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le conditionnel licenta

Publié le 05/05/2014

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ARGUMENT Le conditionnel a fait l'objet de recherches multiples tant pour sa valeur en langue que pour ses nombreux effets de sens en discours. Après avoir appris à l'école que le conditionnel était un mode, nous parlons aujourd'hui d'un conditionnel-temps, faisant partie intégrante du mode indicatif de par sa morphologie, empruntée - à la fois - à l'imparfait et au futur, ce qui lui vaut l'appellation courante de futur du passé. Par le conditionnel, une éventualité quelconque est située par rapport à d'autres paramètres que le moi-ici-maintenant, et la distorsion qui en résulte a des effets différents selon qu'elle porte principalement sur le locuteur, sur le monde, sur le temps, ou sur des combinaisons diverses. Mais cette constante, précisément, génère des déssacords, selon la coordonnée qui est mise en focus: le conditionnel est considéré tantôt comme un temps de l'indicatif, avec ce que cela comporte d'emplois modaux, tantôt comme une forme verbale à valeur modale, renvoyant à un monde différent du monde réel par des données introduites sous le signe de suspension «...si...», tantôt encore comme une forme verbale à valeur modale par laquelle le locuteur se distancie de l'information transmise, en abandonnant la parole à un énonciateur. Pour ces raisons le conditionnel constitue le thème de notre recherche. On part de la description du conditionnel du point de vue morphématique et sémantique et de la conception de Robert Martin qui classifie le conditionnel dans conditionnel de l'univers de croyance et conditionnel du monde possible, donc un nouvel abord et tout cela pour établir la place du conditionnel parmi les autres modes de la langue française. Puisque l'histoire d'une langue est très importante ayant des repercussions sur tout ce qui suit, on a essayé de présenter l'évolution du conditionnel (évolution tantôt en ce qui concerne sa forme, tantôt son sémantisme) à travers les grandes périodes de la langue, c'est-à-dire l'héritage latin, le progrès de l'ancien français et celui du moyen français. On se pose classiquement la question de savoir si le conditionnel est un mode spécifique ou un temps de l'indicatif. On verra que ces valeurs ne peuvent pas s'exclure, elles ne sont pas en disjonction exclusive (soit l'une, soit l'autre), elles coexistent. On a essayé toutefois de faire dans le chapitre III une brève classification des emplois temporels et modaux du conditionnel. Dans le chapitre IV nous nous sommes appliqués à une analyse des particularités du conditionnel. La règle du si conditionnel ne peut pas faire omission dans ce cadre. Puis on sait bien que si est toujours incompatible avec le conditionnel. Dans le sous-chapitre SI et le conditionnel on décrit des motifs pour cette incompatibilité. On a aussi analysé quelques manifestations différentes du conditionnel; il s'agit de la corrélation hypothétique, le conditionnel dans les questions et le conditionnel dit atténuatif. L'objet de cette étude est d'examiner le conditionnel français, l'analyse sera donc faite selon un groupement sémantique des conditionnels pour lequel nous suivrons principalement la classification de la grammaire traditionnelle. Nous chercherons à déterminer les différentes valeurs que peut assumer le conditionnel dans les contextes variés. Notre corpus, le roman de Honoré de Balzac, Le père Goriot, un corpus divers et varié pour le fait qu'on a y identifié beaucoup de phrases avec le conditionnel, tentant de regrouper tous les emplois afin de dégager l'unicité sémantique de ce mode verbale - autrement dit, sa valeur langagière - nous a offert pour analyse 342 phrases avec le conditionnel et 507 occurences. C'est ce roman, et pas un autre, pour des raisons simplement sentimentales, donc c'est un choix subjectif. Le roman n'a pas seulement une valeur importante pour l'oeuvre de Balzac, il n'est seulement très émouvant, mais il dispose aussi d'une variété grammaticale remarquable en ce qui concerne l'usage de conditionnel. Nous avons découvert cela après plusieurs lectures, le crayon à la main. Le choix bibliographique, pour l'élaboration de ce travail, a été difficile. Pour établir le parcours historique du conditionnel on n'aurait pu utiliser autre document aussi précieux que l'Histoire de la langue française dès origines à 1900 de Ferdinand Brunot ou son deuxième travail, La pensée et la langue. Mais il ne faut pas oublier la Syntaxe du français moderne... de Le Bidois et aussi les travaux d'André Lanly. Un autre instrument très important a été la Grammaire méthodique du français, de Martin Riegel que nous a aidé pour nous faire une image très claire sur les valeurs diverses du conditionnel, à côté de la Grammaire Larousse du français contemporain de Jean-Claude Chevalier. L'impressionante recherche linguistique de D. Patrick et L. Tasmowski a été une source qui ne peut être épuisée trop simplement. C'est un vrai trésor qui nous a beaucoup aidé et dirigé. Chapitre I. Place du conditionnel dans la catégorie du verbe français I.1. Définition Comme le subjonctif, l'indicatif ou l'impératif, le conditionnel est un mode1. Il a plusieurs temps: le présent, le passé première forme et le passé deuxième forme qui est plus rare. Le conditionnel présente l'événiment exprimé par le verbe comme un processus à réalisation éventuelle ou comme une conséquence réalisable ou potentielle : (1)- Si j'avais été ici, lui disait alors Vautrin, ce malheur ne vous serait pas arrivé! je vous aurais joliment dévisagé cette farceuse-là. (Le père Goriot2) C'est le mode du fait dont la réalisation est soumise à une condition. N.B. - Le conditionnel ne s'emploie que dans les propositions indépendantes ou principales; il ne s'emploie jamais dans les propositions subordonnées de condition. I.2. Temps Pendant un infime intervalle de temps, la pensée pense le temps et, en le pensant, elle le convertit dans un espace-temps qu'elle représente mentalement sous la forme d'un vecteur. Ce vecteur temporal est donc comme substanciel à un processus dinamique de représentation cérébrale du temps que Gustave Guillaume appelle chronogénèse. Gustave Guillaume3 conçoit les modes comme des résultats d'une interception plus ou moins précoce ou tardive du temps représenté en évolution sur le vecteur chronogénétique. Lors de cette interception la pensée, pour se représenter la dinamique du monde environnant arêtte le processus de la chronogénèse à des distances plus ou moins éloignées de son point d'origine, en isolant ainsi sur le trajet vectoriel des tranches à contenu variable de temps. Ceux-ci sont, selon Gustave Guillaume, des chronothèses ou des modes, conformément à la terminologie traditionnelle. Les opérations de pensée spécifiques à chaque chronothèse sont substancielles au découpage de ce contenu de temps qui peut être minimal, moyen ou maximal, considéré comme virtuel ou actuel, animé par des tensions intérieures ou bien divisé à son tour en époque temporelle, en temps et en aspect. En ce qui concerne le français, le contenu de temps réparti aux trois chronothèses est le suivant: a) la chronothèse initiale du temps in posse (la chronogénèse n'a pas encore opéré: l'infinitif et le participe); b) la chronothèse médiane du temps in fieri (la chronogénèse a plus ou moins opéré: le subjonctif); c) la chronothèse finale du temps in esse (la chronogénèse a fini d'opérer: l'indicatif). Cette troisième chronothèse correspond au mode indicatif. C'est ici que l'on trouve le conditionnel (appellé futur hypothétique par Gustave Guillaume), temps (donc pas mode) qui combine incidence et décadence. La valeur du conditionnel est celle d'un futur qui descend au-dessous de lui-même. Si on dit vous réussiriez, on pense à volonté « vous réussiriez actuellemnet, présentement » ou « vous réussiriez plus tard, à telle date ». Le présent du conditionnel exprime des faits qui ne sont pas réels, une action regardée comme possible dans l'avenir, la condition étant présentée comme réalisable dans l'avenir. A ce conditionnel, appelé potentiel, correspond, dans la proposition circonstancielle de condition, un imparfait de l'indicatif: (2)Si vous obteniez quelque adoucissement à sa rigueur, je prierais Dieu pour vous. (PG) (vous obtenirez peut-être, et dans ce cas je pourrai prier Dieu). Le conditionnel présent peut aussi exprimer une action regardée comme impossible dans le présent, la condition étant présentée comme non réalisée dans le présent. A ce conditionnel, appelé irréel du présent, correspond encore, dans la proposition de condition, un imparfait de l'indicatif: (3)Aujourd'hui, si vous obteniez quelque adoucissement à sa rigueur, je prierais Dieu pour vous. (mais vous n'en obtenez pas, et par conséquent je ne peux pas prier Dieu). Au présent du conditionnel les verbes ont le même radical qu'au futur simple, les terminaisons sont celles de l'imparfait de l'indicatif: -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient. nous irons? futur de l'indicatif nous irions? présent du conditionnel Etant une forme en -r, le conditionnel présent est situé au côté du futur de l'indicatif (on l'appelle futur hypothétique aussi), mais il s'exprime en s'insérant dans le passé, dont il porte la marque à la désinence. Le passé du conditionnel peut s'exprimer sous deux formes: 1re forme (le verbe auxiliaire au conditionnel présent + le participe du verbe à conjuguer) (4)Il aurait voulu se jeter dans un gouffre. (PG) 2e forme 4 (le verbe auxiliaire au subjonctif imparfait + le participe passé du verbe à conjuguer) (5)Si la joie d'un bal eût reflété ses teintes rosées sur ce visage pâle. (PG) Le conditionnel passé sert à exprimer l'antériorité par rapport à une action au conditionnel présent: (6)S'ils l'avaient bien connu, peut-être auraient-ils été vivement intéressés par le problème que présentait sa situation physique et morale ; mais rien n'était plus difficile. (PG) et il exprime aussi une action regardée comme impossible dans le passé, la condition étant présentée comme non réalisée dans le passé. A ce conditionnel, appelé irréel du passé, correspond dans la proposition de condition un plus-que-parfait de l'indicatif: (7)Hier, si vous aviez obtenu quelque adoucissement à sa rigueur, j'aurais prié Dieu pour vous. (PG) (mais vous n'en avez pas obtenu, et par conséquent je n'ai pas pu prier Dieu). N.B. - 1. Le passé du conditionnel peut s'employer au lieu du présent pour exprimer une action regardée comme possible dans l'avenir, mais envisagée surtout dans son résultat. A ce conditionnel correspond dans la proposition de condition, un imparfait de l'indicatif: (8)Si j'étais riche, se dit-il en changeant une pièce de trente sous qu'il avait prise en cas de malheur, je serais allé en voiture, j'aurais pu penser à mon aise. (PG) (je serai peut-être, et dans ce cas j'irai en voiture, je penserai à mon aise). 2. Le passé du conditionnel, 2? forme, est peu usité, surtout dans la langue parlée. Il peut s'employer dans la principale à la place du passé du conditionnel, 1? ? forme, et parfois dans la proposition de condition à la place du passé du plus-que-parfait de l'indicatif: (9)Si madame de Beauséant n'avait pas été là, ma divine comtesse eût été la reine du bal. (PG) (10)Si l'amour eût ranimé ces yeux tristes, Victorine aurait pu lutter avec les plus belles jeunes filles. (PG) Le présent ou le passé du conditionnel sont souvent employés dans des phrases où la condition n'est pas exprimée par une proposition introduite par si, mais par des tours équivalents: (11)Des trésors ne payeraient pas ce dévouement. (PG) (c'est-à-dire si on avait des trésors). (12)- Silence, monsieur, je ne veux pas en entendre davantage, vous me feriez douter de moi-même.(PG) (c'est-à-dire si j'entendais davantage). (13)Eh ! bien, vous m'auriez fait de la peine de parler autrement, reprit le tentateur. (PG) (c'est-à-dire si vous aviez parlé autrement). I.3. Conception de Robert Martin La caractérisation la plus fréquente attribuée au conditionnel est celle de forme verbale corrélative. Pour expliquer cette étiquette il suffit d'établir, dans ces trois exemples ci-dessous le rapport entre l'univers d'énonciation (y compris le sujet qui énonce ) et le procès au conditionnel5 : (14)Un gendre est un homme pour qui nous élèverons, vous ou moi, une chère petite créature à laquelle nous tiendrons par mille liens, qui sera pendant dix-sept ans la joie de la famille, qui en est l'âme blanche, dirait Lamartine, et qui en deviendra la peste. (PG) (15)Si j'étais femme, je voudrais mourir (non, pas si bête !) vivre pour lui. (PG) (16)En disant deux mots, je pourrais te faire scier le cou dans huit jours. (PG) Dans (14) le sujet énonciateur ne se porte pas garant de la vérité du procès (dire qu'elle est en l'âme blanche), ou dans les termes de Robert Martin, ce procès est vrai dans l'univers de croyance de Lamartine6 . Le sujet ne prend pas en charge la vérité du procès. Dans (15) le procès est vrai dans l'hypothèse créée par si ou, de nouveau dans les termes de R. Martin, le procès au conditionnel s'inscrit dans un monde possible. Dans (16) nous avons deux lectures différentes, compatibles avec deux enchaînements différents: (a) selon moi (Vautrin) - (selon X) et (b) si tu savais que... Pour (b) la situation revient à celle de (15). Pour (a) le procès est vrai dans l'univers de croyance de Vautrin, cette vérité n'appartient pas à l'univers du sujet énonciateur. Ces emplois permettent à R. Martin de conclure que le conditionnel est toujours une forme verbale corrélative: il s'emploie avec un si hypothétique et alors il place le procès dans un monde possible (15) - et il parle de conditionnel de mondes possibles (conditionnel M) - il s'associe à un changement d'univers et alors le sujet énonciateur ne prend pas en charge ce qu'il dit (14), (16) - dans ce cas il parle de conditionnel de changement d'univers (conditionnel U). Chapitre II. L'architectonique du conditionnel II.1. L'héritage latin La perspective de l'avenir peut avoir son point de départ et être ouverte à un moment passé. Pour rendre cette vue, le latin populaire usait d'une périphrase (cantare habebam, j'avais à chanter, je devais chanter) qui remplaçait le tour classique de même sens, cantarus eram; elle était, on le voit, taillée sur le même patron que le futur du latin vulgaire, cantare habeo. De cette périphrase, qui contenait un imparfait, sortit, à l'époque gallo-romaine, une nouvelle forme verbale, chanterais, où se reconnaît, grâce à la désinence, la présence de l'imparfait (av) ais associé à un infinitif. C'est le conditionnel. On admet que le futur français est périphrastique, c'est-à-dire composé de: infinitif + hábeo; habes, etc. cantare hábeo > cantaráio > chanterai De même le conditionnel, qui lui correspond toujours morphologiquement, serait formé de : infinitif + hab?bam, hab?bas, etc. cantare (hab)?bam > cantar?a > chantereie La question de l'origine du conditionnel n'est peut-être pas aussi simple, car il est bien difficile d'expliquer « je chanterais demain » par « j'avais à chanter ». Mais il est bien certain que je chanterais a une terminaison d'imparfait: nulle part cependant (même dans les autres langues romanes), le conditionnel ne présente le verbe habere dans sa totalité; il n'a que les produits de la terminaison -?(b)a, -?(b)as... . Dans la période du latin parlé le verbe habere n'était pas toujours au présent; on trouve des formes comme habuit, haberet, habebat. De là, par la jonction de l'imparfait et de l'infinitif, le temps passé dans le futur, depuis appelé, en raison de sa fonction modale, conditionnel. Le premier exemple connu qui soit tout à fait semblable à la forme romane est dans les Sermons recueillis par Migne (texte du Ve siècle) : Sanare te habebat deus, si confitereris (Dieu te secourrait), l'action est dans le présent7. Les progrès des formes périphrastiques ont été tels dans la période de transition du VIIe au XIe siècle, que, dès les premiers textes, on ne trouve plus trace des formes du passif, sauf dans le participe passé. Ce participe passé, combiné avec les divers temps et modes de estre: sui, esteie, fui, serai, sereie, seie, fusse, estre, remplaça les formes disparues. Dans la conjugaison de l'actif, le triomphe des formes périphrastiques avait été moins complet. Cependant elles se sont substituées aux formes simples: à l'indicatif futur, porterai, au futur antérieur avrai portet, au parfait et au plus-que-parfait du subjonctif aie, ëusse portet, enfin à l'infinitif passé aveir portet. En outre, il est né: a) un temps-mode, le conditionnel présent, qui en qualité de temps sert de futur dans le passé, portereie; b) un conditionnel passé, avreie portet; c) un passé antérieur, oi portet; d) un passé plus-que-parfait, aveie portet; e) un passé dit indéfini, ai portet. Ces temps donnent déjà une toute autre physionomie à la conjugaison. II.2. L'ancien français Dans l'ancien français, les deux éléments dont se composaient le nouveau futur et le conditionnel (l'infinitif et le présent d'avoir d'une part, de l'autre l'infinitif et l'imparfait d'avoir) se sont fondus dans un seul mot, et cela a eu pour leurs formes, tant en ce qui concerne le radical a) qu'en ce qui concerne la désinence b) les conséquences les plus décisives: a) amáre ávyo devenu amaráyo n'a plus qu'un accent, et dès lors le second a est atone. De même pour l'e de deveráyo, pour l'i de veniráyo. Par suite, ces voyelles sont exposées au sort des atones protoniques, a > e, les autres tombent: dev(e)ráyo > devrayo > devrai; ven(i)ráyo > ven(d)rayo > vendrai; amaráyo > amerayo > amerai. b) Pour la désinence, l'influence de la composition se remarque dans les formes faibles de l'auxiliaire habemus, habetis, au futur et à toutes les formes du conditionnel habebam, habebas. Au lieu que les formes pleines se conservent telles qu'elles étaient ailleurs en latin populaire: avemos, avea, aveas, etc., elles se syncopèrent dans ces temps composés, et perdirent la première syllabe av. D'où au conditionnel les désinences eie, eies, etc., au lieu de aveie, aveies, au futur ons, ez, au lieu de avons, avez. Ces désinences deviennent ainsi des véritables flexions inséparables, et font du futur et du conditionnel nouveaux de vraies temps simples: amerai, -as, -at, -ons, -ez, -ont; amereie, -eies, -eiet, -iiens, -iiez, -eient. Mais dans les verbes de la classe faible en -ir, elle se trouve dès l'époque primitive troublée par l'analogie. L'infinitif a un i: mentir, vestir, punir. L'analogie tend à le conserver au futur; elle en modifie la nature, lui ôte l'accent, mais le laisse cependant subsister parfois. D'où mentirai, vestirai, punirai, etc., à côté de ferrai < fer(i)ráyo, saldrai < sal(i)rayo, odrai < aud(i)rayo, harrai < hat(i)rayo, guarrai < guar(i)rayo. Le conditionnel présent ne se trouve que dans les subordonnées: (17)Qui de ço se vantat... Qu'il la fereit eissir tote de sonc henal. (exemple cité par F. Brunot: Pel., 765-767, Histoire de la langue française dès origines à 1900, tome I De l'époque latine à la Renaissance, p. 349), le conditionnel passé ne se trouve que très rarement. Au subjonctif, le plus-que-parfait latin est devenu imparfait. Il marque le présent du conditionnel et aussi le passé. Dans l'ancien français on remarque un acroissement des formes destinées à exprimer une affirmation adoucie, soit qu'on considère la chose énoncée comme possible, soit qu'on la tienne en vérité pour réelle, mais qu'on veuille en adoucir l'information. Le latin classique n'employait là que le subjonctif présent. Le vieux français a la forme appelée conditionnel présent et diverses formes auxiliaires. Dans les propositions désidératives, qui contiennent, à proprement parler, des souhaits iréels, on se sert, comme en latin, des passés de l'indicatif et du subjonctif ou du conditionnel. Les conjonctions sont abondantes: si, mais que, por tant que, par si que, por que, quant; les formes modales sont nombreuses aussi. Pourtant les modalités diverses distinguées dans le latin classique ne se retrouvent plus avec cette netteté dans l'ancien français, malgré le nombre des formes qui eût permis de distinguer, à l'aide du subjonctif renforcé du conditionnel, hypothèse simple, hypothèse possible, et hypothèse irréelle. Pour exprimer une hypothèse possible, on emploie, en ancien français, diverses combinaisons, où le potentiel est marqué, tantôt à la subordonée par le subjonctif ou par l'imparfait de l'indicatif, tantôt à la principale par les divers temps de l'indicatif ou par le conditionnel. Pour l'hypothèse irréelle, si les deux propositions concernent le présent et le futur, la vieille langue se sert surtout de l'imparfait du subjonctif aux deux termes, mais on trouve aussi l'imparfait du subjonctif combiné avec le conditionnel. A partir du XIIe siècle, on voit apparaître et se répandre le tour moderne, qui consiste à mettre l'imparfait de l'indicatif à la subordonnée, le conditionnel présent à la principale. Mais ces modalités sont souvent confondues dans des constructions mixtes. Ainsi on mettra un imparfait de l'indicatif ou du subjonctif dans la conditionnelle, et un futur de l'indicatif dans la principale. Au XIIIe siècle à l'imparfait et au conditionnel, la désinence étymologique iens cède à peu près complètement la place à ions. Au comencement du XIVe siècle, à l'imparfait et au conditionnel, l'e muet de la finale des verbes se prononce encore. Mais dans le cours du XIVe on commence à rencontrer ois, surtout au conditionnel. Au XVe le mouvement se précipite. Pendant tout le cours du siècle, les deux graphies coexistent. II.3. Le moyen français Le conditionnel est en progrès marqué. En présentant la chose comme une hypothèse, il en est venu à se substituer à l'indicatif, lorsqu'il s'agit d'atténuer l'affirmation, soit qu'il y ait doute, soit que l'on veuille présenter moins brutalement cette affirmation. Mais c'est dans les propositions hypothétiques que se remarque un changement notable par rapport à l'ancien français. Les vieilles formes existent toujours, et le subjonctif joue toujours un rôle considérable, qu'il ne perdra que beaucoup plus tard. Le subjonctif entre aussi comme en ancien français dans des constructions mixtes, où il se mélange au conditionnel et à l'indicatif. Mais il importe d'ajouter que le XIV ? siècle voit se développer une nouvelle forme de phrase hypothétique, où le subjonctif est au plus-que-parfait dans les deux propositions. Cette forme, à peu près inusitée en ancien français, est très répandue au XVe et au XVIe siècles. En outre, les phrases hypothétiques ont très souvent depuis le XIIIe siècle comme en français moderne le conditionnel à la principale et l'indicatif imparfait à la subordonnée, c'est le potentiel. On peut avoir l'indicatif imparfait à la principale et le subjonctif plus-que-parfait - plus tard remplacé par le conditionnel passé - à la subordonnée, c'est l'irréel. Le moyen français n'est pas une époque où l'on puisse démêler dans la syntaxe de grands mouvements bien marqués. La syntaxe des complétives est toujours à peu près celle de l'ancien français. Après les verbes croire, penser, sitôt qu'il y a un doute, le subjonctif remplace l'indicatif. Il suffit du reste que le verbe principal soit au subjonctif ou au conditionnel pour qu'une attraction amène au verbe subordonné le même mode. La forme du conditionnel a été constituée dans la période de transformation où la langue latine vulgaire est devenue le français. L'avenir, même considéré comme certain, est dans un rapport étroit avec l'éventuel, puisque la chose n'est pas arrivée, et c'est ainsi que s'expliquent dans les langues anciennes les rapports entre le futur et le subjonctif, mode de l'éventuel. Le futur dans le passé, créé dès les origines, sitôt qu'on ajoutait l'idée accessoire d'une condition, d'une circonstance, qu'on présentait comme nécessaire pour l'accomplissement de l'action, devait prendre un caractère modal bien net. (18)Elle disait qu'elle accepterait l'enfant en pension, où accepterait est un futur, devient modal, sitôt qu'on ajoute une conditionnelle: (19)Elle disait qu'elle accepterait l'enfant, si on lui payait un franc par jour8. Aujourd'hui encore, il y a des phrases où la forme commune tient à la fois du sens du futur et du sens de l'éventuel. Il importe de remarquer que souvent, sans être exprimée positivement dans une proposition hypothétique ou dans un complément, l'idée de la circonstance où l'éventualité se réaliserait, se trouve dans le contexte: (20)Tout le monde rirait de moi9. Puis peu à peu on en arrive à des phrases où vraiment aucune condition n'apparaît plus, comme dans: (21)Cela conviendrait mieux10. II.4. Le conditionnel remplace le subjonctif Anciennement l'imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif servaient de mode éventuel, et concuraient avec le conditionnel à exprimer l'éventualité: Je m'en allasse volontiers signifiait: je m'en irais ou je m'en serais allé. Le plus-que-parfait du subjonctif joue encore ce rôle. Dès le XVIIe siècle, le subjonctif imparfait cessa peu à peu à servir de conditionnel à la proposition principale, comme il le faisait encore au XVIe siècle. Le conditionnel a remplacé le subjonctif en ce cas; il n'y a plus qu'une forme au lieu de deux. Dans les subordonnées, le subjonctif jouait fort souvent ce rôle d'éventuel bien que les théoriciens aient parlé toujours de correspondance temporelle en méconnaissant les raisons de la présence de l'imparfait ou du plus-que-parfait. Le conditionnel de la principale se rapporte à un présent ou à un futur, comment entraînerait-il un passé dans la subordonnée? La correspondance est modale et non pas temporelle. Le subjonctif imparfait a dans ces phrases une valeur d'éventuel. Sous l'influence de la tradition et des règles, on écrit toujours l'imparfait, mais on s'en sert de moins en moins dans la langue parlée. Le présent s'est introduit un peu partout. Là où la perte est plus sérieuse, c'est dans les propositions qui doivent avoir leur modalité propre, et où un subjonctif du conditionnel était nécessaire pour la traduire. Il n'est pas rare du tout de trouver des conditionnels dans les écrits d'hommes instruits. Les formes qui restent au subjonctif sont bien vivantes dans le français de Paris. L'emploi du subjonctif se restreint, il n'est pas impeccable, sans doute. Mais rien ne fait prévoir que la forme du subjonctif soit menacée de périr. Chapitre III. Temporalité et modalité Dans la grammaire traditionnelle le terme temps grammatical réfère aux formes que le verbe prend pour mettre en évidence à quel moment de la durée on situe le fait dont il s'agit. Les formes temporelles expriment des relations: une action, par exemple, est passée par rapport au présent ou au futur etc. Elles indiquent aussi les relations entre les temps verbaux qu'on appelle aspect (et qu'on peut décrire comme la manière dont on considère le développement de l'action, c'est-à-dire si une action commence, si elle dure ou si elle est achevée). Les formes modales sont les formes que prend le verbe quand on réfère à la situation par rapport au mouvement de pensée qui, au moment de la parole, anime le sujet parlant. Quand le conditionnel indique, par exemple, une expression de volonté affaiblie, il s'agit d'un emploi modal du conditionnel. Par sa formation le conditionnel n'avait nullement pour destination primitive d'énoncer la condition (l'hypothèse). C'est dans les propositions complétives que le latin populaire faisait de la périphrase legere habeo, sinon le plus grand usage, du moins l'usage le plus important, le plus remarquable, (dicebat quod legere habebat, il disait qu'il avait à lire); là, nulle ombre d'intention modale, mais tout simplement un futur, un futur énoncé dans le passé, ou si l'on préfère, énoncé par quelqu'un parlant, à un moment du passé, de quelque chose encore à venir. Donc un pur temps, non un mode. C'est exactement la valeur que le conditionnel français a de soi dans les propositions complétives (sauf, naturellement, le cas où la phrase entière est placée dans le jour de l'hypothèse): Il a dit qu'il viendrait = il a dit: je viendrai. L'action de venir est énoncée par quelqu'un que la phrase présente comme parlant à un moment du passé, mais parlant de l'avenir. L'avenir ne nous appartient pas; la réalisation d'une chose annoncée comme future ne dépend jamais de nous seuls, elle est conditionnée par des circonstances sur lesquelles nous ne pouvons rien. Et ainsi le futur implique toujours quelque degré d'incertitude. Selon la façon dont il est énoncé dans la phrase, cette incertitude se laisse plus ou moins entrevoir: complètement inaperçue avec un futur ordinaire (il viendra), elle devient beaucoup plus sensible avec le conditionnel (il a dit qu'il viendrait); ici, à la valeur d'indication temporelle il s'en ajoute une autre, celle d'éventualité, c'est-à-dire d'action qui, sans doute, peut arriver, mais qui peut aussi ne pas arriver, selon les circonstances. L'idée accessoire d'éventualité (ou simple possibilité), c'est le mode contenu en puissance dans le temps qui fait son apparition. Le futur a son origine dans la virtualité de l'avenir (emploi modal) et s'oriente vers la certitude (emploi temporel); le conditionnel a son origine dans la certitude garantie par un univers différent de l'univers du locuteur (l'emploi temporel) et s'oriente vers un monde possible (l'emploi modal). Le conditionnel connaît, comme le futur auquel il s'oppose, deux séries d'emplois, temporels et modaux, dans des cadres syntaxiques en grande partie analogues. Ces valeurs peuvent parfois se mêler, la valeur temporelle peut se charger de la valeur modale. Dans chacune de ces valeurs, le conditionnel présent et le conditionnel passé ont un fonctionnement parallèle: dans les emplois temporels, ils s'opposent sur le plan aspectuel, comme toutes les formes simples et composées; dans les emplois modaux, ils s'opposent plutôt sur le plan chronologique: le conditionnel présent marque le présent ou le futur, le conditionnel passé indique le passé. D'après Gustave Guillaume le conditionnel n'est qu'un temps du mode indicatif et dans le conditionnel simple l'hypothèse est toujours retenue à l'actualité. Dans la forme composée, le conditionnel peut se détacher de l'actualité toujours en appartenant à l'indicatif ou au subjonctif. Selon celui-ci le conditionnel est en fait la représentative d'un futur portant une surcharge d'hypothèse et donc pour cette raison appelée futur hypothétique. Il se situe entre le présent et le futur et il est infiniment extensible et non achevable entre les deux temps. III.1. Le conditionnel temporel Le conditionnel peut exprimer un futur vu à partir d'un moment du passé. De même que le futur simple exprime l'avenir par rapport au présent, le conditionnel exprime l'avenir par rapport au passé: Virginie pense que Paul viendra / Virginie pensait que Paul viendrait (exemples cités par M. Riegel, Grammaire méthodique du français, p.153). Cet emploi suppose un déplacement vers un repère temporel antérieur lié à un changement de locuteur. Le processus indiqué au conditionnel n'est pas repéré par rapport au point d'énonciation, mais par rapport à un repère temporel antérieur. Dans cette relation de postériorité par rapport au passé, rien n'empêche que le procès soit situé après le présent du locuteur: Je pensais que Paul viendrait demain. Pour prendre cette valeur temporelle, le conditionnel doit être relié à une indication explicite du passé. Celle-ci est le plus souvent fournie par une proposition principale à un temps du passé (imparfait, passé composé, etc.), dont dépend une subordonnée au conditionnel: complétive, relative ou circonstancielle de temps : (22)Si vous connaissiez la situation dans laquelle se trouve ma famille, dit-il en continuant, vous aimeriez à jouer le rôle d'une de ces fées fabuleuses qui se plaisaient à dissiper les obstacles autour de leurs filleuls. (PG) (23)Si vous connaissiez le plaisir que j'ai eu à m'occuper de tout ce ménage de garçon, vous n'hésiteriez pas, et vous me demanderiez pardon. (PG) Le conditionnel s'emploie aussi en phrase indépendante, au style indirect libre, inséré dans un récit au passé: (24)Je ne la supporterais pas un jour, pas une nuit, pas deux heures! (PG) (25)Un Parisien égaré ne verrait là que des pensions bourgeoises ou des Institutions, de la misère ou de l'ennui, de la vieillesse qui meurt, de la joyeuse jeunesse contrainte à travailler. (PG) (26)Je devrais rester dans un coin à piocher le Droit, ne penser qu'à devenir un rude magistrat. (PG) («Je me disais que...»). Le style indirect libre occupe une position intermédi...

« essayé toutefois de faire dans le chapitre III une brève classification des emplois temporels et modaux du conditionnel. Dans le chapitre IV nous nous sommes appliqués à une analyse des particularités du conditionnel.

La règle du si conditionnel ne peut pas faire omission dans ce cadre.

Puis on sait bien que si est toujours incompatible avec le conditionnel.

Dans le sous- chapitre SI et le conditionnel on décrit des motifs pour cette incompatibilité. On a aussi analysé quelques manifestations différentes du conditionnel; il s'agit de la corrélation hypothétique , le conditionnel dans les questions et le conditionnel dit atténuatif . L'objet de cette étude est d'examiner le conditionnel français, l'analyse sera donc faite selon un groupement sémantique des conditionnels pour lequel nous suivrons principalement la classification de la grammaire traditionnelle.

Nous chercherons à déterminer les différentes valeurs que peut assumer le conditionnel dans les contextes variés. Notre corpus , le roman de Honoré de Balzac, Le père Goriot , un corpus divers et varié pour le fait qu'on a y identifié beaucoup de phrases avec le conditionnel, tentant de regrouper tous les emplois afin de dégager l’unicité sémantique de ce mode verbale – autrement dit, sa valeur langagière – nous a offert pour analyse 342 phrases avec le conditionnel et 507 occurences. C'est ce roman, et pas un autre, pour des raisons simplement sentimentales, donc c'est un choix subjectif.

Le roman n'a pas seulement une valeur importante pour l'oeuvre de Balzac, il n'est seulement très émouvant, mais il dispose aussi d'une variété grammaticale remarquable en ce qui concerne l'usage de conditionnel.

Nous avons découvert cela après plusieurs lectures, le crayon à la main. Le choix bibliographique, pour l'élaboration de ce travail, a été difficile. Pour établir le parcours historique du conditionnel on n'aurait pu utiliser autre document aussi précieux que l' Histoire de la langue française dès origines à 1900 de Ferdinand Brunot ou son deuxième travail, La pensée et la langue.

Mais il ne faut pas oublier la Syntaxe du français moderne...

de Le Bidois et aussi les travaux d'André Lanly. 2. »

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