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Les Grecs

Publié le 27/02/2008

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Dans la seconde moitié du IVe siècle, les triomphes d'Alexandre le Grand, en détruisant l'indépendance des cités grecques, marquent la fin de la Grèce classique et la précipitent dans l'histoire. Tout en cultivant l'orgueil de ses origines fabuleuses, la Grèce avait gardé jusqu'alors le sentiment de sa Jeunesse. L'épreuve d'un bouleversement profond la tourne vers son passé ; elle prend conscience de sa propre antiquité et ne cessera plus, dès lors, d'en cultiver le souvenir. Aristote fait pénétrer dans tous les domaines du savoir les disciplines historiques, il énumère les opinions de ses devanciers, systématise les résultats de leurs travaux, classe les idées, catalogue les faits. Son successeur, Théophraste, inaugure le genre de la doxographie ; celui de la biographie le sera un peu plus tard par l'Alexandrin Sotion. Comment ce goût de l'inventaire et de la mise en ordre ne se serait-il pas étendu à la littérature ? Voici donc les fameuses " règles " énoncées, et tout aussitôt sacrées ; les " anciens " à la fois proclamés inimitables et imposés comme modèles. L'époque alexandrine est celle de l'érudition minutieuse. C'est l'âge d'or des épigones, imitateurs, commentateurs, scholiastes, grammairiens et bibliothécaires. Zénodote, qui dirige, sous le règne de Ptolémée Philadelphe, la bibliothèque d'Alexandrie, rassemble et révise, avec l'aide de Lycophron de Chalcis et d'Alexandre d'Étolie, les ouvrages de tous les poètes grecs. Un peu plus tard, Aristarque (dont le nom reste un symbole) fonde une école de critique et d'édition de textes dont la renommée fut immense.

« importants : le concile de Ferrare (puis de Florence) et la prise de Constantinople par les Turcs.

L'Italie, plusinstruite que le reste de l'Europe et favorisée par sa position géographique, assiste alors à ce mouvement littéraireque l'on nommerait volontiers la Renaissance grecque, si le mot de renaissance ne suggérait pas l'idée d'une èrenouvelle à son commencement, alors qu'au contraire c'est avant de disparaître que l'Hellade jette ce dernier feu.

Denombreux écrivains mériteraient d'être mentionnés ici (Bessarion, Chrysoloras, Argyropoulos et tant d'autres), maisl'un d'entre eux nous semble éminemment représentatif : Gémiste Pléthon, dont la mort coïncide, à quelques moisprès, avec l'entrée des Turcs à Constantinople.

Pléthon a rêvé la restauration de la Grèce, le rétablissement de sapuissance et ses adversaires lui ont même attribué malignement le désir d'un retour à la religion antique.

Ce qui estcertain c'est que pour lui la Grèce est éternelle, ou du moins que son passé échappe à l'histoire.

“ De mémoired'homme, écrit-il, cette terre fut toujours habitée par les Hellènes et personne ne l'a occupée avant eux.

” Noussavons aujourd'hui qu'il y eut une Grèce préhellénique et que Pléthon se trompait.

Qu'importe, son erreur entretenaitsa foi. Dans l'Italie du XVe siècle, de Leonardo Bruni à Marsile Ficin, les progrès dans la connaissance de la langue et de lalittérature grecques sont immenses.

Les traductions latines des textes grecs se multiplient.

Ce sont les philosophesqui, cette fois encore, s'imposent les premiers ; et, au premier rang des philosophes le “ divin Platon ”, qui devientl'objet d'un culte.

On raconte que plusieurs membres de l'Académie platonicienne de Florence se rendirent à Romepour demander au pape de canoniser leur grand homme ! Pour être suspecte, l'anecdote n'en est pas moinssignificative d'une sorte d'idolâtrie qui, d'Italie, va se répandre dans toute l'Europe et qui, de Platon, s'étendra àtous les grands écrivains de l'antiquité.

Erasme ne dit-il pas qu'il se trouve des pensées saintes et divines dans lesœuvres des Anciens, “ même dans celles des poètes ”, et que plus d'un homme qui ne figure pas dans les annalesdes saints devrait y avoir sa place marquée.

“ Même dans celles des poètes...

car désormais le temps des poètesest venu, et bientôt c'est à eux que sera donnée la première place ”.

Erasme reflète l'état d'esprit du XVIe siècledans ses commencements.

Henri Estienne (le second), qui meurt en 1598, est un témoin plus tardif de laRenaissance.

Or nous voyons que si cet éditeur et annotateur infatigable des auteurs grecs ne se détourne pas desphilosophes, non plus que des historiens, c'est malgré tout aux poètes que vont ses préférences et c'est à eux qu'ilconsacre le meilleur temps de sa vie.

Homère, Pindare, les Tragiques, Anacréon et Callimaque sont imprimés par sessoins avec un respect scrupuleux des textes où semble revivre l'érudition alexandrine. Au Moyen Âge, et même encore au début de la Renaissance, les auteurs grecs, connus surtout par la traduction,n'intéressaient que par leur doctrine.

Cette source d'intérêt n'est certes pas négligée au XVIe siècle, où même lespoètes sont volontiers platonisants, mais désormais l'aspect formel de la littérature grecque devient aussi l'objetd'une admiration passionnée.

La pléiade française s'efforce d'adapter à un idiome encore malléable des formesantiques, des mètres empruntés à la poésie grecque, sans parler d'une foule de mots grecs (dont certains resteront,mais dont beaucoup d'autres disparaîtront aussitôt, comme l'adjectif oligochronien, qui signifie justement “ de petitedurée ”). La ferveur du XVIe siècle se maintient encore au XVIIe (le jeune Racine en est témoin, et vous gardez une chanced'être embrassé par une dame pour l'amour du grec), mais elle change de caractère.

Elle n'est plus une ivresse.

Desgrammairiens sévères se chargent d'épurer la langue française et des “ législateurs du Parnasse ” prennent soin deprévenir tout excès.

La mesure classique exerce ses bienfaits (ou ses ravages) au nom d'une Antiquité différemmentcomprise.

A la Grèce et à Rome, mais surtout à la Grèce, on redemande des règles.

L'épopée, la comédie, latragédie, la satire, l'éloquence, tous les genres littéraires devront se plier à de strictes disciplines.

Aristote, dont laphysique est abandonnée, obtient dans le champ des lettres une revanche éclatante. A l'égard des destinées de la littérature grecque, comme à tant d'autres, le XIXe siècle se signale d'abord par descontrastes violents.

Le respect superstitieux de l'Antiquité que la Révolution et l'Empire s'étaient gardé d'ébranler-auquel ils avaient même donné le renfort de leurs sentiments antichrétiens et de leurs pompes davidiennes est ruinétout à coup par le Romantisme et fait place à une explosion d'hostilité furieuse.

David, à vrai dire, l'avait prévu : dusommet de sa carrière il avait aperçu le déclin de son style et par avance pleuré sur les débris épars de sesustensiles emblématiques.

En 1808, il écrivait tristement : “ Dans dix ans...

tous ces dieux, ces héros serontremplacés par des chevaliers, des troubadours.

” Le casque de Périclès ne sera plus à la mode, et quant au bonnetphrygien, quelle horreur ! Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ? Mais en même temps, il se produit unmouvement de sens contraire qui, parti d'Allemagne cette fois, s'étendra peu à peu au reste de l'Europe.

Un grandsiècle d'études et une renaissance de l'hellénisme s'ouvrent avec les Prolégomènes de Wolf (1795).

Il serait superflude rappeler l'école de Göttingen et le nom d'Otfried Müller.

L'examen minutieux des textes et une exégèse étayéepar des sciences auxiliaires nouvelles ou renouvelées, s'épanouiront un jour dans les œuvres de philologues qui sonten même temps philosophes et poètes (je pense à Nietzsche et à la Naissance de la Tragédie).

Mais d'abord cetteconnaissance plus sûre permet de mieux apprécier l'immensité de pertes qui, déjà constatées et déplorées, n'avaientjamais encore été si bien mesurées.

Et cependant, chose étrange, si imposante apparaît la masse des œuvres quisubsistent qu'un Otfried Müller non seulement se console de la disparition des autres, mais va jusqu'à s'en féliciter.

“Cette perte, dit-il, est moins malheureuse qu'on ne pourrait croire : si une quantité aussi écrasante de livres nousétait parvenue de l'Antiquité, la naissance de la litté-rature moderne eut été difficile, sinon impossible.

” Nous n'ensavons rien, et je crois qu'Otfried Müller se trompait.

Les poètes ne vivent pas, du moins pas tous, dans desbibliothèques et il n'est que trop facile d'ignorer ce qu'on aurait la permission de connaître.

Si la littérature du MoyenÂge occidental s'est développée en toute indépendance de la littérature grecque, la cause n'en est d'ailleurs pasdans le grand nombre de livres détruits, mais dans l'oubli des livres sauvés. Le progrès des études philologiques eut, sur la littérature européenne, des contrecoups surprenants.

Amendés,. »

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