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Jeanne d'Arc: HÉROÏNE ET SYMBOLE

Publié le 18/11/2018

Extrait du document

DANS LE CONTEXTE DE LA GUERRE DE CENT ANS

1407 : Louis Ier d'Orléans, chef de la maison des Armagnacs, est assassiné sur ordre du duc de Bourgogne, Jean sans Peur (1371 -1419), successeur de Philippe II le Hardi, son père. C'est la guerre civile. Les deux partis opposés, Armagnacs et Bourguignons, appellent l'Angleterre à la rescousse. Henri V de Lancastre (1387-1422) voit l'occasion de tirer son épingle du jeu et de faire valoir ses droits à la couronne de France.

1415, Azincourt : Henri V de Lancastre bat les Armagnacs.

1416 : les Anglais occupent la Normandie.

1418 : les Bourguignons capturent le roi fou, Charles VI le Bien-Aimé (1368-1422), et prennent Paris. Le dauphin Charles (1403- 1461) s'enfuit au sud de la Loire.

1419 : Jean sans Peur est assassiné par Tanneguy Duchâtel à Montereau. La Bourgogne s'allie à l'Angleterre.

21 mai 1420 : traité de Troyes entre Charles VI (sous tutelle d'Isabeau de Bavière, sa femme), Philippe le Bon et Henri V. Celui-ci épouse Catherine de France; régent du royaume, il en héritera à la mort de son beau-père, le roi déchu pour cause de folie, et ce aux dépens du dauphin Charles.

1422 : mort de Charles VI et d'Henri V. Henri VI, fils de ce dernier et de Catherine, est proclamé roi de France en vertu du traité de Troyes.

Il y a donc en 1429, quand Jeanne entre dans l'histoire, trois territoires :

la Normandie, la Bretagne et la Guyenne, aux mains des Anglais;

la Bourgogne et les terres anglo-bourguignonnes environnant Paris;

le domaine royal, au sud de la Loire, autour de Bourges et de Poitiers.

Partout, et surtout autour du roi Charles VII, maints partis, factions et groupes de pression intriguent, complotent s'allient, changent de camp...

HÉROÏNE ET SYMBOLE

Humble bergère et guerrière intrépide, habile politique qui fait sacrer le roi Charles VII et paysanne illettrée, mystique exaltée et femme dans un monde d'hommes, jugée hérétique par l'inquisition et sanctifiée, vaincue et érigée en symbole national - voire annexée par la droite nationaliste -pour avoir « bouté les Anglais hors de France» : Jeanne d'Arc (1412-1431), la Pucelle d'Orléans, n'en finit pas de susciter l'intérêt des chercheurs ni d'alimenter une légende haute en couleur, entre histoire, religion, mythe et imagerie d'Épinal.

LES VOIX

L'enfance

L'« humble bergère» de la légende - en fait la fille d'un laboureur aisé, Jacques Darc (qui deviendra d'Arc par anoblissement ultérieur), et Isabelle Romée - naît le 6 janvier 1412 à Domrémy, dans la vallée de la Meuse, en châtellenie de Vaucouleurs, entre domaine royal, Lorraine et terres bourguignonnes. Jehanne (ainsi écrit-elle son nom) a trois frères aînés : Jacques, Pierre et Jean. Un petite sœur, Catherine (1412-1428), viendra dix mois plus tard.

La jeunesse

Quelque peu solitaire, la fillette est très croyante. Pratiquante assidue, elle écoute consciencieusement le sermon du dimanche et récite tous les jours ses trois prières de base, le Pater, l'Ave et le Credo. Charitable envers les miséreux, modeste, elle aime néanmoins rire, chanter et danser lors des fêtes du village.

Élevée exclusivement par sa mère, Jeanne apprend à coudre, à filer et à tenir plus tard sa maison. Elle participe également à la garde du troupeau familial, quand la guerre, quasi permanente, laisse quelque répit.

Loin d'être aussi ignorante que la légende s'est plu à le dire, Jeanne a dû entendre décrire la situation politique et militaire par des marchands de passage, des pèlerins, ou par l'écho de certaines correspondances privées ou commerciales.

«Ses voix»

Jeanne a treize ans, en 1425, quand elle entend pour la première fois, en son jardin, une «voix venant de Dieu pour l'aider à se gouverner»: c'est l'archange saint Michel. Il lui enjoint d'aller chasser les Anglais de France. Or, cette même année 1425, les Anglais subissent une défaite devant le Mont-Saint-Michel, dont l'archange est le protecteur. Heureuse concordance.

Néanmoins, pendant trois ou quatre ans, Jeanne résiste aux injonctions de saint Michel et des saintes Marguerite et Catherine, venues en renfort et qui la harcèlent jusqu'à trois fois par semaine : «Jeanne, va au secours du roi de France et tu lui rendras son royaume. »

La jeune fille doute quand même un peu de ces voix et beaucoup d'elle-même : elle est très jeune, elle est femme («simple fille», dira-t-elle) et n'a évidemment aucune expérience des armes ni des combats. Comment pourrait-elle leur obéir, triompher des troupes anglaises et faire sacrer le « petit roi de Bourges», Charles VII?

« territoire de la présence anglaise -la marche vers Paris, par Soissons, Laon, Senlis, Compiègne, et, le 26 aoû� Saint­ Denis.

Mais Paris, très anglophile, résiste.

Jeanne est blessée d'une flèche à la jambe devant la porte Saint­ Honoré.

Le 8 septembre, il faut reculer vers la Loire.

• De tortueuses négociations de paix sont en cours, qui stoppent les opérations militaires.

l'armée est officiellement dissoute à Gien les 21- 22 septembre.

Néanmoins Jeanne continue à se battre dans le Nivernais : elle prend Saint-Pierre-le-Moûtier en octobre, mais échoue devant La Charité-sur-Loire.

• Suite à diverses tractations, en mai 1430, le duc de Bourgogne Philippe le Bon veut récupérer Compiègne.

Le capitaine Guillaume de Flavy refuse de se soumettre.

Il appelle Jeanne à l'aide.

Elle accourt avec 300 ou 400 hommes.

PRISONNIÈRE • Le 23 mai 1430, Jeanne est dans Compiègne; le 24, elle tente une sortie et se fait capturer par le chevalier de Wandonne, qui la remet à son chef, Jean de Luxembourg, comte de Ligny.

Elle est enfermée au château de Beaulieu-en-Vermandois, puis dans celui de Beaurevoir, près de Cambrai.

• Le "roi de France et d'Angleterre» la rachète pour 10 000 écus et la fait déplacer d'Arras à Rouen (décembre 1430) pour la livrer à un tribunal de l'Inquisition.

• En effet, dès Je 26 mai, la nouvelle de la capture de Jeanne à peine connue, l'université de Paris a réclamé la prisonnière pour la juger comme hérétique et sorcière, avec le secours de l'Inquisition.

Le 3 septembre 1430, une certaine Pieronne la Bretonne a été brûlée sur le parvis de Notre-Dame, à Paris, parce qu'elle proclamait que la Pucelle était envoyée de Dieu.

• Les Anglais sont trop heureux de laisser à l'Église la basse besogne, d'autant qu'un tel procès déconsidérera complètement Charles VIl et ruinera son autorité sans qu'eux-mêmes en paraissent responsables; aussi remettent-ils volontiers Jeanne aux autorités ecclésiastiques.

Ils assument cependant les frais du procès, assurent la garde de la prisonnière et font savoir clairement que, pour eux, la seule condamnation possible est la mort.

LES PROCÈS ET LA MORT 9 JANVIER-24 MARS 1431 Présidents du tribunal: le vice­ inquisiteur de France, Jean Lemaitre, et l'évêque de Beauvais -diocèse dans lequel Jeanne a été capturée-, le comte Pierre Cauchon (v.

1371-1442), passé au service des Bourguignons dès 1413, collaborateur des Anglais à partir de 1420 et réfugié à Rouen depuis 1429.

Jury: des chanoines de Rouen, des universitaires parisiens.

Promoteur de justice : Jean d'Estive!.

Notaires: Guillaume Manchon et Guillaume Colles, dit Bois-Guillaume.

Assesseurs et conseillers : une soixantaine.

Avocats: aucun.

Enquête: menée à Domrémy.

Instruction : à huis clos.

Information préalable, effectuée en janvier-lévrier et favorable à Jeanne : non jointe au dossier.

Minutes du procès :trois exemplaires, parvenus jusqu'à nous.

·Jeanne est harcelée de questions perfides, surtout sur des points théologiques, sur son appartenance à I'«Église militante» et sur son état de grâce (« Si je n'y suis, Dieu m'y mette, et si j'y suis, Dieu m'y garde!»).

On la menace de torture en lui en montrant les instruments ...

27-28 MARS 1431 Ade d'accusation : 70 articles, réfutés par l'accusée, et ramenés à 12, essentiellement axés sur les voix, inspirées par le diable, et le port d'habits d'homme.

En outre, elle est accusée de sorcellerie, dévergondage, outrecuidance et orgueil.

24 MAI I431 Au cimetière de l'abbaye de Saint­ Ouen, après une longue et humiliante exposition publique sur une sorte de bûcher, Jeanne exténuée met une croix en bas d'un acte d'abjuration, sauve sa vie et est condamnée à la prison à perpétuité.

Elle repart habillée en fille repentie.

26 MAI I431 • Reprenant courage, la Pucelle, qui dit n'avoir cessé d'entendre, voir, sentir, toucher, embrasser chaque jour ses «voix», qui a affirmé le 13 mars avoir reçu naguère un «signe divin» et prémonitoire du couronnement du roi, revient sur ses aveux le 26 mai et revêt ses vêtements masculins.

Elle sait ce qu'elle risque, mais préfère mourir que "renier ses voix» et renoncer à ses habits.

• Cette manière de s'habiller, qui choque tant les hommes d'Église, est sans doute pour elle la manifestation de son renoncement à toute vie sexuelle et donc l'affirmation de sa virginité.

D'ailleurs, elle ne se présente dans ses lettres et autres documents que sous le nom de «Pucelle».

28-29 MAl 1431 Un nouveau procès est vite expédié par deux juges et trente-neuf assesseurs.

Condamnée à l'unanimité comme relapse (retombée dans l'hérésie), Jeanne est remise au bras séculier (justice laïque) pour être mise à mort.

30 MAI I431 Place du Vieux-Marché, à Rouen.

Un bûcher est dressé.

Jeanne se confesse et communie, puis elle est brûlée vive, tandis qu'à sa demande on brandit un crucifix devant ses yeux.

Elle meurt en prononçant le nom de Jésus.

Ses cendres sont jetées dans la Seine.

7 JUIN 1431 Une pièce non authentifiée est ajoutée au dossier du procès par l'évêque Cauchon :sept assesseurs jurent que Jeanne, le 30 mai au matin, a renié ses voix et abjuré ses erreurs devant eux.

LA RÉHABILITATION • Novembre 1449, Charles VIl a reconquis la Normandie, il entre dans Rouen et mandate aussitôt Guillaume Bouillé pour étudier comment s'est déroulé le procès.

Sept témoins révèlent les pressions exercées par les Anglais.

Mais on ne peut entendre ni Cauchon, ni Lemaître, ni Estive!, tous morts entre-temps.

• Avril 1452 : le cardinal-légat Guillaume d'Estouteville et l'inquisiteur de France Jean Bréhal rouvrent l'enquête et interrogent seize témoins.

• Quand la victoire définitive de Charles VIl est acquise, en 1453, un appel est fait au pape pour casser le jugement.

En effet, il serait politiquement bienvenu que soit écarté tout soupçon de sorcellerie dans l'entourage du roi et sur les conditions de sa conquête du pouvoir.

• Juin 1455 : le pape Calixte Ill (1455- 1458) accepte la demande en révision du procès.

LE PROCÈS EN RÉHABILITATION • Décembre 1455.

Un contre-procès se tient en présence de Jean Il Juvénal des Ursins {1388-1473), archevêque de Reims, de l'évêque de Paris Guillaume Chartier et de l'inquisiteur de France.

• Toutes les pièces du procès de 1431 1--------------l..------------l sont examinées, et plus de cent témoins UNE SOURCE D'INSPIRATION Une multitude d'œuvres en tout genre célèbrent l'héroïne, et cette geste adopte des points de vue divers.

• De so n vivant la «Pucelle de Dieu ordonnée" a inspiré à Christine de Pisan (1363-1430) un poème, le Dittié de Jeanne d'Arc (1429).

Puis viennent après des mystères médiévaux joués sur le parvis des églises, La Pucelle ou la France délivrée de Jean Chapelain (1595-1674), La Pucelle d'Orléans de l'Espagnol Antonio de Zamora (v.

1660- ln8), et en contrepoint le sarcastique Pucelle d'Orléans (1755) de Voltaire.

l'Allemand Friedrich von Schiller donne en 1801 une tragédie en cinq actes sous le même titre, et Charles Péguy (1873- 1914), un drame en trois pièces : Jeanne d'Arc (1897).

Léon Bloy (1846- 1917), Anatole France {1844-1924), George B.

Shaw (1856-1950), Georges Bernanos (1888-1948), Jean Anouilh (191G-1987, L'Alouette) lui consacrent chacun un opus, jusqu'à ce que Paul Claudel (1868-1955), associé à Arthur Honegger (1892-1955), donne en 1938 un oratorio, Jeanne d'Arc au bûcher.

• C'était là explorer la voie musicale ouverte par Franz Listz (poème vocal), Giuseppe Verdi (Jeanne d'Arc, 1845) et Tcha-.Jc.ovski (La Pucelle d'Orléans, 1881).

• En peinture, on retiendra L'Entrée de Jeanne d'Arc à Orléans ( 1887) de Jean­ Jacques Scherrer (1855-1916), les fresques de Jules Lenepveu (1819-1898) au Panthéon etlea111111 d'An IISSistat n !UICie de CIMrles VIl (1854) de J.

D.

Jngres.

•Il n'existerait qu'un seul «portrait" réalisé de mémoire du vivant de Jeanne : un croquis en marge d'un registre du Parlement et daté de 1429.

Vingt ans après sa mort, elle apparaît sur des miniatures, puis, à partir du XVI' siècle, son image se multiplie sur des gravures et des tapisseries.

Aujourd'hui, on ne compte plus les statues équestres et pédestres de la guerrière érigées à l'angle d'une rue portant son nom ou en place publique (à Orléans, à Reims, à Paris, etc.), ni les sculptures et autres représentations de la sainte dans les églises.

sont interrogés en Lorraine, à Orléans, à Paris et à Rouen.

• 1 juillet 1456: Juvénal des Ursins proclame que "les procès et sentences [ ..

.

], J'abjuration, l'exécution et toutes les suites furent et sont nuls, invalides, sans effet et sans valeur".

• La réhabilitation est solennellement proclamée à Rouen et à Orléans.

• 1909 :Jeanne d'Arc est béatifiée par Pie X (1903-1914).

• Le 16 mai 1920, sous le règne du pape Benoît XV {1914-1922), elle est canonisée.

• Déclarée patronne de la France, elle se voit attribuer par le Parlement une fête nationale le deuxième dimanche de mai.

LA LÉGENDE PORTRAITS CONTRASTÉS • De son vivant, Jeanne suscite dans son camp des mouvements de ferveur intense.

Ses compagnons de guerre la respectent et affirment n'avoir jamais levé sur elle des yeux emplis de désir, encore moins l'avoir approchée.

Le peuple la dit capable de miracles, lui présente des enfants malades pour qu'elle les guérisse, touche son habit ou même son cheval sur son passage.

À tel point qu'on ne peut la croire morte, et SES VISAGES A L'ÉCRAN • Geraldine Farrar (Jeanne d'Arc, 1917, Cecil B.

DeMille).

• Renie FtlkOftttl (La Passion de Jeanne d'Arc.

1928, Carl T.

Dreyer).

• Ingrid Bergman -.

...

�Ill (Jeanne d'Arc, 1948, Victor Fleming; Jeanne au bûcher, 1954, Roberto Rossellini).

• INn Srbrrf (Sainte Jeanne, 1957, Otto Preminger).

• Sandrine Bonnaire (Jeanne la Pucelle, 1994, Jacques • Milla Jovovich (Jeanne d'Arc.

t998, Luc Besson).

que de fausses Jeanne se multiplient après 1431.

Bien entendu, après son échec devant Paris, son image s'altère pour beaucoup, qui la renient aussi vite qu'ils l'ont adulée.

Les proches du roi, voire le roi lui-même n'échappent pas à ce travers.

Mystique qui a un peu fréquenté les franciscains du couvent de Neufchâteau, proche de Domrémy, Jeanne se rattache -en cette époque marquée par le schisme d'Occident (1378-1417) et la chute de Constantinople (1453) aux mains des Turcs- à d'autres hautes figures du prophétisme féminin, telles Brigitte de Suède {1303-1373) et Catherine de Sienne (1347-1380).

• A contrario, dans le parti bourguignon et anglais, elle est ribaude, putain, magicienne, séditieuse, sorcière bien sûr, folle à lier ...

et à brûler, puisque les temps sont aux bûchers.

UNE ICONE DU SENTIMENT NATIONAL • De longue date, en France, la structure sociale et politique ne fait qu'un avec l'Église catholique.

De Clovis à Charlemagne en passant par Saint Louis, l'onction du souverain avec la sainte ampoule de Reims valide et légitime le pouvoir.

Aussi l'action de Jeanne d'Arc en faveur du sacre de Charles Vil est-elle d'une parfaite logique.

• Des saints renommés protègent le royaume, son souverain et ses habitants : saint Denis, saint Michel, sainte Geneviève ...

Partout, les toponymes et les édifices religieux juchés sur toute éminence rurale et au cœur des villes et des villages attestent de cette union des pouvoirs temporel et spirituel, ce que l'on nommera plus tard " l'alliance du sabre et du goupillon".

• Très vite, la "bonne Lorraine" (Michelet) -ou plutôt sa représentation -cristallise donc le sentiment national; elle est même souvent instrumentalisée comme icône de la Nation afin d'exalter les passions patriotiques, voire xénophobes.

On pourrait voir aujourd'hui la guerrière auréolée comme le contrepoint de Marianne au bonnet phrygien, figure allégorique de la Révolution, puis de la République.. »

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