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La Migration clandestine et sa massification

Publié le 13/03/2021

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Introduction

 

           A l’image de la migration régulière, l’émigration clandestine est un phénomène relativement ancien. Les chercheurs de diamant en route vers l’Afrique centrale recouraient au début des années 1960 à des itinéraires illégaux et à des activités plus ou moins licite au regard des législations des pays hôtes. Les vagues de migrations des « gens de la vallée » du fleuve Sénégal, suite aux sécheresses des années 1970 ont amplifié ce phénomène secrétant des dispositifs d’accompagnement et d’encadrement des migrants, à travers les passeurs, les njatigui/coxers [1], aussi bien dans les pays traversés que dans les pays d’accueil.

 

 

 

I/Les principaux déterminants de la migration

 

Plusieurs facteurs sont généralement cités comme étant à l’origine de la migration en générale. En milieu urbain, l’accentuation du sous-emploi, l’accroissement de la pauvreté, la généralisation du chômage, la précarité et la faible rémunération du travail sont des éléments qui accentuent l’émigration. La dégradation généralisée des conditions de vie en milieu rural constitue en soi un facteur répulsif qui pousse la plupart des jeunes à partir. La crise de l’agriculture due à la faiblesse de la pluviométrie, à la sécheresse, au manque de matériel agricole performant, à la faible productivité du travail agricole, au renchérissement du prix des engrais et à la dépréciation des matières premières (arachide, coton) ne laisse aucune possibilité d’épanouissement aux jeunes. En plus, l’inadaptation de la formation scolaire au monde du travail et l’échec scolaire incitent beaucoup de jeunes diplômés et de sans emploi à partir. Du côté des travailleurs qualifiés (ingénieurs, médecins, sages-femmes, enseignants, etc.), le bas niveau des salaires les pousse à s’expatrier à la recherche de meilleures conditions de vie.

 

Dans tous les entretiens [5], les migrants clandestins évoquent constamment l’impossibilité de trouver un emploi et l’absence de toute perspective d’insertion professionnelle comme étant les premiers facteurs qui les poussent à partir. Sans avenir, les jeunes ont le sentiment de mourir lentement dans leur pays. Emigrer est pour eux une alternative à la situation que leur offre leur pays. L’émigration est d’abord vécue comme un refus de la dévalorisation de leur condition d’être humain et une révolte face à la déchéance. Dans cette perspective, émigrer devient une quête individuelle et une affirmation de soi.

 

Le malaise ressenti par les jeunes s’est accentué depuis un certain nombre d’années sous l’effet des changements importants intervenus au sein de la plupart des sociétés et familles africaines. L’urbanisation croissante et son corollaire qui est la montée de l’individualisme conduisent à la nécessité de se prendre en charge dans une société pourtant en crise. La migration parait être un élément important pour le salut. Dans les familles, les mécanismes de solidarité s’affaiblissent chaque jour du fait de l’approfondissement de la crise économique et de la progression de la pauvreté. L’image du jeune chômeur qui se couchait et se réveillait tard, qui était assuré de prendre ses repas quotidiens, qui buvait tranquillement son thé à longueur de journée en écoutant de la musique, tend à disparaître progressivement. Le regard des autres pèse de plus en plus sur le jeune chômeur et le contraint de sortir de la maison. Ce regard devient inquisiteur dans les familles polygames où la rivalité entre les demi-frères est la règle. Le départ d’un demi-frère en Europe est une raison suffisante pour faire la même chose. C’est sur fond de rivalité entre co-épouses que les mères de familles encouragent leurs enfants à émigrer. Elles participent d’ailleurs souvent au financement de leur voyage vers l’Espagne et au-delà.

 

« l’approfondissement de la crise économique et de la progression de la pauvreté. L’image du jeune chômeur qui se couchait et se réveillait tard, qui était assuré de prendre ses repas quotidiens, qui buvait tranquillement son thé à longueur de journée en écoutant de la musique, tend à disparaître progressivement.

Le regard des autres pèse de plus en plus sur le jeune chômeur et le contraint de sortir de la maison.

Ce regard devient inquisiteur dans les familles polygames où la rivalité entre les demi- frères est la règle.

Le départ d’un demi-frère en Europe est une raison suffisante pour faire la même chose.

C’est sur fond de rivalité entre co-épouses que les mères de familles encouragent leurs enfants à émigrer.

Elles participent d’ailleurs souvent au financement de leur voyage vers l’Espagne et au-delà. Le décalage entre le vécu quotidien des migrants potentiels et l’image qu’ils se forgent de l’Espagne crée un « imaginaire migratoire » qui alimente à son tour le désir de partir.

Dans le discours des migrants clandestins, on observe une « envie d’ailleurs » très forte, le « rêve d’Europe ».

Comme le résume un jeune émigré rapatrié d’Espagne en 2006 : « au Sénégal c’est la misère et l’Espagne c’est le Paradis » [6].

Les migrants pensent que la réussite est au bout du voyage et que la fin justifie les moyens.

Face à ce qu’ils considèrent comme l’archaïsme de leur propre société, les jeunes perçoivent l’Europe comme un eldorado.

Cette perception est alimentée par les télévisions qui présentent les pays européens à travers des images de richesse, de liberté et de bonheur. Le choix et la décision de partir des candidats à l’émigration clandestine sont aussi influencés par l’image que propagent les émigrés en vacances dans le pays.

Les émigrés qui reviennent au pays sont perçus comme des modèles de réussite.

Ils circulent à bord de belles voitures, possèdent dans certaines localités rurales les plus grandes maisons.

Ils font étalage de biens matériels acquis en Espagne.

Aux yeux des jeunes restés au pays, ceux qui sont partis ont réussi très vite.

Réussir veut dire construire sa propre maison, se marier en organisant une grande cérémonie, financer le pèlerinage à la Mecque de ses parents et circuler dans de grosses voitures.

Ces signes extérieurs de richesse amènent de plus en plus de jeunes gens à vouloir s’expatrier pour gagner de l’argent et imiter ces émigrés.

Dans les sociétés de départ, il existe une forte considération pour les émigrés.

Beaucoup de familles qui vivent décemment comptent des émigrés parmi leurs membres.

Et cela a un impact très important sur la mentalité des gens.

Beaucoup de jeunes pensent qu’il leur faut aller en Europe pour réussir dans la vie.

Dans cette perspective, pour la plupart des jeunes, la fin justifie les moyens.

Un jeune confiait : « en me lançant dans la migration clandestine, j’ai 50% de chance de mourir dans le désert ou dans l’Océan et 50% d’atteindre mon objectif.

Or, en restant au pays, je suis presque sûr à 100% de mourir à petit feu » [7]. A côté des jeunes déscolarisés ou jeunes chômeurs, les travailleurs au revenu faible comme les artisans et les petits commerçants du secteur informel sont aussi des candidats à l’émigration clandestine.

La difficulté de vivre avec de maigres ressources pousse beaucoup de jeunes actifs à émigrer.

D’ailleurs, au regard des sommes investies durant tout le processus de migration, on peut s’interroger sur le fait de savoir si ceux qui choisissent la voie maritime sont les plus pauvres.

Au contraire, ils disposent déjà 2. »

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