Devoir de Philosophie

srg

Publié le 27/11/2013

Extrait du document

Depuis l'Antiquité, les philosophes se penchent sur l'art du bonheur. Depuis peu, les sciences humaines reprennent le problème sous un nouvel angle. N'existerait-il pas quelques facteurs fondamentaux - culturel, économique, social, relationnel et, pourquoi pas, génétique - qui prédisposeraient certains à être plus heureux, ou malheureux, que d'autres ? Le bonheur : de quoi parle-t-on ? « J'ai connu le bonheur, mais ce n'est pas ce qui m'a rendu le plus heureux », écrivait le malicieux Jules Renard. Joli paradoxe que l'on peut comprendre ainsi. On peut avoir « tout pour être heureux » - travail, succès, santé... - sans en profiter vraiment, sans être vraiment heureux. J. Renard avait connu les honneurs, une belle carrière littéraire, une position enviable. Mais cela suffit-il quand on a été le petit Poil de Carotte, cet enfant non désiré qu'il dépeint dans son roman autobiographique ? Ses parents qui l'ont rejeté n'étaient eux-mêmes visiblement pas très disposés au bonheur : son père s'est suicidé d'un coup de fusil en 1897 et, trois ans plus tard, sa mère se jetait au fond d'un puits.Mais revenons au bonheur. De quoi parle-t-on ?Il y a bien sûr ce que tout le monde connaît. Des instants délicieux - le plaisir partagé dans les bras de l'être aimé, une séance de repos sur une plage, une soirée de fête en famille, etc. Il y a ces périodes d'euphorie : après avoir réussi un concours ou un examen, après une naissance... Tout cela représente des phases courtes de jouissance, de félicité. Mais ce n'est pas le bonheur. D'où la formule de Voltaire : « Le bonheur n'existe pas, il n'existe que des instants de bonheur », ou, plus crûment, celle de Jean-Baptiste Lafond : « Le bonheur, c'est tout ce qui arrive entre deux emmerdements. »S'il existe, le bonheur suppose donc d'être durable. Un amour qui se prolonge entre deux personnes, le plaisir permanent de faire un travail qui vous plaît, de vivre une passion. Et encore, ces choses ne sont pas éternelles. Il est écrit dans le Tao-tö-king (attribué à Lao-tseu) : « Le malheur marche au bras du bonheur, le bonheur couche au pied du malheur. » Il est évident que, si vous avez connu le bonheur avec un être qui vous est cher et que cet être vous quitte ou disparaît, vous serez d'autant plus malheureux, à la mesure même de votre bonheur.Le bonheur éternel - tout comme la jeunesse, l'amour, la santé, etc. - n'existant pas, on dit qu'il est des journées réussies mais plus rarement des vies réussies.   La mesure du bien-être Plutôt que d'en rester à des considérations générales sur le bonheur, des chercheurs ont entrepris de le mesurer objectivement (1).Depuis plus de trente ans, des méthodologies diverses - « life satisfaction » (satisfaction de vie) ou « well subjective being » (bien-être subjectif) - ont été développées pour mesurer le niveau de satisfaction. Les méthodes consistent à sonder des échantillons de populations avec des questions du type « dans l'ensemble, êtes-vous satisfait de votre vie ces temps-ci ? », puis à comparer les réponses en fonction du revenu, de l'âge, du sexe, de la religion. De nombreuses enquêtes ont livré des réponses édifiantes : il n'y a pas de corrélation entre bonheur et richesse (voir « La richesse ne rend pas plus heureux », p. 33), le travail, la fam...

« richesse (voir « La richesse ne rend pas plus heureux », p.

33) , le travail, la famille et généralement les relations sociales jouant un rôle bien plus important dans le bien-être (voir « Les joies du travail et de la famille », p.

33) .

Plus étonnant, plusieurs études ont montré que le bonheur pourrait augmenter avec l’âge. Mais les études par sondage ont été critiquées car elles comportent plusieurs biais.

Souvent, les personnes ne portent sur leur état affectif qu’un jugement global et rétrospectif.

C’est pourquoi certains chercheurs préfèrent mesurer l’état de bien-être au quotidien au moment où l’on réalise telle ou telle activité.

Il ne s’agit donc plus de répondre à la question « êtes-vous satisfait de votre vie ces temps-ci ? », mais de noter précisément la satisfaction procurée par telle ou telle activité au cours d’une journée.

Ainsi procède Mihaly Csikszentmihalyi, l’un des papes de la psychologie positive, avec la méthode de l’« experience sampling » (échantillons de vécu).

Ses premiers résultats concernent des femmes américaines.

La palme du déplaisir va au trajet vers le lieu de travail, lorsqu’il est effectué seul.

Et la palme de l’agrément ? Mises à part les relations sexuelles, elle revient aux activités sociales dans leur ensemble. De son côté, Daniel Kahneman a mis au point la « day reconstruction method » (méthode de reconstitution de journée).

Une des conclusions majeures de cette démarche est que notre satisfaction par rapport à la vie est beaucoup plus affectée par notre situation immédiate (être avec des amis, dans une réunion de travail) ou par notre tempérament (être joyeux ou mélancolique) que par des facteurs généraux comme le fait d’être riche, marié ou en bonne santé. Les humains seraient programmés pour le malheur « Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme de volonté », affirmait le philosophe Alain.

Il rejoint en cela certains tenants de la psychologie évolutionniste, qui pensent que nous sommes plutôt enclins au malheur.

Cette discipline suppose que nous avons hérité de traits sélectionnés parce qu’ils augmentent nos chances de survie.

L’Américain Michael Wiederman (2) explique que l’évolution nous aurait dotés d’au moins trois caractéristiques augmentant nos chances de survie, mais diminuant en même temps nos chances d’être heureux. Tout d’abord la crainte et l’anxiété favorisent la survie.

Nos ancêtres vivaient dans des milieux hostiles et devaient faire face à un grand nombre de dangers.

Le souci, ou l’inquiétude fondamentale qui caractérise les humains, est aussi ce qui nous met en éveil face au danger potentiel. Ensuite, se focaliser sur les expériences négatives, les mauvais souvenirs est aussi un moyen de nous prémunir contre les dangers futurs.

Cela nous aide à nous préserver des dangers, mais pas à être heureux.

De même, ajoute M.

Wiederman, « la petite voix » de l’insatisfaction, qui nous rend toujours mécontents de ce que l’on a, est également un facteur de survie de l’espèce.

C’est ce qui nous pousse, nous autres les humains, à en vouloir toujours plus, à vouloir sans cesse améliorer notre condition.

C’est une condition de notre réussite en temps qu’espèce et une damnation pour l’individu. « L’anxiété rend plus vigilant aux problèmes, la peur favorise la fuite ou le combat, la colère intimide adversaires ou rivaux, la tristesse attire la compassion et solidarise le groupe », ajoute le psychothérapeute Christophe André.

En somme, la nature a eu le souci de notre survie, mais pas celui de notre qualité de vie.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

srg