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Lettre de Madame du Deffand à Voltaire (1760)

Publié le 21/04/2015

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GERMAIN Romain 10/04/2015 Commentaire de texte Lettre de la Marquise du Deffand à M. de Voltaire (Le commentaire envisage la lecture au préalable du document étudié) Dans une lettre à « Madame la marquise du Deffand », envoyé le 15 juin 1751, Montesquieu se réjouit de ses invitations dans la petite « société » parisienne que tient la marquise dans son salon rue Saint-Dominique : « Je vous offre tous les regrets que j'ai de ne plus vous voir. (...) Quand je serai plus heureux, je lirai de vieilles chroniques pour tempérer les biens et les maux mais je sens qu'il n'y a pas de lecture qui puisse remplacer un quart d'heure de ces soupers qui faisaient mes délices ». Pourtant, le 14 janvier 1766, la marquise écrit à Voltaire une critique cinglante « à l'égard de vos philosophes modernes, jamais il n'y a eu d'hommes moins philosophes et moins tolérants, ils écraseraient tous ceux qui ne se prosternent pas devant eux. J'ai, à mes dépens, appris à les connaitre ». Et c'est avec ce même Voltaire, « philosophe des Lumières », qu'elle entretint une dense correspondance de 1759 à 1775, dont notre extrait est issu. Ces lettres révèlent ainsi le double aspect de la vie de Marie du Deffand, une personnalité à la fois singulière et représentative de ce siècle des Lumières, qui avant d'être reconnue pour ses talents littéraires, se fit connaître « des gens du monde » par son esprit et la renommée de son salon qui reçu parmi d'autres, D'Alembert, Montesquieu, le ministre Choiseul mais surtout Voltaire. Marie de Vichy-Chamrond, marquise du Deffand, est donc bien plus qu'une ordinaire salonnière française du XVIIIe siècle. Née le 25 septembre 1796 dans une famille de la petite noblesse de Bourgogne, dans le château familiale à proximité de la commune de Charolles, elle effectua son éducation au couvent bénédictin de la Madeleine de Traisnel, au 100 rue de Charonne à Paris. Elle fut mariée en 1718 au marquis du Deffand, qui, supportant mal la vie débridée de sa jeune épouse, l'a chassa en septembre 1822. Ces détails ont leur importance car l'élégance de sa beauté, son « esprit fort et bel esprit » (M. de Lescure) et ses relations avec le monde de la cour du Régent lui facilita l'accès aux bals de l'Opéra et aux soupers du Palais-Royal. La rare mention de ses débuts dans le monde des mondanités dans les sources, que l'on trouve chez l'écrivain anglais Horace Walpole, dans une lettre adressé à son ami le poète Gray, fait d'ailleurs mention d'une soit-disante relation charnelle entre la marquise et le Régent qui dura quinze jours mais dont elle gardera l'estime, la bienveillance et la faveur d'une pension de six milles livres. C'est ainsi que Madame du Deffand se forgea une réputation dans les cercles mondains de la capitale, dans un premier temps plutôt mauvaise à en croire Mademoiselle Aïssé qui l'a décrit en décembre 1728 comme « la fable du public, blâmée de tout le monde, méprisé de son amant, délaissée de ses amies », mais unanimement intrigante par son cynisme et sa franchise. Et c'est avec l'un des anciens « roués » du Régent que la marquise va s'affirmer dans un cercle personnel de connaissances mondaines, pour la plupart promis à un bel avenir. Celui que l'on surnomme le Président Hénault, (en vérité Charles Hénault d'Armorezan, président de la Première chambre des Enquêtes au Parlement de Paris de 1710 à 1731) va devenir son compagnon pendant plus de 10 ans à partir de 1731. Ce dernier reçoit les membres du Club de l'Entresol à son domicile du n°7 de la place Vendôme, et ses relations dans divers « cercles » mondain de Paris vont permettre à la marquise du Deffand de participer, tous les étés, au « cercle » des Chevaliers de la Mouche à Miel, chez la duchesse du Maine à la célèbre cour de Sceaux. C'est dans ces années 1730 qu'elle va commencer ses activités de salonnière et surtout rencontrer D'Alembert et Voltaire, des proche du Président. L'hospitalité de son salon va connaître un immense succès jusqu'à être l'un des plus prisés de Paris avec celui de Mme Geoffrin. Durant l'hiver, elle reçoit, dans son petit appartement de la rue de Beaune puis, à partir de la signature du bail en 1947, dans les appartements plus grand loués dans l'ancien couvent des Filles de Saint-Joseph rue Saint-Dominique à Paris. On pouvait alors y trouver des personnalités « du monde » tel que D'Alembert, Montesquieu, son fidèle ami Formont, le comte Pont-de-Veyle, le chevalier d'Aydie et Voltaire. Les années 1750 coïncident avec l'apogée de son salon. Sa nièce, Julie de Lespinasse, arrive alors à Paris pour l'assister dans la tenue de son célèbre salon « tapissé de moire bouton d'or ». Voltaire est depuis octobre 1758 parti s'installer à Ferney, dans le Pays de Gex à la frontière franco-suisse, afin de protéger son indépendance vis-à-vis des Encyclopédistes frappés par une violente campagne parisienne de dénigrement. Marie du Deffand est alors au fait de sa gloire mais ses prises de position et les évènements vont l'éloigner de ce monde qu'elle ne tarde pas à dénigrer dans ses lettres. C'est dans ce contexte que Madame du Deffand envoit cette lettre à Voltaire, le 24 mars 1760, de Paris vers Ferney. Elle fait part des dernières actualités de la vie intellectuelle parisienne, qu'elle critique ouvertement, et réaffirme son amitié envers le philosophe qu'elle considère comme le dernier représentant du bon goût. On y décèle un sincère désarroi qui, paradoxalement, se dévoile sous un ton autoritaire et direct. Amie d'un des plus grands philosophes de son siècle et respectée dans la petite société parisienne pour son goût et son esprit, quel est le sens de ce retournement qui lui fait dire dans la lettre de notre extrait qu'elle est « l'âme la plus délaissée du purgatoire de ce monde-ci » (l. 35). En tout, Madame du Deffand enverra 103 lettres à Voltaire entre 1759 et 1775 (la dernière étant daté du 2 décembre 1775) toutes publiées dans l'ouvrage Madame du Deffand, Lettres à Voltaire parue en 1994 aux éditions Payot & Rivage. * * * La première édition qui rapporte d'une manière relativement complète la correspondance de Madame du Deffand (358 lettres à Horace Walpote et la correspondance de la marquise et de Voltaire entre 1759 et 1775) survint assez tôt dans l'histoire. Inès Murat nous rapporte dans son introduction de Madame du Deffand, la lettre et l'esprit, que cet ouvrage fut emporté, l'année de sa publication en 1811, par Napoléon pour s'occuper pendant le long voyage de la campagne de Russie. En ce qui concerne la biographie de Madame du Deffand, l'édition de 1865, dont est tiré notre extrait, et la préface érudite de Mathurin de Lescure représente encore aujourd'hui une source de première main. En revanche l'historiographie moderne témoigne d'un regain d'intérêt pour ce phénomène des salons parisiens du XVIIIe siècle sous l'impulsion de l'imposant ouvrage d'Antoine Lilti, Le monde des salons, sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle. Ce livre, issu d'une thèse soutenue en 2003 et publié chez Fayard en 2005, fait incontestablement autorité en la matière dans le sens où il considère et redéfinis ces « sociétés » non plus uniquement comme une mode mondaine à visée purement intellectuelle mais plutôt comme une pratique nouvelle de socialisation des élites qui témoigne ainsi d'un bouleversement des valeurs de la classe dominante au profit d'une élite plus variée et plus dispersée. Aussi, il fait mention au chapitre 7 des pratiques épistolières des gens de ces sociétés qu'il incorpore dans son raisonnement sur les modes de sociabilisation de cette élite culturelle du XVIIIe siècle. De même la vie et l'oeuvre de la marquise ont fait l'objet d'études nouvelles dont le plus récent ouvrage d'Inès Murat, Madame du Deffand, la lettre et l'esprit, fut publiée en 2003 aux éditions Perrin. Par ailleurs, on remarque que la lettre de notre document est très peu commentée dans l'historiographie car elle précède de quelques mois les évènements dont elle prépare le terrain. Il est nécessaire d'opérer à une petite série de mise au point et de définition pour mieux cerner le contexte et l'objet de cette lettre et plus globalement de cette correspondance. Antoine Lilti nous apprend, dès le début de son livre, que le terme de salon est une invention lexicale du XIXe siècle et que les contemporains du XVIIIe siècle avaient coutume de parler de société ou de cercle dont les participants faisaient parties du monde des mondanités. Tous ces termes désignaient un espace de vie et de sociabilisation contenu dans un cadre personnel et privé tout en renvoyant à une vision plus large et plus universelle que le simple terme de salon. Il est évident que dans le cadre du XVIIIe siècle et de notre exposé tous ces termes désignent la même chose et que, par commodité de langage, nous emploierons sur un pied d'égalité les termes de société, de cercle et de salon. Il est important également de ne pas considérer ces salons comme des institutions répandues partout, à plus ou moins grande échelle, dans Paris. Le salon est avant tout un espace où se réunisse des amis, des connaissances, des curiosités et où les débats sont ouverts et non régie par des principes fixes. En ce sens, chaque salon contenait ses particularités et ses mystères, ses réseaux et ses spécialités. On peut tout aussi bien y parler de philosophie comme rapporter les intrigues et les ragots les plus insignifiants, tout dépendait du contexte et des participants. Il faut distinguer, pour mieux s'imaginer cet espace et la teneur des débats, les salons mondains tenus par des femmes à Paris et les réunions plus confidentielles, tout aussi courantes et désignées sous le nom commun de Club, où il était plus question de travail et de politique. Le salon féminin est plus ouvert au passage et aux visites fortuites comme en témoigne Madame du Deffand : « ce n'est pas la solitude qui cause mon ennui, je vois assez de monde, je suis rarement seule » &...
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« Montesquieu, son fidèle ami Formont, le comte Pont-de-Veyle, le chevalier d'Aydie et Voltaire .

Les années 1750 coïncident avec l'apogée de son salon.

Sa nièce, Julie de Lespinasse, arrive alors à Paris pour l'assister dans la tenue de son célèbre salon « tapissé de moire bouton d'or ». Voltaire est depuis octobre 1758 parti s'installer à Ferney, dans le Pays de Gex à la frontière franco-suisse, afin de protéger son indépendance vis-à-vis des Encyclopédistes frappés par une violente campagne parisienne de dénigrement.

Marie du Deffand est alors au fait de sa gloire mais ses prises de position et les évènements vont l'éloigner de ce monde qu'elle ne tarde pas à dénigrer dans ses lettres.

C'est dans ce contexte que Madame du Deffand envoit cette lettre à Voltaire, le 24 mars 1760, de Paris vers Ferney.

Elle fait part des dernières actualités de la vie intellectuelle parisienne, qu'elle critique ouvertement, et réaffirme son amitié envers le philosophe qu'elle considère comme le dernier représentant du bon goût.

On y décèle un sincère désarroi qui, paradoxalement, se dévoile sous un ton autoritaire et direct.

Amie d'un des plus grands philosophes de son siècle et respectée dans la petite société parisienne pour son goût et son esprit, quel est le sens de ce retournement qui lui fait dire dans la lettre de notre extrait qu'elle est « l'âme la plus délaissée du purgatoire de ce monde-ci » (l.

35).

En tout, Madame du Deffand enverra 103 lettres à Voltaire entre 1759 et 1775 (la dernière étant daté du 2 décembre 1775) toutes publiées dans l'ouvrage Madame du Deffand, Lettres à Voltaire parue en 1994 aux éditions Payot & Rivage. * * * La première édition qui rapporte d'une manière relativement complète la correspondance de Madame du Deffand (358 lettres à Horace Walpote et la correspondance de la marquise et de Voltaire entre 1759 et 1775) survint assez tôt dans l'histoire.

Inès Murat nous rapporte dans son introduction de Madame du Deffand, la lettre et l'esprit, que cet ouvrage fut emporté, l'année de sa publication en 1811, par Napoléon pour s'occuper pendant le long voyage de la campagne de Russie.

En ce qui concerne la biographie de Madame du Deffand, l'édition de 1865, dont est tiré notre extrait, et la préface érudite de Mathurin de Lescure représente encore aujourd'hui une source de première main.

En revanche l'historiographie moderne témoigne d'un regain d'intérêt pour ce phénomène des salons parisiens du XVIIIe siècle sous l'impulsion de l'imposant ouvrage d'Antoine Lilti, Le monde des salons, sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle.

Ce livre, issu d'une thèse soutenue en 2003 et publié chez Fayard en 2005 , fait incontestablement autorité en la matière dans le sens où il considère et redéfinis ces « sociétés » non plus uniquement comme une mode mondaine à visée purement intellectuelle mais plutôt comme une pratique nouvelle de socialisation des élites qui témoigne ainsi d'un bouleversement des valeurs de la classe dominante au profit d'une élite plus variée et plus dispersée.

Aussi, il fait mention au chapitre 7 des pratiques épistolières des gens de ces sociétés qu'il incorpore dans son raisonnement sur les modes de sociabilisation de cette élite culturelle du XVIIIe siècle.

De même la vie et l'oeuvre de la marquise ont fait l'objet d'études nouvelles dont le plus récent ouvrage d'Inès Murat, Madame du Deffand, la lettre et l'esprit, fut publiée en 2003 aux éditions Perrin.

Par ailleurs, on remarque que la lettre de notre document est très peu commentée dans l'historiographie car elle précède de quelques mois les évènements dont elle prépare le terrain. Il est nécessaire d'opérer à une petite série de mise au point et de définition pour mieux cerner le contexte et l'objet de cette lettre et plus globalement de cette correspondance.

Antoine Lilti nous apprend, dès le début de son livre, que le terme de salon est une invention lexicale du XIXe siècle et que les contemporains du XVIIIe siècle avaient coutume de parler de société ou de cercle dont les participants faisaient parties du monde des mondanités.

Tous ces termes désignaient un espace de vie et de sociabilisation contenu dans un cadre personnel et privé tout en renvoyant à une vision plus large et plus universelle que le simple terme de salon .

Il est évident que dans le cadre du XVIIIe siècle et de notre exposé tous ces termes désignent la même chose et que, par commodité de langage, nous emploierons sur un pied d'égalité les termes de société , de cercle et de salon .

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