orient. L'histoire, à l'époque romantique, ne pouvait pas refuser son attention à l'échec d'une victime de l'intrigue et de l'arbitraire. Michelet trouve le personnage "équivoque", mais le loue d'avoir "inventé en finances une chose inouïe : la justice". Depuis, les historiens ont peu ajouté au dossier. Personnage énigmatique, Jacques Coeur fut-il un homme d'État ?

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« Tout se passe comme si Jacques Coeur, associant son intérêt à celui du roi, avait pressenti l'influence de l'économiesur la politique.

Il perçut le lien entre la fiscalité et l'activité économique ; Jacques Coeur fut commissaire auprèsdes États de Languedoc et d'Auvergne pour l'établissement de l'équivalent aux aides, visiteur général des Gabelles,fermier des foires languedociennes de Pézenas et de Montagnac, fermier de la perception des droits de marqueexigés, à titre de représailles, des Catalans et des Génois.

S'il mobilisa ainsi une partie non négligeable des revenusfiscaux du royaume, c'était pour soutenir des entreprises qui, pour être siennes, étaient, grâce à lui, devenuesaffaires d'État.

C'était aussi parce que les problèmes financiers et monétaires étaient ressentis par lui commeessentiels. Jacques Coeur ouvrit à Louis XI la voie d'initiatives économiques qui devancèrent Colbert.

Pour lui, la puissance semesure à la richesse de l'État et celle-ci au volume du numéraire.

On peut rapprocher ces attitudes des principesformulés alors en Angleterre par l'auteur du Lybelle of Englysche Polycie et par Fortescue.

Bullioniste avant la lettre,Jacques Coeur chercha à doter son commerce et celui de la France de moyens libératoires suffisants, et il organisa,sur les bases nouvelles, avec l'aide d'ingénieurs allemands et hongrois, l'exploitation des mines du Lyonnais et duBeaujolais.

La disette de numéraire l'a constamment gêné.

Il trouva économique de coopérer avec les Italiens et,sans chercher, comme on l'a dit, leur éviction, impossible, des affaires françaises, il voulut partager avec eux soitles profits des transferts bancaires du clergé de France au Saint-Siège, inévitables malgré la Pragmatique Sanctionde Bourges, soit la fabrication des soieries que la France achetait en Italie.

Jacques Coeur, son fils Ravand,Guillaume de Varye s'inscrivirent à l'Art de la Soie, à Florence.

Plus tard, Varye introduisit ce métier en France. Jacques Coeur avait compris l'intérêt du commerce oriental.

Il eut, à son procès, deux réponses capitales.

L'une : "Ily a profit à porter argent blanc en Syrie, car quand il vaut six écus par deçà, il en vaut sept au-delà." L'autre : pourchaque marc d'argent, il a fait venir un marc d'or dans le royaume.

Le trafic du Levant, ainsi conçu, ne visait doncpas seulement un intérêt personnel ; il était conforme à celui de l'État.

Grâce à l'aide financière du roi pourconstruire ses galées, et à un privilège d'allure monopoliste, Jacques Coeur servait l'un et l'autre ; déjà on perçoit leprincipe des compagnies privilégiées.

Louis XI ne tarda pas à l'expérimenter.

Jacques Coeur voulait, a-t-il dit,"donner bruit au navigaige de France". Autre vue prospective d'homme d'État ou adaptation clairvoyante aux circonstances présentes : convaincu de laprééminence méditerranéenne, centre de gravité et pôle attractif de l'économie occidentale, Jacques Coeur sutretrouver, une fois la guerre achevée, le rôle isthmique de la France.

Il prolongea à Bruges, en Angleterre, enÉcosse, l'axe de ses affaires fixé à Montpellier.

Il utilisa la voie de Gibraltar, dans le prolongement de laMéditerranée.

Un commerce français transitant et vendant beaucoup, animé par une masse monétaire accrue,d'origine fiscale à défaut d'autre, aurait pu, dès 1450, faire une France riche et, par conséquent, puissante.

Le prêtde l'Argentier à Charles VII pour le "recouvrement de Normandie" fut une application de ce principe, mais JacquesCoeur vint, peut-être, trop tôt, et les moyens, comme le temps, lui ont manqué. Sans doute, il n'eut pas de "politique économique".

Mais conscient des liens de l'économie et de la politique, il eut àce titre, mais à celui-là seulement, sur le plan économique, certaines vues d'homme d'État.. »

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