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Pierre le Grand

Publié le 22/02/2012

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Des grands souverains dont les règnes paraissent marquer, dans la suite des temps, une étape décisive, Pierre Ier n'est sans doute pas le plus glorieux, mais assurément le plus singulier, le plus original. Ce géant barbare, à peine dégrossi par une éducation hors les murs du Kremlin, animé d'un besoin constant d'action et de mouvement, soumis à des exigences impérieuses et multiformes du corps, mais doué d'une vive intelligence et pénétré des devoirs de sa charge, s'est voué au service de l'État ; héritant un royaume arriéré, contesté, considéré encore à l'aube du XVIIIe siècle par les Occidentaux comme à demi asiatique, il le transforme, lui impose les bases administratives, militaires, financières, économiques, d'un État moderne, lui assure une authentique indépendance et le soude à l'Europe.

« implacable, inhumain et qui lui ont valu en définitive le reproche d'avoir, contre toute saine tradition, voulu"occidentaliser" la Russie.

Certaines d'entre elles ont même été prises dans la période du gouvernement desNarychkine.

Il est vrai que le jeune souverain, par son comportement, donnait le ton et, imitant ses amis du"quartier des Allemands", avait adopté, avant son premier voyage à l'étranger, le vêtement européen et l'usage dutabac, au grand scandale de l'Église qui considérait cette "herbe" comme un produit maléfique.

Aussi bien, lesfameuses réformes de 1699-1700, qui imposaient, même aux femmes, le costume allemand ou hongrois, de mêmeque l'interdiction du port de la barbe, correspondaient à un état de fait antérieur, il est vrai très limité.

Il était déjàquestion de la réforme du calendrier avant l'ukase de 1700 qui abandonna le calcul des années à partir de lacréation du monde et fit adopter le calendrier Julien. Les mesures concernant le vêtement et le port de la barbe sont justement très significatives de l'œuvre de Pierre.Le vêtement occidental ne fut en définitive porté qu'à la Cour, par la noblesse et une infime partie de la populationdes villes.

On se rasa le visage dans l'entourage du tsar, mais le moujik garda sa barbe, par habitude et scrupulereligieux.

Il dut cependant, quand il franchissait les barrières de la ville pour se rendre au marché, payer uneredevance, un "impôt sur la barbe".

On ne peut parler donc "d'occidentalisation" généralisée des mœurs.

Si lecostume européen et le visage rasé différencient désormais la noblesse du peuple, celui-ci garde ses coutumes, etcertaines des mesures imposées ne sont que prétexte fiscal.

De même que, plus tard, l'obligation faite d'utiliser desplanches, et non plus des fûts d'arbres entiers pour en faire des cercueils mesure qui provoqua un grandmécontentement parmi les paysans avait pour but de ménager les ressources forestières. Mais ce n'est là qu'apparence.

L'action de Pierre, dès qu'il gouverne personnellement à partir de 1699, va bien au-delà de ces imitations superficielles.

Pierre le Grand s'est voulu souverain moderne, donnant à son pays les moyensanalogues à ceux qui fondaient la puissance des États d'Occident plus avancés.

Souverain, c'est-à-dire d'abord chefde guerre.

Ce n'est pas là un titre original ; mais Pierre a appliqué à sa politique militaire, à ses différends avec sesvoisins, une ténacité, un courage à la fois moral et physique, qui lui ont permis de toujours se relever des premiersdésastres et, en définitive, de vaincre la Suède qui lui barrait la route de la Baltique.

Son action a été moinsheureuse sur le front Sud où l'Empire ottoman maintint sa frontière et, après une alternance de succès et de revers,lui imposa le statu quo par le traité du Prout (1713). Ces victoires, dont les conséquences ont été considérables sur le plan économique et sur le plan diplomatique, ontgrandi le royaume et la personne du tsar.

Quelle différence entre la "Grande Ambassade" au sein de laquelle Pierre,modeste, se dissimulait, et l'ambassade de 1716-1717 qui l'amène d'Amsterdam à Paris et où il fait figure desouverain puissant, dont on ne peut refuser la rencontre.

Certes, ses manières de sauvage, parfois grossières, n'ontguère changé, si l'on en juge par la description qu'en donne Saint-Simon.

Mais il n'est plus un "ouvrier enapprentissage".

C'est un chef d'État, venu en égal, désireux d'être reconnu comme tel. A cette époque, cependant, les grandes réformes n'ont pas été accomplies.

Elles datent des années 1718-1724.Certes, dès 1700, le Patriarcat, dont le dernier titulaire n'avait pas été remplacé, est supprimé.

Mais c'est en 1721seulement qu'est créé le saint-synode, petite assemblée d'ecclésiastiques qui, sous le contrôle d'un procureurgénéral nommé par le tsar (à partir de 1722), dirigeait désormais l'Église russe orthodoxe.

L'Église, dont les biens,dès le début du règne, avaient été recensés et rognés, devient un instrument du pouvoir.

Ses rapports avec l'Égliserévèlent bien un trait essentiel du caractère de Pierre le Grand.

Très vraisemblablement incroyant, n'éprouvantaucune crainte d'un au-delà éventuel, il brise les résistances du clergé dont une partie soutenait la sourdeopposition créée politique de réformes accélérées et brutales.

Irréligieux, mais aussi amoral.

Aucune considération nele retient dans la poursuite de ses buts.

L'exemple le plus odieux de son action impitoyable est l'exécution de sonpropre fils Alexis Petrovic (en 1718) dont la personne falote, mais sympathique, attachée aux traditions, idéaliséepar le peuple, était l'espoir de tous ceux qui voyaient en Pierre le Grand un novateur impie et une manièred'Antéchrist. On conçoit qu'une volonté aussi forte et méprisante, soutenue par un entourage de serviteurs du régime que Pierrea su admirablement choisir, et bénéficiant de la passivité de la masse, ait pu, contre la volonté de bien des gens enplace, donner à la Russie une organisation toute nouvelle.

La nécessité elle-même l'avait contraint à forger peu àpeu une armée sur le modèle de l'Occident.

L'accès à la Baltique lui impose la création d'une marine.

Le Règlementmilitaire de 1716, les Règlements maritimes et de l'Amirauté de 1718 à 1720 sanctionnent ces transformationscapitales.

C'est encore l'Occident qui inspire la création des "Collèges", sortes de ministères collégiaux, dont laspécialisation améliorait singulièrement le système administratif.

Auprès de lui, le tsar ne tolère aucune entrave : il abien organisé un Sénat (1711), pâle reflet de l'ancienne Douma des boyards, mais il a placé à sa tête un procureurqui est son agent et lui assure l'obéissance de cette assemblée simplement consultative.

Enfin, toute la noblesseest désormais intégrée dans le système administratif par la Table des rangs (1722). Pierre le Grand a établi également les bases d'une économie qui trouvera son plein développement sous Catherine II.La Russie d'alors est à peu près dépourvue d'usines et de manufactures ; le tsar a tout à créer sur cette terred'artisanat traditionnel, dont le commerce extérieur est déficitaire, déséquilibré par les importations de produitsfabriqués, et en particulier d'armes nécessaires à la défense du pays. Le premier voyage de Pierre le Grand à l'étranger, en 1697-1698, lui a donné conscience du retard de la Russie (pourla première fois, un tsar franchissait les limites de son royaume).

Cette "Grande Ambassade", dont les résultatsdiplomatiques ont été médiocres et qui a popularisé le personnage du "tsar charpentier" maniant la hache sur leschantiers navals de Hollande (Opéra de Lortzing, 1837), a été le point de départ d'un recrutement de techniciens et. »

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