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A une question d'un journaliste sur le rôle de l'écrivain, Eugène Ionesco répondait : « Il pose des problèmes. C'est le seul message qu'il doit décemment délivrer... Il est évident que je préfère l'écrivain qui pose des problèmes à celui qui propose des solutions. » En appuyant votre réflexion sur des exemples précis, vous direz ce que, pour votre part, vous attendez d'un auteur et de la lecture d'une oeuvre.

Publié le 17/01/2022

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Eugène Ionesco, né à Bucarest en 1912, vient tout jeune à Paris, rentre en Roumanie à quatorze ans, y termine ses études, puis revient en France en 1938. Il est passé de l'obscurité au succès en l'espace de dix ans. Son oeuvre déjà abondante offre une grande unité d'inspiration et d'écriture. Situations étranges et insolites, personnages bizarres et torturés, autant d'éléments pris dans la réalité quotidienne, mais agrandis par l'optique théâtrale, « forcés », poussés dans leur logique jusqu'à l'absurde. Mots impropres et inattendus, phrases inachevées et incohérentes, la langue que parlent les personnages d'Ionesco traduit et célèbre la toute-puissance du lieu commun et de son automatisme dans nos propos de tous les jours. L'intention d'Ionesco est bien de nous rendre attentifs à nous-mêmes, de nous révéler l'absurdité monstrueuse de la société et du monde qui nous entoure. Il a parlé lui-même de « l'étonnement devant l'univers qui est, je crois, l'attitude philosophique fondamentale. Par la suite, bien sûr, il faut construire une philosophie. Mais le point de départ de toute connaissance est d'être émerveillé... ».

« C'est ainsi que pour Corneille, la voie est tracée tout droit : l'homme doit s'affirmer en se dépassant lui-même, peuimporte que ce soit pour sa religion, son roi, ou un idéal personnel de grandeur et de vertu...

Il peut même arriverqu'il ne croie plus à cet idéal comme Auguste prêt à se démettre; l'essentiel est que sa volonté subsiste et l'emportesur tout le reste. Voltaire n'hésite guère dans la pensée ni dans l'action : lorsque la raison lui a démontré le bien-fondé de latolérance, de la liberté de pensée, la nécessité d'une justice moins partiale, il s'engage à fond, avec une ardeur extrême : il pourfend ses contradicteurs, il ameute l'opinion publique...

Rousseau, qui fut parfoisson adversaire, n'est pas non plus un homme de tergiversations et de compromis.

S'il existe des contradictions enlui, il ne les voit guère : à partir du moment où il prit la défense de la nature et de l'individu contre le progrès et lacivilisation, ses opinions furent nettes et tranchées : l'Emile apporte un système d'éducation précis. Il est tout aussi aisé de rappeler la prise de position politique de Victor Hugo dans Les châtiments, lors de son exil à Jersey, la campagne de Zola au moment de l'affaire Dreyfus et son fameux J'accuse, de montrer comment tant d'écrivains se sont engagés dans la voie de la Résistance au cours de la dernière guerre, et de citer entre beaucoupd'autres, les noms de Malraux, Aragon, Eluard, René Char...

Enfin on sait que la politique nationale et internationalea pris une part considérable dans la littérature de ces dernières années.

L'actualité immédiate : guerre au Vietnam,question palestinienne, conflits du travail, problèmes des ouvriers immigrés, armement nucléaire sont l'objet de prisesde positions passionnées et de déclarations enflammées... On peut le déplorer ou s'en féliciter, mais il faut bien reconnaître que beaucoup d'écrivains — et d'artistes — jugentbon de prendre parti sur tous les problèmes politiques et sociaux qui se présentent, et il est impossible de leur dénierla qualité d'écrivain sous prétexte qu'ils croient à la « fonction du poète ». 3.

Deux familles d'esprits... Faut-il vraiment faire un choix exclusif entre deux familles d'esprits, se résoudre à trouver sa délectation dans lesperplexités et les angoisses des grands inquiets, des éveilleurs de conscience, ou se réjouir des « appels du héros »,conformer ses actes et sa vie aux leçons des « hommes des utopies »? En vérité nous n'avons pas à trancher un débat, à préférer le Cid exemplaire au velléitaire Frédéric Moreau, ni Émileau Neveu de Rameau.

D'ailleurs, la distinction qu'a établie Eugène Ionesco est un peu théorique et en fait tropradicale... Reprenons quelques-uns de nos modèles : Voltaire, si dogmatique lorsqu'il s'agit de justice ou de tolérance,s'interroge lui-même sur la destinée dans Zadig ou dans Candide.

La fin de La nouvelle Héloïse ne va pas sans incertitudes ni amertume.

Les romans de Zola ne sont ni des oeuvres édifiantes, ni des pamphlets simplistes, maisles descriptions dures et vraies d'une humanité complexe.

A l'opposé, les Pensées de Pascal ne doivent pas être considérées, ainsi qu'on l'a trop souvent fait, purement et simplement comme une analyse angoissée de la conditionhumaine et une immense interrogation sans réponse, proche du doute...

Noublions pas que Pascal voulait inquiéter lelibertin pour l'amener à se jeter « aux pieds de Jésus-Christ » : la prise de conscience n'est pour lui que le premierstade de la conversion véritable dans une « apologie » de la religion chrétienne, que la mort l'empêcha d'achever... Et après tout, n'oublions pas qu'Ionesco lui-même dans Le rhinocéros n'a pas hésité à lutter contre la montée des totalitarismes et la stupidité des masses et que nul ne songe à lui refuser le droit de le faire.

Il faut d'ailleursévoquer à ce sujet le problème du genre et des moyens d'expression : Ionesco préfère poser des questions,dialoguer, plutôt que décider et conclure, il nous découvre une pensée vivante et non une opinion définitive et figéeparce qu'il le veut ainsi et que cela constitue sa vérité.

Mais c'est aussi une nécessité pour un véritable auteurdramatique, — et Ionesco, bien qu'il prétende accéder à d'autres genres littéraires, est un dramaturge né — derecourir constamment à la discussion, au dialogue, de penser que le problème ne sera pas résolu avant la chute durideau.

Sur ce point, le tempérament même de l'auteur et le métier qui lui tient à coeur, s'accordent profondément. Quant à nous, ce qui nous paraît essentiel n'est peut-être pas la forme interrogative ou affirmative donnée à lapensée : poser certains problèmes, c'est déjà commencer à les résoudre.

Un dialogue dramatique entre Antigone etCréon 2, Hoederer et Hugo 3, Estragon et Vladimir 4 nous en dit long, mais un poème en prose de Baudelaire ou un morceau lyrique de Paul Eluard ou de René Char nous plonge dans de profondes et fécondes perplexités... Au sens du XVII.

siècle : honnête homme qui se préoccupe peu de Dieu, et de ses « fins dernières ». 1. Dans Antigone d'Anouilh. 2. Dans Les mains sales de Sartre. 3. Dans En attendant Godot de Beckett. 4. Conclusion. »

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