Le futur tsar Paul Ier en visite chez Louis XVI

« « Dieu, qu'il est laid ! » Les bonnes manières se trou­ vent parfois bousculées entre deux fêtes organisées à Trianon par Marie-Antoinette pour le couple princier.

Ainsi , au cours d 'une promenade dans le parc de Versailles , le tsarévitch, alors qu'il croise un groupe de courtisans, entend qu 'on s'exclame : «Dieu, qu'il est laid ! » Nul­ lement vexé, le prince fait remarquer, mi-figue mi-rai­ sin , à l'ambassadeur de Rus­ sie : « Si les Français sont aimables, on ne peut pas non plus les accuser de manquer de franchise ...

>> Le tsarévit­ ch , au bout du compte, s'ac­ commode assez bien de sa grande laideur , de son nez camard et de sa bouche dis­ gracieuse.

Une laideur que viennent contrebalancer la beauté et la douceur de la grande-duchesse .

Marie-Antoinette met un point d'honneur à prodiguer son hospitalité à « ces Nord », comme elle se plaît à appeler le couple princier , avec un brin de dédain et l'imperti­ nence qui lui est coutumière .

Car le tsarévitch et son épou­ se voyagent incognito, sous le nom -qui ne trompe per­ sonne - du comte et de la comtesse du Nord .

La reine les reçoit courtoisement et avec tous les égards dus à leur rang, malgré l'antipathie - réciproque - qu 'elle res­ sent pour Catherine Il.

Un tour de France complet Après Versaille s, les « Nord » entament un périple « touris­ tique » qui les mène à Paris et dans les provinces .

A la Sorbonne, devant le buste du cardinal de Richelieu , le tsa­ révitch évoque le souhait de son arrière-grand-père , Pier­ re 1"' le Grand .

Celui-ci avait une telle admiration pour les talents de l 'illustre homme d 'État qu 'il se disait prêt à lui offrir la moitié de son empire pour qu'il lui apprenne à gouverner .

A Chantilly, le tsa­ révitch re ç oit un accueil royal chez le prince de Condé , auquel il confie : « Je change­ rais tout ce que je possède pour votre beau Chantilly ».

Puis les visiteurs partent à la découverte du royaume.

Après la vallée et les châ­ teaux de la Loire, ils se ren - B _g a_ dent en Bretagne, puis en Normandie et en Artois .

Par­ tout on leur réserve un accueil chaleureux .

Et on les accable avec les inévitables et interminables discours de bienvenue, défilés et ban­ quets.

Les « Nord » endu­ rent ces obligations non sans un certain stoïcisme .

Cepen­ dant, à la vue d'une charman­ te fermette du bocage, Maria Féodorovna a ce mot déli­ cieux - et révélateur de sa lassitude : « Ah ! Que je vou­ drais être une bonne paysan­ ne normande et vivre avec le grand-duc dans une chau­ mière! » UN DESTIN TRAGIQUE Le futur tsar Paul 1"', à l'époque de sa visite à Louis XVI, n'est pas encore sous l' emprise des graves troubles nerveux qui vont le faire surnommer « le fou couronné ».

En vieillissant, malgré une éducation conforme à sa naissance et ses efforts constants pour maîtriser un caractère emporté et orgueilleux, il ne parvient pas toujours à garder l'image d'un prince équilibré.

Paul 1" monte sur le trône en 1 796.

Dès lors, il manifeste une tendance de plus en plus accusée à la violence et à la paranoïa.

Il est un souverain colérique, instable mentalement et sujet à des crises de mélancolie.

L'arrière-petit-fils de Pierre le Grand et le fils de la Grande Catherine, les deux immenses souverains russes, peut-être à cause de l'héritage écrasant de ses illustres prédécesseurs, ne laissera pas un souvenir mémorable dans l 'histoire de son pays.

Après avoir régné quatre ans sur la Russie, il meurt tragiquement, assassiné, en 1801.. »