Théodose Ier le Grand
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
On ne saurait en dire autant de sa politique intérieure, malgré des tentatives louables mais trop timides etinsuffisantes.
La situation sociale aurait appelé de profondes réformes : les témoignages du païen Libanios et duchrétien Chrysostome convergent avec les données de la législation pour faire connaître la misère des cultivateursaccablés d'impôts et de dettes, les difficultés des petits propriétaires et des bourgeois des villes soumis à de lourdescharges, les abus des fonctionnaires ou des puissants, devenus les "patrons" des petites gens qui aspirent à uneprotection.
Des mouvements populaires à Antioche, Alexandrie, Constantinople attestent le malaise politique qui enrésulte.
On avait conscience de ces maux : Théodose a tenté de légiférer pour y porter remède ; mais ces lois decirconstance n'ont pas formé un ensemble (si elles figurent dans le Code Théodosien, ce n'est pas lui mais son petit-fils Théodose II qui les a rassemblées dans la compilation qui porte son nom) et elles sont restées impuissantes oumal appliquées.
On ne peut donc dire que cet empereur ait mérité le surnom de Grand qui lui a été donné ; s'il l'a reçu sous la plumedes historiens ecclésiastiques, c'est en raison de sa politique religieuse, qui a opéré une véritable révolutionreligieuse dans l'histoire du monde antique.
Constantin, on le sait, avait fait un pas décisif en embrassant la religion chrétienne et surtout en conférant à l'Églisedes privilèges extraordinaires au lendemain immédiat de sanglantes persécutions.
Mais le paganisme traditionnelavait conservé ses droits, son prestige, son caractère officiel.
En outre, de Constantin à Valens, l'arianisme,condamné au concile de Nicée, avait été favorisé par les empereurs d'Orient qui l'avaient imposé comme unevéritable religion d'État.
Théodose a été le premier, avec Gratien qui l'avait élevé à l'Empire, à rompre avec cettepolitique arianophile.
Non content de laisser revenir d'exil ou installer sur les sièges épiscopaux des prélats favorablesà l'orthodoxie, il prescrit à tous ses sujets, par l'édit du 27 février 380, d'adopter la foi professée par les évêques deRome et d'Alexandrie et, par une loi du 10 janvier 381, il précise les articles du Credo nicéen, désormais obligatoire.D'autres lois en 381 interdisent de célébrer le culte hérétique à l'intérieur des villes, en même temps qu'un grandconcile réuni sur son ordre à Constantinople renouvelle les anathèmes contre toutes les doctrines déjà condamnéespar l'Église.
Cette nouvelle politique entraîne un véritable effondrement de l'arianisme, naguère triomphant : ildisparaît pratiquement de l'Empire et n'y réapparaîtra qu'avec les Goths et autres Barbares convertis à cette formedu christianisme.
Bientôt, c'est le paganisme qui est à son tour battu en brèche.
Ses adeptes étaient de moins en moins nombreux,mais il en subsistait encore beaucoup dans les milieux ruraux ou dans l'élite cultivée.
D'accord avec Gratien,Théodose est le premier empereur à n'avoir pas, à son avènement, revêtu le grand pontificat païen, et c'est là ledébut d'une véritable "séparation du paganisme et de l'État".
Puis des tracasseries sont organisées sur le plan deslois ou des faits contre les tenants des "superstitions" : le préfet du prétoire d'Orient Cynégius fait, de 384 à 388,des tournées dans ses provinces pour fermer les temples et abattre les idoles ; le fanatisme populaire, encouragépar les autorités, se dresse contre le culte du dieu égyptien Sérapis, dont le temple est détruit en 391.
A cettedate, des lois interdisent toutes les formes du culte païen à Rome et à Alexandrie, puis dans l'Empire entier le 8novembre 392.
Cette proscription du paganisme explique la réaction des Romains fidèles à l'ancienne religion, quisoutiennent alors la révolte d'Arbogast et l'usurpation d'Eugène en Occident : une vague de paganisme déferle surl'Italie en 393, et le conflit de 394 prend l'allure d'une guerre de religion : c'est le Christ qui l'emporte sur Jupiter, etla victoire de Théodose signifie le triomphe décisif du christianisme sur les vieilles religions déchues, réduites au rangde croyances privées sans caractère officiel ni appui de l'État.
Faut-il en conclure que l' "empereur très chrétien" (selon la titulature volontiers employée désormais) a toujours étéun docile instrument entre les mains de l'Église ? Ce serait oublier les épisodes au cours desquels il a été affrontéavec Ambroise de Milan.
En 388, à son arrivée en Italie, Théodose se voit refoulé du chœur de la cathédrale, où il s'installait pour assister àla messe selon l'usage de Constantinople, et placé dans la nef comme les autres laïcs : geste symbolique, par lequelse discerne la divergence des mentalités ecclésiastiques entre l'Orient et l'Occident, et par lequel Ambroisemanifeste l'indépendance de l'Église à l'égard de l'État, voire la subordination du prince au clergé (imperator intraecclesiam non supra ecclesiam, avait dit le prélat face à Valentinien II deux ans plus tôt).
Peu après, c'est l'affairede Callinicum qui oppose l'homme d'Église et l'homme d'État : des troubles ayant éclaté dans cette localité de lafrontière mésopotamienne, les pouvoirs publics ont édicté des sanctions contre les moines et l'évêque, coupables deviolences à l'égard de juifs et d'hérétiques ; Ambroise exige la levée de ces sanctions et grâce à une algarade enpleine église, en menaçant le prince d'excommunication, il obtient l'impunité pour les coupables.
En 390, un nouveau conflit oppose les mêmes protagonistes.
Cette fois, l'empereur a eu le tort de faire massacrerdes milliers d'innocents en représailles d'une émeute populaire à Thessalonique.
Théodose résiste d'abord àl'excommunication qui le frappe.
Mais bientôt le remords le gagne, il se soumet à la pénitence publique infligée parl'évêque avant d'être solennellement absous dans la cathédrale à la fête de Noël.
On a parfois comparé cettesoumission à celle de l'empereur germanique à Canossa au XIe siècle ; en réalité, il ne s'agissait pas au IVe siècled'une lutte du Sacerdoce et de l'Empire pour une suprématie temporelle, mais seulement de la défense des loismorales, et le prince, qui avait naguère regimbé devant les prétentions exorbitantes du prélat autoritaire, s'inclinecette fois avec une contrition sincère devant la voix du "prophète" intrépide qui a fait appel à la conscience dupécheur..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Théodose Ier le Grand par Jean-Remy Palanque Membre de l'Institut La carrière de l'empereur Théodose peut se résumer en quelques lignes.
- Théodose Ier le Grand, Flavius Théodosius
- Abbas Ier le Grand (?
- Théodose Ier.
- GREGOIRE Ier le Grand, saint (540-604) Pape de 590 à 604, il règne en maître à Rome.