L'exceptionnel service de table de Louis XVI

« Louis XVI en est certainement convaincu, tout pétri qu 'il est des principes de Fénelon .

Ceux-ci sont avant tout incarnés dans le Télé maqu e de ce dernier, dont le roi a rédigé les com­ mentaires dès l'âge de onze ans et qu'il a fait rééditer en 178 3 pour l'éducation de son fils.

Rien d' étonnant à ce que ce ré­ cit contant l'éducation d'un prin­ ce vertueux soit à l'origine du décor du service de table de Sa Majesté.

D'autres sources d'ins­ piration, plus traditionnelles, y figurent également.

Ainsi Les M é tamorphoses d'Ovide et de nombreuses illustrations iso ­ lées des grands thèmes de !'An­ tiquité ou de la mythologie .

Le serv ice du roi , selon ses vœux, constitue un «recueil » de thèmes moralisateurs jugés appropriés à l'éducation des princes de ce siècle .

La disposi­ tion des scènes sur les pièces ne semble cependant pas , se­ lon les historiens d'art, avoir sui­ vi un ordre particulier .

Le roi participe aussi à la com­ position du service, notamment en introduisant des formes aux fonctions nouvelles comme les citronniers.

Car Louis XVI affec­ tionne particulièrement le jus de citron qu 'il substitue à l'huile et au vinaigre pour accompa­ gner la salade .

On crée donc ce modèle à son usage propre .

Conséquences inattendues de la fuite à Varennes Les vingt-trois années prévues, et acceptées, par le roi pour la fabrication de son service de table montrent bien l'intérêt qu'il porte à la manufacture de Sèvres et son désir que rien ne soit épargné pour la réalisation de ce qui sera la plus spectacu­ laire commande aux yeux de toute l'Europe .

Louis XVI connaît d'ailleurs parfaitement la difficulté d'exécution des illustrations miniatures .

Des- sins et rapports lui sont réguliè­ rement soumi s.

En 1791, l'un de ces rapports l' informe qu 'il faut un peu plus d'une année à un artiste travaillant neuf heures par jour pour exécuter cinq de ces miniatures compor­ tant sept figures en moyenne ! En outre, cette activité est dé­ volue, à Sèvres, à une élite peu nombreuse, les peintres de fi­ gures, seuls capables d'une tel­ le minutie .

Aussi, le roi attend-il avec une impatience peu dissimulée, l'arrivée du quota annuel des pièces de son service .

La livrai- son a lieu le jour de l'an, en mê- me temps qu'une exposition­ vente des créations des manu­ factures royales est organisée dans ses appartements privés .

Louis XVI se plaît à jouir de l'admiration des courtisans de­ vant les nouveautés de Sèvres , son service prenant alors aux yeux de tous une valeur exem­ plaire .

Un de ces jours de l'an, le roi, brûlant d'excitation de découvrir les nouvelles pièces de son service, n'attend pas l 'arrivée du personnel de la manufacture pour déballer les caisses .

Cette expérience mal­ heureuse se conclut par quelques bris et par un tel désordre qu'il faut plusieurs heures pour tout remettre UNE VALEUR INESTIMABLE La renommée du service de table de Louis XVI est restée intacte.

Huit peintres seulement ont participé à l'exécution de cette œuvre unique.

La richesse et la minutie du décor justifient son coût énorme, chaque assiette valant à l'époque 480 livres ! Aujourd'hui, lorsque l'une des pièces de cet ensemble apparaît sur le marché de l'art, elle atteint un prix record.

La mort tragique du roi ajoute sans doute une dimension supplémentaire à l'attrait de ce service, assimilé à une relique liée à la mémoire du souverain martyr .

En mai 1791, alors que toutes ses pensées devraient être consacrées à son projet d'éva­ sion , Louis XVI reçoit encore un rapport d'avancement des tra­ vaux.

Il y répond le 9 juin .

A peine treize jours plus tard, il est arrêté à Varennes .

Cette ar­ restation sonne le glas de la monarchie et du service de table du roi, qui ne sera jamais achevé.

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