Devoir de Philosophie

A UNE PASSANTE DE BAUDELAIRE (Commentaire)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

baudelaire
La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.  Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?  Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !  Baudelaire - Les Fleurs du mal, 1857

Vers 1 : le décor, la rue.
Vers 2-5 : l'apparition de la passante.
Vers 6-8 : les réactions immédiates du poète.
Vers 9 : le coup d'œil et la « fuite « de la passante. Vers 9-14 : les réactions secondes du poète.
Les «réactions secondes « des derniers vers s'opposent aux « réactions immédiates« des vers 6-8.
Il s'agit d'abord, en effet d'un récit. L'approche progressive de la passante (sa silhouette, son air, sa main, sa robe, sa jambe, ses yeux) culmine au vers 9, tandis que son éloignement se devine, progressif lui aussi, puis irrémédiable, dans les cinq derniers vers. Faisant écho à l'événement, les réactions du poète, qui se met en scène, se- font également en deux temps.
 


baudelaire

« douloureuse.» L'originalité de Baudelaire sera donc dans le traitement de ce thème, de cette « pensée douloureuse».

Or, la placedonnée à ce poème dans Les Fleurs du Mal nous invite à le lire à un autre niveau : il fait partie des « Tableaux parisiens » et ceux-ci, dans l'architecture générale du recueil, sont disposés comme une halte, un moment de répitoù le poète tente d'échapper à la désespérance en s'ouvrant à la ville, en s'intéressant au sort des autres.

Mais onn'échappe pas à soi-même.

La ville renvoie le poète à ses fantasmes, à ses fantômes.

Il ne peut y retrouver quel'hostilité du monde en même temps qu'il y recherche des figures idéales.

La Passante ne peut donc être à ses yeuxune simple passante : il faut qu'elle lui rappelle la beauté d'un autre monde.

La manquer, ce ne peut être seulementperdre une femme : c'est frôler l'Idéal inaccessible.

D'où la profondeur de son trouble, et le double niveau — réalisteet symbolique — auquel il faut tenter de lire ce poème. MOUVEMENT DU TEXTE Si l'on se réfère à l'effet produit sur le lecteur, le texte fait soigneusement ressortir le dernier vers par rapport (oupar contraste) aux treize premiers vers.

Celui-ci introduit un élément de surprise, une sorte d'élargissement quimodifie la perspective.

Il fait basculer la scène de rue dans le domaine de ce qui est irrévocablement révolu.

L'effetprovient d'ailleurs surtout du second hémistiche (« ô toi qui le savais») qui ajoute une donnée nouvelle à ce qui est dit dans l'hémistiche précédent et même dans l'ensemble du poème. Cette première remarque implique que ce poème se lise et se dise en un seul mouvement.

Cela étant, le sonnet suitune progression aux étapes bien précises : Vers 1 : le décor, la rue. Vers 2-5 : l'apparition de la passante. Vers 6-8 : les réactions immédiates du poète. Vers 9 : le coup d'œil et la « fuite » de la passante.

Vers 9-14 : les réactions secondes du poète. Les «réactions secondes » des derniers vers s'opposent aux « réactions immédiates» des vers 6-8. Il s'agit d'abord, en effet d'un récit.

L'approche progressive de la passante (sa silhouette, son air, sa main, sa robe, sa jambe, ses yeux) culmine au vers 9, tandis que son éloignement se devine, progressif lui aussi, puis irrémédiable,dans les cinq derniers vers.

Faisant écho à l'événement, les réactions du poète, qui se met en scène, se- fontégalement en deux temps. Cette composition peut donner lieu à une analyse comme celle que l'on ferait à propos d'un roman.

Une situation dedépart : un homme dans la ville.

La réalité est perçue par le « héros » qui se confond avec le narrateur; et cela dèsle début (« La rue [..] autour de moi»). Un premier événement vient rompre l'équilibre initial : le passage d'une femme, rapporté au passé simple, temps del'action.

Que va-t-il se passer ? Il se produit comme une suspension de l'intrigue, le temps de faire le portrait de l'héroïne et de décrire l'émotion duhéros ; cependant, les vers 7-8 évoquent une suite possible, une action virtuelle qui maintient le lecteur (comme lehéros) dans l'attente de ce qui va avoir lieu. Puis vient le deuxième acte de l'épisode, bref mais essentiel, l'« éclair» d'un regard que la passante jette avant de disparaître. L'évocation qui suit, lyrique, est comme un long épilogue, mais elle demeure partir intégrante de la narration,puisqu'elle l'achève en anéantissant l'espoir d'une nouvelle rencontre.

Sans doute ce poème est-il bien autre choseque ce court « roman » : mais on ne négligera pas de souligner l'efficacité avec laquelle Baudelaire en mène le récit. ÉTUDE SUIVIE Le décor Un seul vers suffit à planter le décor.

Le vacarme de la ville est traduit par des mots choisis, à signification forte :«assourdissante», «hurlait».

Ce dernier verbe, employé métaphoriquement, « bestialise » la foule vociférante.

Des sonorités étudiées (r/u/ou), disposées symétriquement, renforcent de leur « bruit » le sens des mots : « La rue assourdissante autour de moi hurlait.» Ce décor hostile cerne de toutes parts le poète, dans la réalité comme dans son expression: le « moi» est précisément encadré, dans le vers, par les mots et les sonorités qui désignent l'environnement de la rue.

Le renvoidu verbe « hurlait » en fin de phrase prolonge en quelque sorte l'effet du hurlement.

Le « moi » est bâillonné. L'apparition. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles