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L'exploration océane

Publié le 27/02/2008

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Du siècle de Colomb à celui de Cook, les deux époques culminantes de la navigation océanique, l'exploration des mers a subi une éclipse dont l'importance, pour avoir été exagérée par certains auteurs, ne laisse pas de frapper l'attention de l'historien par sa singularité. En effet, si vers 1600 l'on commençait à bien connaître la configuration de l'Atlantique et de l'océan Indien avec ses mers bordières, combien de blancs attendaient, sur la carte du Pacifique, d'être remplis par les découvreurs ! A peine une poignée d'archipels (Les Mariannes, les Carolines, les Santa Cruz) avaient-ils été visités par les Espagnols ; la localisation de tels d'entre eux, comme les Salomon relevées par Mendana en 1567, demeurait si fantaisiste, par suite des erreurs de la navigation à l'estime, qu'ils ne devaient être définitivement identifiés que deux siècles après. Combien de mystères géographiques manquaient aussi d'une solution, depuis la physionomie du Pacifique septentrional, dont on ignorait à la lettre tout, jusqu'à la croyance, léguée par l'Antiquité, à une gigantesque " terra incognita " qui faisait, pensait-on, contrepoids dans le monde austral aux masses continentales de l'hémisphère nord ! N'est-ce pas elle que Quiros et Torres crurent avoir rencontrée quand ils abordèrent en 1606 aux Nouvelles-Hébrides ? N'est-ce pas en la cherchant vainement en 1642 que Tasman démontra que l'Australie, dont il avait fait le tour, ne lui était pas rattachée et prit pour la première fois contact avec la Nouvelle-Zélande ? Que quatre-vingts ans plus tard Roggeveen reconnut l'énigmatique île de Pâques ?

« Le Roy et Berthoud (1766-1768) qui, en conservant à bord l'heure de Londres ou de Paris, faciliteront encore lescalculs : La Pérouse n'en emportera pas moins de six, dont un fonctionnera avec une régularité parfaite jusqu'aubout du voyage.

Pour les marins passionnés de savoir, admirablement orientés dans leurs recherches et mieuxéquipés pour les entreprendre qu'ils ne l'avaient jamais été, l'heure est enfin venue de l'exploration scientifique del'océan. Penchons-nous sur la carte du Pacifique vers 1750, objet des méditations du président de Brosses.

Les espacesblancs n'y sont plus tout à fait aussi nombreux que trente ans auparavant : de 1728 à 1743 les expéditionsorganisées par le gouvernement russe avec Béring à leur tête, les premières qui, en dépit d'un outillage encoredéplorablement insuffisant, aient fait œuvre savante, ont découvert qu'un détroit séparait l'Asie de l'Amérique ; ellesont relevé avec assez de précision les côtes orientales de la Sibérie, beaucoup plus superficiellement le littoralméridional de l'Alaska et l'archipel des Aléoutiennes. Mais, au reste, combien d'incertitudes du nord au sud de l'immense océan ! Aucune des énigmes qui hantaient lapensée des géographes n'est résolue, ni celle du passage du nord-ouest, ou d'une voie à la fois maritime et fluvialequi unirait à travers l'Amérique le détroit de Juan-de-Fuca à la baie d'Hudson, ni celle surtout de la “ terra incognita”.

Tasman et Roggeveen l'ont fait reculer au sud de la position qu'on lui assignait généralement.

Néanmoins, ils n'ontguère dépassé le 44e degré : le continent fabuleux n'est-il pas au delà, tout proche ? Problèmes mineurs, mais dont aucun homme de science ne se désintéresse : si l'on connaît la côte ouest del'Australie, le dessin de ses contours orientaux entre la Grande Baie et le cap York est toujours purementhypothétique ; on ne sait même pas s'il faut leur rattacher la Nouvelle-Guinée, la découverte du détroit de Torres en1606 étant restée enfouie dans les archives espagnoles.

Ignorée aussi la véritable nature de la Nouvelle-Zélande,que des géographes s'obstinent à croire reliée à la “ terra incognita ” ; ignorée, dans le Pacifique Nord, la séparationd'Yezo et de Sakhaline, voire le caractère insulaire de ces deux terres. Il est à peine besoin, pour en finir avec ce panorama, de rappeler que, parmi les innombrables îles semées à traversles mers du Sud, bien peu ont été localisées avec exactitude.

Et le dessin en relève de la fantaisie.

Beaucoupcomme la Nouvelle Calédonie, Tahiti, les Marshall, les Gilbert, les Gambier, demeurent entièrement inconnues.

Aurebours, les cartographes ont peuplé l'océan d'îles imaginaires, héritage transmis de génération en génération d'unetradition légendaire ou fruits d'une appréciation grossière de la longitude : tels ces chapelets de terres supposéesqui flanquent à l'est et à l'ouest les très réelles Hawaï, elles-mêmes aperçues peut-être au XVIe siècle maisoubliées. Laissons s'écouler une cinquantaine d'années, illustrées par un Wallis et un Carteret, un Bougainville, un Cook, un LaPérouse, un Vancouver, et confrontons à notre carte celle de 1800.

Un abîme les sépare : par la précision du tracécomme par la richesse de la nomenclature, la seconde ressemble déjà étrangement à celles d'aujourd'hui.

Les grandsmystères que recelait le Pacifique se sont éclaircis.

Grâce à la circumnavigation du pôle austral, exécutée par Cookde 1773 à 1775, celui de la “ terra incognita ” a disparu : si elle existe, elle ne peut être qu'une Antarctique,défendue par la banquise, désolée et inhabitable.

A Cook également, qui en 1778 a longé la côte de l'Alaska jusqu'au71e degré de latitude, appartient la gloire sinon d'être parvenu à trouver le passage du nord-ouest, du moins d'enavoir démontré l'impraticabilité, à cause des glaces qui l'obstruent.

Ruinée enfin la croyance, si tenace, à une routed'eau vers l'Atlantique à travers le continent américain : les méticuleuses recherches poursuivies par Vancouver de1792 à 1795 entre le Puget Sound et 60° Nord en ont révélé l'inanité. Mais, pour admirables qu'aient été ces travaux, ils demeurent en somme négatifs, ils pâlissent auprès desdécouvertes qui en quelques années meublent le Pacifique à peu près de toutes les terres nouvelles, situées,dessinées et décrites avec une étonnante précision, que nous y connaissons aujourd'hui Assurément, la pléiade denavigateurs dont nous avons cité les noms a pris une part inégale à cette œuvre : bien que Wallis, Carteret,Bougainville aient enrichi nos atlas de nombreux archipels, visités par eux pour la première fois ou tirés de l'oubli(Tahiti, les Samoa, la Louisiade, les Salomon), ils les traversaient encore hâtivement, sans relever l'une après l'autretoutes les îles qui les formaient, plus soucieux de remplir les blancs de la carte que de bien étudier.

Et le charme dela relation de Bougainville, sa contribution un peu naïve au mythe classique du “ bon sauvage ” ont peut-être plusfait pour sa gloire que son voyage lui-même.

Mais les mœurs changent avec un Cook qui dépense des mois decampagne à tracer les contours, merveilleux déjà de vérité, de l'Australie orientale, de la Nouvelle-Zélande et desarchipels polynésiens.

C'est à peine avec moins de minutie que La Pérouse entreprend l'hydrographie de la mer duJapon, écartant définitivement le voile d'erreurs ou d'incertitudes qui couvrait Yezo, Sakhaline et la Manche deTartarie. Et la mer ne suffit pas à ces navigateurs, si épris soient-ils de leur métier : à chaque escale ils s'informent desraces, des mœurs, de la faune et de la flore, aussi curieux de botaniser que de décrire les types de pirogues ou lesdanses indigènes.

Ils consignent leurs observations et leurs raisonnements dans d'admirables récits de voyage,révélation pour l'élite intellectuelle et l'une des plus belles contributions qui aient été apportées à l'histoire dessciences. A la vérité, là où Cook, La Pérouse et Vancouver ont passé, il ne reste qu'à glaner.

C'est à quoi se sont employés,non sans bonheur, pendant la Révolution, un d'Entrecasteaux dont l'adjoint Beautemps-Beaupré a dressé deremarquables cartes de l'Australie et de la Mélanésie ; à l'aurore du XIXe siècle un Baudin et un Flinders, rivaux dansl'exploration de la Grande Baie australienne ; de 1826 à 1829 enfin un Dumont d'Urville aux Tonga, aux Fidji et en. »

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